Recension

Titre

Pour l’amour de Bethléem

Sous titre

Ma ville emmurée

Auteur

Vera Baboun ; avec Philippe Demenet

Type

livre

Editeur

Bayard, 03/11/2016

Collection

Société

Nombre de pages

189p

Prix

15,90 €

Date de publication

7 mars 2017

Pour l’amour de Bethléem

 

C’est un livre remarquable, plus qu’un livre c’est une merveilleuse rencontre avec une femme admirable.

Je retiens trois choses fondamentales :

La femme : Vera Baboun, première femme maire d’une ville palestinienne et pas de n’importe laquelle, mais de Bethléem. Vera dont le prénom a une belle histoire. Déception du grand-père d’apprendre que le premier enfant de sa fille soit une fille. Il demande à son gendre de retourner à la maternité pour s’assurer que c’est une fille et non un garçon désiré.

La sœur qui reçoit le gendre dit : « bien sûr, c’est une fille. E vera » lui dit-elle en italien !

Depuis, elle porte son prénom avec fierté « é vera, je suis maire authentique de Bethléem ».

Elle est chrétienne, profondément croyante, avec un viatique entendu lors d’une messe : « Les bénédictions et les grâces se cachent au cœur des souffrances. Apprenez à leur donner naissance. » Deux sources à l’origine de ses valeurs : sa foi et sa culture. Depuis l’âge de 18 ans, elle travaille. Mère de trois enfants, épouse d’un prisonnier, enseignante à l’Université de Bethléem, elle se lance dans un master en littérature. Son mari fragilisé par la détention dans une prison à Hébron, a de gros soucis de santé. Il meurt, en 2007, la laissant seule avec 5 enfants. Elle ne baisse pas les bras, il faut vivre.

En 2007, elle mène des recherches universitaires sur le genre.  En 2010, avec 25 jeunes femmes de l’Université de Bethléem, elle lance un projet de recherche sur la façon dont les nouveaux moyens de communication influençaient le genre en Afrique et au Moyen-Orient. Cela a donné lieu à une publication. Doyenne des affaires académiques à l’Université de Bethléem, elle est choisie pour réformer l’école du patriarcat grec-orthodoxe.

En 2012, alors qu’elle était sur la liste du Fatah elle est élue maire de Bethléem. Femme de poigne, une main de fer dans un  gant de velours, elle a dû se battre, car être femme et maire dans un monde d’hommes est une rude tâche, elle a essuyé de nombreuses critiques, des menaces de morts et des coups bas. Mais elle tient tête. Sumud = résistance !

 La narration, le récit, les mots sont pour elle les outils les plus efficaces pour un changement. Alors qu’elle est plutôt timide, son père l’a obligée à chanter, parce que sa voix était belle. Vera Baboun a découvert le rôle et l’importance de la voix. Elle a une profonde admiration pour les Mille et Une Nuits et Shéhérazade qui avec patience a essayé de comprendre et de dompter la violence du Sultan par la parole et la voix. A l’image de la princesse des Mille et une Nuits Vera Baboun utilise la narration dans ses relations avec ses étudiants mais aussi en politique, car la parole porte en elle trois valeurs : la sagesse, l’autorité, la compassion. Ainsi, Vera cherche en chaque femme les traces de la princesse Shéhérazade afin que chacune soit apte à défendre sa culture de femme arabe et ses valeurs dans un monde d’hommes.

Bethléem en Palestine. A partir de la situation de Bethléem, une ville enfermée, emmurée, étranglée, coupée de Jérusalem, Véra Baboun[1] raconte la Palestine, les colonies, les terres volées, les maisons détruites… L’occupation est présente dans la vie de tous les jours, personne ne peut y échapper… ainsi au fil du temps, la personne ne résiste plus, elle accepte les longues queues aux check-points, elle se sent dépossédée d’elle-même, comme si elle vivait un exil intérieur et créait son propre isolement. Vera Baboun a peur que cet emmurement, cet étranglement crée en chaque personne un mur intérieur. 50% de la population de Bethléem sont des jeunes.

Depuis leur naissance, ils sont enfermés dans la ville, dans leur pays, ils ne trouvent pas de travail alors qu’ils font des études souvent très poussées. Que vont-ils devenir ces jeunes qui ne connaissent pas la liberté ?

Pour conclure, son combat depuis toujours est l’indépendance de son pays. Seule la justice pourra apporter la paix à la Palestine et ce jour-là, il faudra faire tomber les murs, le mur autour de la ville, le mur en chacun, chacune pour apprendre à vivre libres !

 

Martine Millet

 

[1] – On lira sur le site de Chrétiens dOrient, le 28/06/2016 :

Vera Baboun, femme de paix à la tête de la ville palestinienne de Bethléem :

http://www.oeuvre-orient.fr/2016/06/28/vera-baboun-femme-de-paix-a-la-tete-de-la-ville-palestinienne-de-bethleem/