Titre
L’actualité de l’œuvre de Pierre Claverie, vingt ans après sa mortSous titre
actes du colloque tenu au Centre Pierre Claverie, Oran, les 13 et 14 mai 2016Auteur
sous la direction de Bernard Janicot ; préface d'Anne-Marie Gustavson-ClaverieType
livreEditeur
Paris : Cerf, 2017Collection
PatrimoinesNombre de pages
164 p.Prix
16 €Date de publication
10 décembre 2018L’actualité de l’œuvre de Pierre Claverie, vingt ans après sa mort
En 2016, le diocèse d’Oran organisait un colloque à l’occasion des vingt ans de la mort de Pierre Claverie, ancien évêque d’Oran, colloque qui s’est tenu tout à côté de sa tombe en la cathédrale d’Oran, en présence d’un auditoire nombreux composé de gens de toutes provenances : religieux chrétiens et musulmans, personnalités, journalistes, amis, voisins, inconnus, gens de tous âges, Algériens en majorité.
En voulant honorer la mémoire « d’un homme qui a aimé les Algériens au point de donner sa vie pour eux », beaucoup de ceux qui l’ont connu, lui ont rendu un immense hommage, mais ce fut aussi pour d’autres l’occasion de découvrir un homme dont ils avaient tellement entendu parler.
Des intervenants se sont interrogés : « Cet homme, est-il vraiment mort ? » Pierre était un homme qui avait donné sa vie avant de la perdre. Le messager a été tué, mais il est toujours vivant à travers son message. Il a engendré un héritage que nous recevons encore aujourd’hui. Mgr Jean-Paul Vesco, évêque actuel d’Oran, dira que, pour lui, sa posture est encore aujourd’hui porteuse de vie et d’espérance.
Nous découvrons que Pierre était vu, par tous ceux qu’il fréquentait, comme un ami. Son rapport à l’autre était le point central de sa pensée. L’amitié faisait partie de son ordinaire, « une amitié qui ne fait pas de bruit mais qui illumine ». Un musulman, évoquant un souvenir personnel, dira : « Il était un des nôtres »… c’est tout dire. Un autre ajoutera que la société musulmane a besoin de beaucoup de « Pierre Claverie ». Pierre était un frère et un ami pour tant et tant de personnes. Nombreux sont ceux qui ont été bouleversés par son message et qui ont reconnu en lui un homme de cohérence qui vivait ce qu’il disait.
Comment aussi, d’après l’un des intervenants, ne pas rapprocher Pierre Claverie et Christian de Chergé[1] dans leur expérience de l’islam et dans leur relation aux musulmans ? L’un et l’autre ont vécu une approche spirituelle de l’islam et des musulmans, par le biais de l’amitié vécue au quotidien.
Pierre n’ignore pas le contexte socio-politique, ni le contexte culturel qui le conduisent à dire que « toute rencontre est difficile : la rencontre, l’acceptation de la différence, de l’altérité, sont les choses les plus difficiles… ». Pour lui, la cohabitation entre communautés doit se vivre au-delà des différences et se fonder sur « une volonté obstinée de vivre ensemble. » Il croit profondément à la rencontre et à la nécessité du dialogue. Ce point est au cœur de ses interventions et de ses écrits[2].
La pensée de Pierre est politique au sens le plus noble du terme. Un intervenant retiendra que l’Église d’Algérie n’était pas un corps extérieur au pays mais, par la voix de Pierre notamment pendant les années noires, un acteur courageux et une voix dans la société pour apporter sa contribution à éteindre les flammes de la tragédie.
En l’absence du Cheikh Bentounès, responsable de la confrérie soufie Alawiyya, son représentant était porteur d’un message que Pierre n’aurait pas renié : « Nous avons besoin de l’autre pour affermir notre foi…, comment prétendre à la fraternité humaine si nous refusons la vérité de l’autre ? » Pierre aimait dire que nous avons besoin de la vérité des autres. Le propre de ce colloque, justement, est que ce sont les paroles de chacun qui, mises bout à bout, nous permettent d’entrevoir quelque peu le chemin vers la Vérité qui était celui de Pierre.
Moment fort de ce colloque, la représentation de la pièce Pierre et Mohamed dont Mgr Henri Teissier, archevêque émérite d’Alger, fait une remarquable « exégèse » pour expliquer les raisons d’un succès auquel auteur et acteurs ne s’attendaient certainement pas. À sa suite, c’est Jean-Baptiste Germain, l’acteur unique de la pièce, qui témoigne de ce qu’elle a opéré auprès du public au gré des six cents représentations dans tous les lieux, chrétiens et musulmans[3].
Parmi les intervenants, un doctorant et prêtre béninois a présenté son travail de recherche sur la pensée de Pierre Claverie, spécifiquement sur l’ajustement à Dieu, thème qui lui était cher. On trouvera dans cette intervention un développement très inspirant sur la théologie de l’ajustement.
On ne peut que recommander la lecture de ce petit livre, d’une grande profondeur humaine et spirituelle, pour découvrir Pierre Claverie, à travers les témoignages vivants, reçus parfois avec beaucoup d’émotion, de ceux et celles, chrétiens et musulmans, qui ont été marqués par leur rencontre avec Pierre Claverie et pour lesquels cet ami, aujourd’hui absent, est toujours vivant.
Louis Boulanger
[1] Sur Christian de Chergé et les moines de Tibhirine, les livres suivants ont fait l’objet d’une recension sur le site de CDM : Christian de Chergé : une théologie de l’espérance / Christian Salenson (cliquer ICI) ; L’échelle mystique du dialogue de Christian de Chergé / Christian Salenson (cliquer ICI) ; Tibhirine, l’héritage (cliquer ICI).
[2] A lire : son Petit traité de la rencontre et du dialogue (cliquer ICI).
[3] Pierre et Mohamed, pièce d’Adrien Candiard, Tallandier/Cerf 2017, 80 p., 4,60 €, présentée par le Fr. Adrien Candiard sur Radio Notre-Dame, le 08/02/2018 (25 mn).