Titre

Le génocide arménien

Sous titre

De la mémoire outragée à la mémoire partagée

Auteur

Michel Marian

Type

livre

Editeur

Albin Michel, avril 2015

Nombre de pages

180 p.

Prix

15 €

Date de publication

18 décembre 2015

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Le génocide arménien

Le génocide arménien a cent ans.

Mais d’abord pourquoi le génocide ? Michel Marian répond : les Arméniens étaient au mauvais endroit au mauvais moment. En effet en ce début de XXe siècle, l’empire ottoman s’écroule, repris en main par le parti nationaliste des Jeunes-Turcs, qui après la perte des territoires balkaniques (1912-1913), veut « turquifier » les populations anatoliennes, tuant et spoliant les Arméniens et pratiquant ainsi un crime politique et économique. La création d’un État arménien, prévue par le Traité de Sèvres (1920) sera vite oubliée par des alliés exsangues et contrecarrée par la prise de pouvoir de Mustapha Kemal.

Après la deuxième guerre, avec le Tribunal de Nuremberg nait le concept de « génocide », qui est inscrit dans la convention du 9 décembre 19481 de l’ONU qui lui reconnait l’imprescriptibilité en 19682. Ce n’est qu’au début des années 70 qu’apparait la revendication de reconnaissance comme génocide du massacre des Arméniens de Turquie. Mais peut-on parler de génocide ? La Turquie l’a immédiatement contesté. Mais en l’espèce, la Shoah restant la référence, les éléments constitutifs du crime, détaillés par la convention de 1948, coïncident parfaitement au génocide arménien.

Dès les années 70, sur la base des travaux d’historiens arméniens, la communauté scientifique reconnait le génocide qui devient alors le combat de la diaspora disséminée au Proche-Orient, en Amérique, en France, etc. Politiquement, Ronald Reagan est le premier à prononcer le mot en 1981, suivi en 1984 par François Mitterrand. Barak Obama utilise l’expression Medz Yegern, grand crime, gravé sur le mémorial du génocide à Erevan « et laisse croire chaque année qu’il va prononcer le mot ». En France, Jean-Bernard Raymond, alors ministre de Affaires étrangères (1986-1988), parle d’un événement « perçu par les Arméniens comme un génocide »… Aujourd’hui, la Grande Bretagne et Israël n’ont toujours pas reconnu le génocide.

Reste la reconnaissance par la Turquie elle-même. Un siècle n’a pas suffi pour effacer les divergences et incompréhensions. Pourtant, deux événements permettent d’espérer : après l’assassinat du journaliste turc d’origine arménienne, Hrank Dink, en 2007, plus de cent mille Turcs participeront à ses funérailles. Le 23 avril 2014, Tayyip Erdogan a envoyé un communiqué de condoléance aux descendants des victimes arméniennes de 1915. L’épilogue du livre, intitulé D’Antigone à Enée, ouvre la perspective d’un avenir partagé dans l’abandon d’une mémoire outragée.

Le génocide arménien de Michel Marian, philosophe, est un essai nécessaire pour quiconque désire comprendre le long combat des survivants du génocide puis de leurs descendants à lutter contre l’oubli. L’ouvrage, court mais très complet, éclaire de manière magistrale un débat désormais ouvert.

Francis Labes

 

[1] Convention de l’ONU du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide

[2] Convention de l’ONU du 26 novembre 1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité