Titre

Le père Antonin Jaussen o.p. (1871-1962).

Sous titre

Une passion pour l’Orient musulman

Auteur

Jean-Jacques Pérennès

Type

livre

Editeur

Ed. du Cerf, juin 2012

Collection

L’histoire à vif

Prix

13 €

Date de publication

8 mai 2013

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Le père Antonin Jaussen o.p. (1871-1962)

Tous ceux qui s’intéressent à la fois à l’histoire du Moyen-Orient, du monde musulman et  de l’Ordre dominicain, présent en terres d’islam dès le 13e siècle, seront captivés par cette biographie que le fr. Jean-Jacques Pérennès consacre au père Antonin Jaussen.

Très solidement documentée comme ses précédentes biographies en hommage aux frères dominicains Pierre Claverie1 et Georges Anawati2, cette nouvelle biographie, plus courte : 132 pages, est accessible à un large public et, passionnante comme les deux autres.

L’auteur, dominicain, a vécu 10 ans en Algérie. Il est, depuis une quinzaine d’années, au Caire où il dirige l’IDEO3. Dans son livre sur le père Jaussen, on retrouve à la fois un réel souci d’objectivité et une grande empathie – admirative et non dénuée d’humour – pour ces frères dominicains au parcours peu banal et qui ont été des pionniers, à plusieurs titres, dans le domaine des relations  entre chrétiens et musulmans.

Disciple du père Lagrange, A. Jaussen est l’un de ses premiers élèves à l’École biblique de Jérusalem4. Homme de terrain avant tout, ce savant et grand connaisseur des langues sémitiques s’intéresse d’abord aux gens. Il va nouer des relations d’amitié avec les nomades du pays de Moab à l’est du Jourdain5. Ethnographe plutôt qu’ethnologue, il devient spécialiste des tribus nomades de Palestine. Et nous allons avec lui d’aventures en aventures : expéditions, explorations, voyages d’études organisés pour ses étudiants afin d’étudier « la Bible sur le terrain et le texte dans son contexte » (p.48), comme le voulait le père Lagrange. Puis c’est l’aventure du moine-soldat et agent de renseignement pendant la Première Guerre mondiale. En 1927, après plus de 30 ans en Palestine, il quitte Jérusalem pour une nouvelle aventure : une fondation dominicaine au Caire.

Le propos du livre est, en effet, de mettre en lumière la « tradition musulmane » de l’Ordre dominicain dans laquelle Antonin Jaussen s’est inscrit et qui l’a amené à fonder la maison dominicaine du Caire au début des années 1930. Malgré les difficultés rencontrées, A. Jaussen est un « lutteur » (p.109) au « tempérament vigoureux » (p.119) ;  il « persiste toujours dans le dessein de former des spécialistes en arabe qui seront capables d’étudier le Coran, les philosophes, les mystiques arabes, non dans des traductions mais dans le texte original » (lettre du 7 février 1935) et, en décembre de la même année : « L’ordre de St Dominique a une tradition forte et savante : une tradition que j’appelle « musulmane » : études sur le Qoran (sic), études sur le Moyen Âge, etc. Le monde musulman est en évolution : même l’université d’Al-Azhar pense à envoyer des étudiants en Europe en quête de l’idée religieuse et du progrès scientifique. L’ordre de St Dominique reprendra-t-il sa ‘tradition musulmane’ ? » (lettre au maître de l’Ordre, p. 106 et 131). C’est grâce à deux autres frères que le projet d’A. Jaussen va se réaliser : le fr. Georges Anawati passionné par la vie intellectuelle et qui voulait devenir « un grand savant chrétien » compétent en philosophie islamique (p.112) et le fr. Marie-Dominique Chenu, spécialiste du Moyen Âge qui a compris l’importance de la culture arabe classique (p.110). A l’origine de la fondation de l’IDEO, en 1953, avec les fr. Jacques Jomier et Serge de Beaurecueil, Georges Anawati va « reprendre les grandes lignes du projet Jaussen »  en insistant sur la vocation scientifique de cette maison (p.118).

Retiré à Alexandrie entre 1938 et 1959, A. Jaussen suit la longue genèse de l’IDEO dont il a eu l’intuition originale : « préparer de vrais spécialistes de l’Islam, abordé dans une perspective scientifique et non apologétique » (p.131). Autrement dit, il ne s’agit pas de mieux connaître l’islam pour parvenir, un jour, à faire des conversions ! Ce nouveau regard chrétien sur l’islam trouvera sa formulation lors du concile Vatican II, ouvert à Rome, le 11 octobre 1962, quelques mois après la mort du père Jaussen, le 29 avril 1962, à Jonquières dans le Gard.

Nicole Girardot

 


  1. Pierre Claverie : un Algérien par alliance.- Cerf, 2000.- (L’histoire à vif)

  2. Georges Anawati (1905-1994) : un chrétien égyptien devant le mystère de l’islam.- Cerf, 2008.- (L’histoire à vif)
  3. Institut dominicain d’études orientales
  4. Fondée en 1890 par les dominicains de la Province de Lyon.
  5. Cf. Coutumes des Arabes au pays de Moab /A.. Jaussen ; préf. M.- J. Lagrange.- Gabalda, 1908.- (Etudes bibliques)