Titre

La terre, la Bible et l’histoire

Sous titre

« Vers le pays que je te ferai voir… »

Auteur

Alain Marchadour et David Neuhaus ; préface du cardinal Carlo Maria Martini, s.j.

Type

livre

Editeur

Paris :  Bayard, 2010

Collection

Histoire des religions

Nombre de pages

367 p.

Prix

23 €

Date de publication

24 février 2016

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La terre, la Bible et l’histoire

En janvier 2008, Régis Debray a publié le récit passionnant de son séjour en Palestine-Israël sous le titre évocateur : Un candide en Terre sainte.

Deux ans plus tard, ce ne sont pas deux « candides » de passage, mais deux résidents de longue date à Jérusalem. Biblistes et historiens avertis, mais également engagés dans cette terre déchirée par un conflit sans fin, Alain Marchadour[1] et David Neuhaus[2] nous proposent un passionnant parcours de trois millénaires sur cette terre à travers la Bible et l’histoire, « avec, comme fil rouge, le motif de la terre, tant dans son épaisseur textuelle, théologique et spirituelle que dans sa postérité dans l’histoire de l’Église et dans la société d’aujourd’hui. » (p.307). Autrement dit, la démarche des deux auteurs est de « partir de la Bible pour y rechercher la signification de la terre. » (p. 321)

Un livre indispensable pour toute personne désirant éclairer son regard sur les réalités ethniques, politiques et religieuses de cette terre à laquelle on ajoute parfois les qualificatifs promise ou sainte. Ils nous offrent une véritable anthologie de textes bibliques, patristiques, ecclésiaux et politiques comme des jalons dans l’histoire tourmentée de ce territoire avec sa capitale Jérusalem revendiquée comme « lieu saint » par juifs, chrétiens et musulmans. Ils n’hésitent pas à aborder les périodes les plus sombres des conquêtes, croisades, occupations diverses jusqu’à la montée du Sionisme aboutissant à la création de l’État d’Israël en 1948.

Ils n’esquivent pas la responsabilité de l’Église dont l’antijudaïsme fut la cause de bien des malheurs du peuple juif jusqu’au drame de la Shoah avant la repentance tardive avec Vatican II.[3] Ils prolongent leur enquête jusqu’à la confrontation actuelle entre Israël et Palestine dont les territoires sont occupés ou confisqués par l’extension des colonies juives … « Tragédie du peuple palestinien » (p. 212) !

On sera particulièrement attentif aux pages sur Le thème de la terre et la critique biblique (p. 216-231) ainsi que sur L’impasse du fondamentalisme (p. 323-329), dernier avertissement, en quelque sorte, des auteurs avant de conclure leur livre. En effet, « sans cesser d’être Parole de Dieu, la Bible est aussi un livre humain » (p.218). D’où la nécessité de la critique, de l’interprétation des textes, voire de la réinterprétation (p.229). « Il est de plus en plus admis par la critique que l’écriture de la Bible, et en particulier du Pentateuque, s’est faite relativement tard, durant et après l’exil [à Babylone (587-538) et qu’il s’agit] d’une relecture de l’histoire du salut. […] La relecture du passé a été alors l’objet de reconstruction, au point qu’il nous est difficile sinon impossible de reconstituer les événements du passé. Ceci vaut d’abord pour les récits patriarcaux, si décisifs en particulier dans l’élaboration des promesses de la terre. » (p.220).« Même si l’on peut comprendre la revendication politique des juifs à avoir une terre, plus question de la justifier théologiquement[4]. »

Que soient remerciés ces deux auteurs, acteurs de paix, qui nous livrent une enquête, richement documentée, d’une histoire qui se prolonge dans une douloureuse actualité.

Michel Saillard[5]

 

[1] Alain Marchadour, religieux assomptionniste, a dirigé le sanctuaire St Pierre in Gallicante de 1999 à 2011 après avoir été le doyen de la Faculté de Théologie de Toulouse. Il a publié de nombreux livres d’études bibliques.

[2] David Neuhaus, jésuite, est fils de juifs allemands émigrés en Afrique du Sud en 1936. Il est entré en Israël à 15 ans et devenu citoyen israélien ; il fait des études de sciences politiques à l’Université Hébraïque de Jérusalem, demande le baptême dans l’Eglise catholique à 26 ans ; puis il entre chez les Jésuites. Au terme de ses études théologiques et bibliques aux USA, à Rome et au Centre Sèvres de Paris, il revient en Israël ; il milite pour la paix et se met au service des immigrés. Il devient le vicaire général pour la communauté hébréophone du patriarcat latin.

[3] Cf. Déclaration promulguée le 28/10/1965 : Nostra Aetate, article 4 : La religion juive  Cf. aussi la repentance des évêques de France, à Drancy, le 30/09/1997, et, à plusieurs reprises, du pape Jean-Paul 2, le 12/03/2000 et lors de son voyage en Israël (20-26/03/2000).

[4] Cf. David Neuhaus dans La Croix, 25-26/04/2015 : Le Christ a transformé la notion de terre

[5] Michel Saillard, bibliste et ancien président du Secours catholique, invité par la Conférence catholique des baptisé(e)s francophones, a donné à Lyon, le 24/06 /2015, une conférence intitulée : Terre promise : quelle promesse ?