Titre

La Grande Mer

Sous titre

Une histoire de la Méditerranée et des Méditerranéens

Auteur

David Abulafia ; traduit de l'anglais par Olivier Salvatori

Type

livre

Editeur

Paris : Les Belles lettres, 2022,

Nombre de pages

701p.

Prix

35 €

Date de publication

18 septembre 2023

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La Grande Mer : une histoire de la Méditerranée et des Méditerranéens.

Fruit d’un travail colossal, ces pages nous racontent l’histoire d’une mer intérieure, où domine la diversité des civilisations, des religions, des langues. Le propos est gigantesque puisqu’il s’agit de suivre l’évolution de cette région et de ses habitants depuis les années 22 000 avant Jésus-Christ jusqu’à aujourd’hui. L’auteur1 a pris le parti de diviser cette longue époque en cinq “Méditerranée” : la première, du néolithique à l’an 1000 avant J.-C. ; la seconde, jusqu’à l’an 600 après J.-C. ; la troisième, de 600 à 1350 ; la quatrième, de 1350 à 1830 ; la cinquième, de 1830 à 2014.

On ne peut pas résumer cette fabuleuse histoire racontée sur près de 600 pages, avec une multitude de détails souvent peu connus, et parfois peu glorieux comme les sacrifices humains du temps des Phéniciens. Le récit est toujours précis, circonstancié, très bien informé, allant de l’anecdote bien choisie au propos lumineux de synthèse. Nous nous contenterons ici de faire allusion à quelques débats fondamentaux autour de cette région qui a été un lieu de commerce, de rencontres et de guerre pendant des siècles.

Une question revient souvent, celle de l’opposition entre l’est et l’ouest de cette mer intérieure. Si le développement a commencé par l’est, les Cyclades, la Crète et la cité de Troie, détruite et reconstruite plusieurs fois, il s’est étendu progressivement vers l’ouest. Mais l’unité de la mer est remise en cause par une division entre Orient et Occident, et par les assauts d’agresseurs nouveaux, la peste et le climat. Les conquêtes islamiques vont transformer le paysage régional en apportant une nouvelle raison de division. L’unité se révèle ainsi un mythe, largement dépassé par une diversité linguistique, culturelle, religieuse ou politique le plus souvent issue des influences extérieures (naissance et conquête d’empires voisins).

La mer Méditerranée a été un lieu de rencontre, mais aussi un lieu de commerce où s’échangeaient le poisson et le sel, source de prospérité, comme les grains puis les céréales. Curieusement, l’activité de la pêche n’apparaît pas comme centrale dans cette mer trop étroite entourée de côtes trop peuplées. En revanche, le développement des commerces des épices, de la laine, du bois envoyait sur la mer quantité de richesses qu’il fallait protéger contre les pirates de toute sorte. “Ce livre est une histoire de conflits et de contacts” résume l’auteur dans sa conclusion.

La figure du marchand reste celle qui révèle le mieux le cœur de la Grande Mer, un personnage fourbe et égoïste qui a su s’aventurer loin de ses bases, en créant des routes commerciales d’envergure, et qui a établi partout des colonies et des comptoirs parfois prospères. Carthage est ainsi devenu un nœud de communication, donnant lieu à une fusion de cultures, où tout pouvait être échangé. Au Moyen-âge, le marchand est devenu sédentaire, soupçonné par les pouvoirs en place, parfois enfermé dans des ghettos, modèle qui sera utilisé pour confiner et contrôler les Juifs.

La Méditerranée est aussi un carrefour de la foi, un creuset du dialogue et parfois de la violence religieuse, où les pèlerins et les missionnaires croisaient sans cesse leur identité. Les pouvoirs terrestres ont aussi voulu affirmer leur affiliation théologique, comme la très catholique Espagne contre les Juifs. La modernité apporte d’autres couleurs à ces mouvements, comme celle des touristes qui envahissent les côtes ou celle des migrants qui tentent de traverser cette mer, au point d’en faire parfois un cimetière.

Les rives de ce grand étang restent toujours en contact entre elles et interagissent les unes sur les autres. Mais elles sont aussi le reflet des terres qui les portent, envoyant sur l’eau des agents de transformation, marchands, pèlerins ou migrants, qui brasseront abondamment leurs cultures au profit des pouvoirs politiques. Il n’y a guère d’espace marin dans le monde qui ait témoigné d’une telle intensité de rencontres et de créativité dans tous les domaines, industriels, artistiques, religieux, économiques. Ce livre est décidément à la hauteur de la grandeur de son sujet2.

Pierre de Charentenay
ICM, Chemins de dialogue

Notes de la rédaction

1 Professeur émérite d’histoire méditerranéenne à l’université de Cambridge, David Abulafia en a présidé la faculté d’histoire. Son travail porte sur l’Espagne, l’Italie et la Méditerranée médiévales. La grande mer : une histoire de la Méditerranée et des Méditerranéens a reçu le prix de la British Academy ainsi que le Mountbatten Maritime Award. Lauréat du Prix Mare Nostrum, Histoire et géopolitique, 2022 (Source : éditeur).

2 Voir sur le site de Chrétiens de la Méditerranée nos autres recensions sur la Méditerranée

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