Titre

Les rencontres internationales de Toumliline

Sous titre

Une décennie d’exception 1956-1966

Auteur

François Martinet ; avant-propos de Brahim Bouabid ; préf. de Driss Khrouz

Type

livre

Editeur

Casablanca : Ed. du Sirocco, 2019

Nombre de pages

300 p.

Prix

120 DH (11, 25 €)

Date de publication

19 septembre 2019

En savoir plus

Les rencontres internationales de Toumliline

Le monastère bénédictin de Toumliline a été fondé en 1952 près d’Azrou dans le Moyen Atlas par la communauté d’En-Calcat[1] ; il ferme en 1968. Expérience brève pour un monastère fondé en réponse à l’invitation de Monseigneur Lefèvre[2], archevêque de Rabat, qui participa aux quatre sessions du Concile Vatican II de 1962 à 1965. Venus pour témoigner de leur foi, sans la moindre volonté de conversion, les moines de Toumliline attestent du désir d’enraciner l’expérience de l’hospitalité chrétienne avec une énergie spirituelle, une conviction sociale et un engagement intellectuel en ces terres marocaines.

Le monastère devient très vite un espace inédit de rencontres, où « des jeunes, musulmans, juifs et chrétiens, venus de tout le Maroc, dialoguèrent et affrontèrent les défis de leur temps dans l’écoute et le partage » (p. 43). Dans le contexte de la décolonisation, le monastère fut aussi le témoin d’une expérience inédite : des rencontres interreligieuses académiques organisées autour de sessions d’été et de conférences, sur le modèle du Collège de France, furent organisées à partir de 1956 en vue de débattre et d’approfondir des questions fondamentales touchant la vie quotidienne des marocains et recoupant des enjeux internationaux. D’éminents chercheurs, intellectuels, hommes politiques venant du Maroc, de France et d’universités prestigieuses du monde entier, à l’instar de Louis Massignon (1883-1962), Louis Gardet (1904-1986), Emmanuel Levinas (1906-1995), Fatima Hassar-Ben Slimane (1928-….), Louis Fougère[3], Ahmed Balafrej (1908-1990), Mohammed El Fassi (1908-1991), Régis Blachère (1900-1973), A.R. Gibb (1895-1971), etc., s’y retrouvèrent pour intervenir et apporter leur contribution au débat.

Ce livre[4], écrit par François Martinet, professeur de philosophie[5], rappelle ce que furent ces rencontres estivales organisées durant une décennie : l’auteur expose les thématiques retenues chaque année, présente les intervenants, et définit « l’esprit de Toumliline ». Il souligne l’importance de personnalités visionnaires, prophétiques, telles Mgr Louis-Amédée Lefèvre ou le Père Prieur du monastère, le Père Denis Martin. Les difficultés avec l’administration française ou marocaine, y sont relevées et l’on retiendra l’anecdote avec l’armée française qui réagit à l’attitude des moines offrant du thé à des prisonniers politiques. Mais rien ne devait être sacrifié à la vérité de l’hospitalité, rien ne devait trahir le devoir d’hospitalité (p. 31), ciment de l’amitié entre Marocains et Français, entre musulmans et chrétiens. Pour François Martinet, « Toumliline est bel et bien une expérience mûre, réfléchie et responsable, de gestation d’un monde multiconfessionnel, multiculturel et multiracial où les seules valeurs qui doivent primer sont celles du respect, de la solidarité et de l’enrichissement mutuel qui font la richesse et la source des vertus humaines » (p. 17).

Nous savons gré à l’auteur de ressusciter l’histoire de ces sessions d’été, à l’heure où se pose la question au Maroc de l’opportunité de relancer les rencontres. Ce livre permet en effet de garder vive la mémoire de ces amitiés entre chrétiens, juifs et musulmans ; il contribue à rappeler l’histoire des rapprochements politiques et du combat commun mené parfois main dans la main entre les chrétiens libéraux d’un côté et les nationalistes marocains de l’autre ; il atteste que l’esprit de Toumliline[6] annonce l’esprit du concile Vatican II.

Emmanuel Pisani, ISTR de Paris

 

Notes de la rédaction

[1] Bienvenue à l’abbaye Saint-Benoît d’En Calcat 

[2] Il s’agit de Mgr Louis-Amédée Lefèvre, franciscain (1890-1968)

[3] Louis Fougère (mort en 1992), fut membre du Conseil d’État. Catholique, il avait le souci des relations entre chrétiens et musulmans et participa aux rencontres internationales de Toumliline. Juriste, il est, notamment, co-auteur d’un article : A propos de la Cour Suprême marocaine créée en 1957 par le Maroc indépendant.

[4] Édité à Casablanca par les éditons du Sirocco, ce livre est vendu en France, Belgique et Suisse, par le distributeur Pollen téléphone : 01-43-62-08-07.

[5] Docteur ès lettres, historien des Français libéraux au Maroc (1952-1962), et du monastère de Toumliline.

[6] À lire, à propos du monastère de Toumliline :  L’installation , « L’esprit de Toumliline », et  “Réinventer Toumliline” en relançant des « rencontres internationales de Toumliline ».

À écouter, sur France Culture, l’émission Questions d’islam du 23/06/2019 – dont l’invité était le politologue et cinéaste Hamid Derrouich – sur Le monastère de Toumliline, l’esprit de fraternité (durée : 54 mn).