Titre

Les printemps arabes et le religieux

Sous titre

La sécularisation de l’islam

Auteur

Jacques Huntzinger

Type

livre

Editeur

Parole et Silence, mai 2014

Collection

Humanités. Perspectives & propositions/Bernardins

Nombre de pages

97 p.

Prix

10 €

Date de publication

31 mars 2015

En savoir plus

Les printemps arabes et le religieux

Ce texte est la synthèse d’un séminaire de recherche qui s’est tenu au Collège des Bernardins entre 2010 et 2012, et qui a réuni une soixantaine de chercheurs des deux rives de la Méditerranée.

L’hypothèse principale, confirmée par les travaux des chercheurs, est que les sociétés du monde arabe sont en train d’accomplir une transition historique dans laquelle les modernisations sociales et culturelles, à l’œuvre depuis quelques décennies, ont débouché sur  les révolutions politiques du printemps 2011. Dans ce contexte tourmenté et en développement, la sécularisation réelle des sociétés ne consiste pas en un abandon de l’islam mais en une redéfinition du rapport traditionnel entre le religieux, le politique et le sociétal.

La première partie – Le religieux, clivage entre les deux rives de la méditerranée ? – analyse la place respective du religieux dans la vie politique, entre la rive nord, sécularisée et laïcisée, et la rive sud de la Méditerranée, laquelle reste imprégnée d’un religieux multiforme, sociétal, juridique et politique. Des développements éclairants précisent les différentes réactions du monde arabe à l’irruption violente de la modernité, entre fascination et répulsion. Ils permettent au lecteur de situer les différents courants trop souvent objets d’amalgame que sont d’une part le wahhabisme et le salafisme, essentiellement religieux, et le projet idéologique et politique des frères musulmans.

La  seconde partie – La nouvelle complexité du monde de l’islam en voie de sécularisation – présente les transformations opérées dans le monde arabe depuis une cinquantaine d’années. Elles ont abouti à la sécularisation de sociétés désormais demandeuses de dignité, d’individualisme et de liberté politique. Cependant, les Européens ont du mal à appréhender une évolution si différente de leur propre histoire et qui reste, à leurs yeux, paradoxale. En effet, la  lame de fond de la sécularisation cohabite ici avec des formes visibles d’islamisation. En témoignent par exemple le développement, en pays maghrébins surtout, d’un « islam laïque », séparant politique et religieux  tandis que les manifestations de religiosité deviennent de plus en plus visibles dans la rue, ou encore l’essor, en Égypte, d’une bourgeoisie pieuse, rejetant à la fois les élites occidentalisées et les extrémistes islamistes. Ce chapitre analyse rapidement mais avec clarté les liens entre l’islam et la condition féminine, l’islam et le droit, l’islam et le politique.

La troisième partie – Les révolutions arabes  et le religieux, le double choc de 2011 et 2012 – s’attache à déchiffrer le sens des « printemps arabes ».  Les révolutions y sont vues comme le révélateur du double mouvement indiqué plus haut : une sécularisation sociétale dans un contexte d’islam religieux identitaire traditionnel, d’autant plus solide qu’il a pu servir de référent identitaire contre la colonisation et la modernisation forcée. Ici encore, les auteurs notent que nos grilles d’analyse européenne peinent à comprendre l’articulation du politique et du religieux dans le monde arabe. S’il est difficile de prévoir les évolutions des différentes révolutions arabes, les chercheurs notent cependant que chacun des États concernés invente, dans des convulsions violentes et en fonction de son histoire politique et sociale, un nouveau rapport entre religieux et politique.

Le séminaire s’est conclu sur des pistes de recherche et d’action pour mieux appréhender les révolutions du monde arabe :

  1. Accepter la sécularisation en marche et sortir de l’alternative religieux/laïc qui nous empêche de comprendre les évolutions en cours ;
  2. Identifier dans chaque révolution sa part universelle et sa part nationale ;
  3. Comprendre le poids de l’histoire, à la fois dans l’évolution de ces sociétés et dans nos propres interprétations ;
  4. Favoriser un dialogue permanent et équilibré au sein de nos sociétés européennes avec les communautés musulmanes ;
  5. Travailler avec les acteurs des révolutions arabes sur le rapport entre religieux, sociétal, politique et juridique.

Au total, on ne peut que recommander la lecture de ce texte qui, en quelques pages, sous une forme claire et synthétique, présente l’essentiel des enjeux auxquels sont confrontées les sociétés arabes, tout comme les nôtres. Dans ce contexte, les pistes de recherche énoncées ci-dessus sont autant d’incitations concrètes pour tous ceux qui cherchent à renforcer la paix dans le monde méditerranéen.

Laure Borgomano

 


[1] Ancien ambassadeur de France, J. Huntzinger est aujourd’hui le Président des Ateliers culturels méditerranéens, projet initié en 2008 par l’Élysée et le Quai d’Orsay dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée. Il est responsable du séminaire dialogue méditerranéen sur la modernité et le religieux, au sein du département de recherche – Société, Liberté, Paix – du Collège des Bernardins. Il a publié  Il était une fois la Méditerranée, Paris, CNRS Éditions, 2010 et Laïcités et sociétés en Méditerranée, collection Parole et Silence, 2012.