Titre

L’Egypte en révolutions

Auteur

Bernard Rougier et Stéphane Lacroix

Type

livre

Editeur

PUF, 21/01/2015

Nombre de pages

324

Prix

27 €

Date de publication

30 octobre 2015

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L’Egypte en révolutions

Dans cet ouvrage collectif, Bernard Rougier, directeur du CEDEJ (Centre de recherches sociales, basé au Caire) et Stéphane Lacroix, professeur associé à Sciences-Po et spécialiste de l’islam politique, analysent les causes de l’échec des Frères musulmans, après leur accès au pouvoir en Égypte. Avec l’éclairage de chercheurs en majorité français et égyptiens, souvent attachés au CEDEJ, ils s’interrogent sur les dynamiques qui ont agité l’Égypte de 2011 à 2013, de la phase d’enthousiasme révolutionnaire à la prise de contrôle par l’armée.

Au-delà du retour en force des instances sécuritaires et de la politique répressive, quelles sont les chances d’une solution politique et d’un dépassement durable de la violence – islamiste ou d’État – en Égypte ?

Après une passionnante introduction décrivant les forces en présence, leurs alliances et leurs revirements dans la phase révolutionnaire, plusieurs articles détaillent les raisons de l’échec des Frères musulmans. Ils citent les erreurs dans leur stratégie politique (mépris pour les mouv

ements démocratiques) et leur gestion administrative (« frérisation » outrancière de diverses instances de pouvoir). Et l’absence d’une politique économique adaptée aux maux dont souffre l’Égypte, dont les maigres crédits publics s’épuisent en subventions à l’alimentation et l’énergie, alors que la santé et l’éducation, tragiquement délaissées, sont des urgences criantes. Une analyse très éclairante des résultats électoraux (pages 165 à 179) montre que les Frères musulmans n’ont emporté les élections présidentielles que par l’apport de voix massif des paysans pauvres de la vallée du Nil. Et c’est la population des villes, d’emblée moins favorable à l’islam politique, qui a sanctionné la faillite sociale du nouveau pouvoir en se joignant à la rébellion (« Tamarrod ») contre le président Morsi, qui apparaissait comme ayant trahi le mandat qui lui avait été confié.

C’est ce rejet de l’islam politique par les villes égyptiennes, qui a permis aux forces militaires et à la Justice – que Morsi avait voulu soumettre à son contrôle – de reprendre la main sur les institutions et le devenir du pays. Mais pour quels lendemains ? Les forces démocratiques dont le rôle était si important sur la place Tahrir n’ont pu ou su influer sur le jeu institutionnel ; la violence aveugle de la répression dans le Sinaï fait de cette région une « fabrique du terrorisme » (voir pages 213 à 234) ; et il faudra beaucoup de clairvoyance et de courage politique au nouvel homme fort du pays pour conduire les réformes économiques et sociales dont le pays a tant besoin.

Si quelques articles entrent dans les détails d’une analyse spécialisée qui peut décourager certains lecteurs, la majorité des contributions s’avère extrêmement stimulante et éclairante pour qui veut comprendre les raisons profondes des secousses qui se sont succédé en Égypte depuis 4 ans.

Un regret toutefois : le rôle et les positions des Coptes dans ces années critiques ne sont étudiés qu’à travers deux courants, quantitativement peu importants : les charismatiques et les jeunes activistes révolutionnaires. On regrette que soit tout juste évoqué le changement très significatif de positionnement de l’église copte, en faveur du pluralisme et de la citoyenneté, qui s’est engagé sous l’égide du pape Tawadros.
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Bertrand Wallon