Titre
Les étoiles se souviennent de toutAuteur
Youcef ZiremType
livreEditeur
Paris : Fauves éditions, oct. 2018, rééd. janvier 2019Nombre de pages
186 p.Prix
16 €Date de publication
9 décembre 2019Les étoiles se souviennent de tout
Ce livre n’a pas la prétention d’être autre chose qu’un roman. Son auteur, Youcef Zirem, est un journaliste et écrivain algérien de langue française, originaire de Kabylie[1]. De son propre aveu, l’idée de ce texte lui a été donnée par un documentaire de Derri Berkani[2] sur le rôle possiblement joué pendant la 2ème Guerre mondiale par le Recteur de la Grande Mosquée de Paris, cheikh Ben Ghabrit, dont Youcef Zirem dresse au passage un court portrait qu’on pourra trouver assez objectif.
Mais la fiction que Zirem imagine autour de ce fait historique contesté le dépasse de loin. À partir d’une intrigue somme toute assez simple qui se déroule sur la très courte période de l’été 1942, Youcef Zirem nous offre un récit touffu, foisonnant de détails historiques réels.
Ithri, le héros, vit avec Mathilde à Paris où il tient un petit hôtel, et fréquente le milieu des ouvriers kabyles, exilés comme lui. Au début du roman, il revient d’un court séjour auprès de sa femme, Mradi, une poétesse très appréciée, et de son fils, qu’il a laissés dans leur village de l’Afkadou, en Kabylie. Après la rafle du Vél’d’Hiv, Ithri recueille les deux enfants d’un couple ami disparu et prend contact avec un groupe de francs-tireurs kabyles. Avec eux, il va aider à soustraire aux nazis nombre d’enfants juifs et il en paiera le prix fort.
Le roman est construit sur un incessant va-et-vient entre Paris et la région de l’Afkadou, dont les riches paysages sont superbement évoqués et quelques figures d’habitants particulièrement bien campées. L’auteur nous fait vivre le quotidien de ces paysans simples qui ne comprennent pas grand-chose à une guerre dont la violence les touche pourtant de près. À travers eux, il nous invite aussi à une véritable plongée dans une histoire plus ancienne et souvent méconnue, dont les Kabyles ont gardé la mémoire collective.
Que retenir de ce roman si dense ?
On pourra aimer l’évocation historique de grands personnages comme le soufi Ahmed Oudris, vénéré aujourd’hui encore, ou « la Kahina », la reine Dihya qui s’opposa aux musulmans, ou encore celle plus anecdotique des artistes d’origine kabyle qu’Ithri croise dans les cabarets qu’il fréquente et dont les noms parleront au lecteur.
On retiendra avec quel talent l’écrivain décrit des situations humaines complexes et nous rend proches ses personnages dont il nous fait connaître de l’intérieur les enthousiasmes comme les déchirements. On sent bien que, pour l’auteur, comme pour son héros Ithri, « seules les valeurs humaines ont de l’importance ».
Enfin, d’aucuns pourront être plus sensibles encore aux beaux poèmes tout en finesse de Mradi qui émaillent le récit et à l’évocation des lieux et des paysages de l’Afkadou qui font de ce roman de Youcef Zirem un véritable hymne à son pays natal et à son peuple
Monique Boulanger
[1] Après une carrière d’ingénieur, Youcef Zirem est devenu journaliste suite aux tragiques événements d’octobre 1988 à Alger. Il a travaillé à l’hebdomadaire La Nation et a fait partie des rédactions des quotidiens Alger républicain et Le Quotidien d’Algérie ainsi que de l’hebdomadaire El Haq. Il a publié, depuis 1995, une dizaine de livres . Y. Zirem présente son livre sur le site de son éditeur (durée : 2mn 15)
[2] Documentaire diffusé sur la chaîne de télévision FR3 en 1990 : Une résistance oubliée. La mosquée de Paris de 40 à 44, et dans le cadre d’une conférence-débat donnée à la Bibliothèque municipale de Lyon, le 23/03/2017, en présence du réalisateur de ce film, Derri Berkani, et dont on pourra voir la vidéo (durée : 1h25 dont 25 mn de projection du film). Même sujet repris par Ismaël Ferroukhi dans son film : Les hommes libres, sorti en septembre 2011.