Recension

Titre

Les chrétiens d’Orient

Auteur

Bernard Heyberger

Type

livre

Editeur

aris : Presses universitaires de France, 2017

Collection

Que sais-je ? ; n° 4050

Nombre de pages

123 p.

Prix

9 €

Date de publication

24 décembre 2017

Les chrétiens d’Orient

 

En fin de cette année 2017, l’Institut du Monde Arabe de Paris  a présenté une remarquable exposition consacrée aux Chrétiens d’Orient qui a eu un  grand succès auprès d’un public inquiet des massacres envers les civils exécutés par les terroristes ralliés à Al Qaïda et à Daech. Il paraissait indispensable de consacrer un Que Sais-Je à ces Chrétiens d’Orient, confié au  Pr. Bernard Heyberger[1], auteur du récent Les chrétiens au Proche-Orient : de la compassion à la compréhension (Paris : Payot, 2013)[2].

Malgré les exigences du format de la collection, l’auteur nous livre d’abondants détails sur les débuts du christianisme oriental, ponctué par les persécutions décidées par les empereurs romains jusqu’à la conversion de l’Empereur Constantin en 312.

Les chrétiens vont désormais appartenir à cinq juridictions patriarcales.

Le patriarcat de Byzance invoquant la présence de l’empereur se définit, après celui de Rome, comme plus important que ceux d’Alexandrie (où les autochtones coptes contestent la suprématie byzantine et adopteront le monophysisme[3]) et celui d’Antioche (où les Syriaques qui veulent conserver dans la liturgie la langue araméenne parlée par Jésus au lieu de la  grecque imposée par Constantinople, adopteront aussi le monophysisme).

Quant aux Chrétiens de l’empire sassanide, non autorisés à entretenir des relations avec leurs coreligionnaires byzantins ou syriaques, leur Eglise d’Orient – qui évangélisera les peuples de la Route de la Soie jusqu’à Shanghai, et couvrira au VIIIe siècle 27 métropolies et 220 diocèses – devra adopter une troisième doctrine, celle du diaphysisme[4], inspirée de Théodore de Mopsueste (m.428) et reprise par Nestorius.

Ces deux dernières Eglises (Alexandrie et Antioche) sont appelées non-chalcédoniennes[5].

Quant au  cénobitisme, copte de Saint-Antoine (m.356), et syriaque de Saint-Siméon (m.459), il se répand dans toutes ces régions orientales et génère le monachisme occidental.

La rapide expansion de l’islam est due à  l’épuisement des deux Empires ennemis, byzantin, qui perdra rapidement la Palestine, la Syrie, l’Anatolie et  sassanide qui disparaîtra complètement en Irak et en Iran. Les Chrétiens restés majoritaires jusqu’aux croisades, adopteront l‘arabe ;  Ibn Qurrah (m.830) sera le premier à rédiger en arabe des ouvrages théologiques chrétiens. Byzance réoccupera la côte syrienne de 969 à 1084, facilitant ainsi l’accès des Croisés par la terre à Jérusalem.

L’élite chrétienne participera à la grande civilisation abbasside avec la création de la Maison de la Sagesse, de Bagdad, sorte de CNRS avant la lettre ; les médecins nestoriens, les traducteurs syriaques des philosophes grecs, les encyclopédistes melkites, seront protégés par les califes à un point qu’Al Mahdi (782-783) entreprendra une controverse avec le Patriarche Timothée révélant une interactivité islamo-chrétienne  qu’on ne verra plus.

Au XIXe s., les chrétiens ont été les interprètes privilégiés de la modernité politique (p.122) ; la Nahda[6] leur doit beaucoup  et particulièrement au publiciste Fares Chidiaq (m.1887) et à l’encyclopédiste Boutros Al Boustani (m.1884). Soupçonnés de collusion avec l’Occident, les chrétiens deviennent les cibles pour la souveraineté et l’indépendance surtout que l’islam est cité comme religion d’Etat dans presque toutes les constitutions arabes.

La France fut longtemps protectrice des catholiques de l’Empire ottoman ; la Russie le devint pour les orthodoxes à la fin du XVIIIe s. C’est l’argument utilisé par le Président Poutine pour participer à la guerre civile syrienne  actuelle. Si, dès la fin du XIXe s., émergea un droit humanitaire international humanitaire, les régimes actuels plus ou moins islamistes (p.123) reconnaîtront tout juste aux chrétiens – qui, ont augmenté en nombre (2 millions en 1900, 10 millions en 2017) mais beaucoup diminué en pourcentage -, une certaine autonomie pour le statut personnel, mais rien de plus en ce qui concerne la citoyenneté demandée pour tous.

 

Christian Lochon

 

[1] Bernard Heyberger faisait partie des invités des Mardis des Bernardins, le 14/11/2017 sur : Les Chrétiens d’Orient : de la spiritualité à la citoyenneté (durée : 1h30)

[2] Pour ce livre, Bernard Heyberger a reçu Le Grand Prix de l’Œuvre d’Orient  2013

[3] Cf. Définition du monophysisme

[4] Cf. Dans sa conférence intitulée Rôle et culture des chrétiens d’Orient , Christian Lochon évoque la doctrine  diaphysite

[5] Cf. Sites pour en savoir plus sur les églises non-chalcédoniennes et les églises des 3 conciles

[6] Cf. Article d’Anne-Laure Dupont sur Nahda, la renaissance arabe