Titre

L’Eglise, des femmes avec des hommes

Auteur

Anne-Marie Pelletier

Type

livre

Editeur

Paris : Cerf, 2019

Nombre de pages

248 p

Prix

19,50 €

Date de publication

7 mars 2020

En savoir plus

L’Eglise, des femmes avec des hommes

Anne-Marie Pelletier, exégète et théologienne1, s’adresse à toute personne qui s’interroge sur l’Eglise et notamment aux chrétiennes et chrétiens catholiques qui croient qu’Une autre église est possible2. Elle précise ainsi le sujet de son livre : « Par-delà le plaidoyer pour les femmes, il s’agira bien ici de la vie de l’Eglise dans son entier. Car tel est bien l’enjeu : que la nouveauté de l’Evangile atteigne et ressaisisse cette relation fondatrice d’humanité, qui réunit des hommes et des femmes…» (p.12)

Tout en reconnaissant qu’il y a eu, ces dernières décennies, des « remaniements positifs de la relation entre les hommes et les femmes au sein de l’Église catholique » (p.11), Anne-Marie Pelletier dresse avec lucidité un état des lieux et ne mâche pas ses mots quand elle stigmatise « une misogynie viscérale, qui désespère bien des chrétiennes » et dont l’institution Église catholique « ne parvient manifestement pas, dans la profondeur de ses réflexes, à se dégager. » Elle n’hésite pas à parler de « mépris rampant », « envers de méfiance et de peurs », et de « violences larvées telle cette condescendance qui humilie nombre de femmes dans les paroisses ou dans la vie religieuse. » et termine son énumération par les « crimes sexuels […] qui portent le mal à un comble d’ignominie. » (p.11)

Exégète, l’auteur plaide la cause des femmes en s’appuyant sur la lecture des textes bibliques : elle évoque les femmes « secours » de leur peuple : Judith, Esther (p.91), les femmes « prophétesses » (p.96) ; elle rappelle que les femmes ont été associées à la mission de Jésus et que nombre d’entre elles ont participé à la première évangélisation, telle « Phébée, notre sœur diacre de l’Église de Cenchrées » (Rm 16, 1), p.108 ; mais elle souligne aussi l’absence des femmes dans l’inventaire que Paul3 dresse des témoins de la résurrection (1 Co 15, 5-8) alors que c’est d’abord aux femmes que le Christ ressuscité s’est manifesté au matin de Pâques ! (p.81) Et qu’elles sont ainsi « destinataires premières et privilégiées de l’annonce de la résurrection et de la consigne de la mission (Mt 28, 7-8 ; Mc 16,7 ; Lc 24, 9), Jean, lui, valorise Marie-Madeleine (Jn 20, 17-18), dont le Ressuscité fait l’« apôtre des apôtres » (p.180). Et de conclure : « C’est bien parce que les femmes sont restées présentes au pied de la Croix, en ayant parcouru jusqu’au bout le chemin de la désolation, qu’elles sont les premières à avoir part à l’annonce de la Résurrection. » (p.197)

C’est aussi en théologienne qu’Anne-Marie Pelletier pense la situation des femmes, aujourd’hui, dans l’Église catholique. Pour elle, il ne suffit pas de « faire de la place aux femmes » comme si nous étions dans une « compétition de pouvoir » (p. 173) mais il s’agit, plus profondément, que soit honorée la participation de tous à la mission salvatrice de l’Église comme y invite le Concile Vatican II4. Cela suppose que le sacerdoce baptismal – sacerdoce commun à tous – soit réintégré au centre de l’ecclésiologie (p. 139). Loin d’être supérieur au sacerdoce baptismal – comme pourrait le laisser supposer le cléricalisme – « le sacerdoce ministériel n’existe que comme le service du sacerdoce baptismal. » (p. 145). D’où « l’exigence d’honorer l’identité baptismale des femmes, avec ce que celle-ci implique d’engagement et de responsabilité – y compris de nature ministérielle – au service du témoignage de la foi » (p.243).

Ce témoignage de la foi, s’il s’inscrit dans de nombreux services et responsabilités assumés par des femmes, devrait aller, pour Anne-Marie Pelletier, jusqu’au partage du service de la Parole non seulement pour des raisons d’équité mais d’abord et surtout pour « l’intelligence de la foi […] qui reste inachevée tant qu’elle est exclusivement affaire masculine. » (p. 182). Or les femmes théologiennes et enseignantes en théologie sont encore minoritaires dans l’Église catholique et l’homélie du dimanche reste réservée aux seuls prêtres. Qu’en est-il alors de la crédibilité de la parole chrétienne ?5

Quel livre ! Je l’ai lu, du début jusqu’à la fin, avec grand intérêt et aussi gratitude pour son auteur. Anne-Marie Pelletier a su trouver les mots pour dire ce que serait une véritable reconnaissance des femmes dans l’Église catholique ; cela suppose non seulement de les entendre mais d’abord de les voir car « c’est par l’éducation de ce regard – voir enfin les femmes ! – que peut commencer la sortie du cléricalisme6. » (p.171).

Nicole Girardot

 

2 C’est le titre du livre de Laurent Grzybowski, éd. Temps présent, nov. 2019

3 Paul qui écrit pourtant dans sa Lettre aux Galates, 3, 27-28 : « Vous tous, baptisés dans le Christ […] il n’y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus. » Cf. Ni homme, ni femme : l’attitude du premier christianisme à l’égard de la femme. Evolutions et régressions / M. Gourgues.-Cerf, 2013

4 Cf. Constitution dogmatique sur l’Eglise : Lumen Gentium, par. 33

5 A lire dans La Croix la Série « Les femmes, l’avenir de Dieu ?» et Ces théologiennes qui font bouger « l’Eglise des pères » . Lire aussi Quelle place pour les femmes ? .- Revue Etudes Hors-série 2017 et Le déni : enquête sur l’Eglise et l’égalité des sexes / Maud Amandier et Alice Chablis ; préface de Joseph Moingt.- Bayard, 2014

6 C’est à cette sortie du cléricalisme qu’appelle aussi le pape François dans sa Lettre au peuple de Dieu dans laquelle il dénonce le cléricalisme comme « une manière déviante de concevoir l’autorité dans l’Eglise – si commune dans nombre de communautés dans lesquelles se sont vérifiés des abus sexuels, des abus de pouvoir et de conscience. »