Titre

Israël, chronique d’une catastrophe annoncée et peut-être évitable…

Auteur

Michel Warschawski ; préface de Jean Ziegler

Type

livre

Editeur

Paris : Syllepse, 2018

Collection

Arguments et mouvements

Nombre de pages

102 p.

Prix

8 €

Date de publication

24 avril 2020

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Israël, chronique d’une catastrophe annoncée et peut-être évitable…

Pour qui connaît bien Michel Warschawski, Mikado comme l’appellent ses amis, ce livre est à son image, mélange d’humilité et de puissance. Jean Ziegler qui a rédigé la préface de ce livre dit de lui qu’il a « l’âme d’un prophète flamboyant  »… Alors que la situation nous semble inextricable, désespérante, il nous emmène vers les champs des possibles. Lui l’infatigable militant nous pousse à espérer encore1.

Le titre de son livre mêle à la fois l’irréversibilité de la catastrophe et le chemin de l’espoir malgré tout, qui nous porte à croire qu’un autre destin peut encore se jouer dans la situation israélo-palestinienne que nous connaissons. Petit livre par le format mais grand par la densité de son contenu. Pour le lecteur non averti c’est un livre parfait qui ne laisse rien au hasard, qui dit tout, détaille tout et va à l’essentiel de l’explication didactique.

C’est une description sans concession, une analyse aiguë de ce qui ronge la société israélienne et surtout de l’impasse suicidaire vers laquelle l’emmènent les gouvernants israéliens.

Michel Warschawski, avec courage et détermination s’engage dans une analyse politique depuis la création d’Israël jusqu’à nos jours avec la référence à la Loi fondamentale «  Etat- Nation  » votée en 20182.

Il décrypte ce qui a rendu possible l’installation d’un régime colonial et ce qui en fait désormais un état d’apartheid. Rien n’est plus cruel aujourd’hui que le sort réservé aux Palestiniens vivant sous le joug de l’occupation israélienne.

Après une introduction magistrale, il nous fait entrer dans les chapitres3 se succédant au fil de la construction de l’histoire d’Israël et fait un retour sur le sionisme sans oublier de nous présenter, comme un pendant, l’évolution du mouvement de la gauche antisioniste et des mouvements israéliens en faveur de la paix, depuis la guerre du Liban à nos jours, mouvement tel que La Paix maintenant4 qui a tenu un grand rôle (plus de 100 000 personnes contre la guerre au Liban). A l’époque, dans les années 1980-1990, c’était un grand mouvement de masse, dira Michel Warschawski.

Sans relâche et avec pédagogie, il nous démontre que le concept d’Etat Juif est un oxymore. Car il ne peut pas se définir à la fois comme état démocratique et état juif. Et il revient sur le débat ayant eu lieu, des années auparavant, à propos du terme d’apartheid, contesté parce que trop en référence à la situation en Afrique du Sud. Et il termine  : « Ces lignes, écrites en juillet 2018, reflétaient un débat avec certains de mes camarades européens sur l’utilisation du terme d’apartheid. Avec le vote récent de la loi sur la Nation, la Knesset a ouvertement assumé le fait qu’Israël était un Etat d’apartheid, ce qui rend ce débat obsolète. » (p. 40)

Un constat : la reconnaissance du droit au retour, pour tous les Juifs du monde entier, sur la terre d’Israël et la non-reconnaissance du droit au retour pour les réfugiés palestiniens.

Dans le chapitre 3 : De quoi Israël est-il le nom, l’auteur nous permet de remonter le temps, et nous éclaire sur la colonisation historique sioniste de la Palestine sans omettre aucune source, aucun fait de ce qui a fondé l’état colonial. Tout au long de son livre, il donne des définitions sans concession de ce qu’est un état colonial, de ses implications en Palestine et un descriptif de son allié de toujours : la droite israélienne.

Mais il éclaire aussi cette vision de la société israélienne par un savant chapitre sur ce qu’a représenté le mouvement pacifiste israélien et sur ce qu’il est aujourd’hui. Son analyse fine et magistrale du mouvement pacifiste en Israël et de ce qu’il nomme le « suicide » de ce mouvement est à la fois lucide par ces mots : « Mais pour le mouvement de la paix, c’était trop tard : après avoir sabordé le navire il était impossible de le reconstruire et de reprendre la mer. […] La Paix maintenant ne redeviendra plus jamais le mouvement de masse qu’elle avait été dans les années 1980 et 1990 » (p. 59) quand elle était en même temps porteuse d’ambitions pour la solidarité avec les Palestiniens : « Les humains font l’histoire et ils peuvent défaire ce qu’ils ont créé. […] Organisés et unissant leurs forces, les hommes et les femmes peuvent faire bouger les montagnes, faire tomber des régimes et obtenir ce qui leur revient de droit. Il n’y a aucune raison pour que ce ne soit pas le cas pour le peuple palestinien ; il n’y a pas de raison non plus qu’on mette définitivement une croix sur la capacité du peuple juif-israélien à se ressaisir et à stopper la dégénérescence de sa propre société. » (p. 18)

Nul doute que Michel Warschawski est ce « père courage » malgré la violence verbale et l’intimidation dont lui et son épouse sont victimes de la part de certains groupes d’extrême-droite ; c’est pourquoi nous lui devons toute notre admiration pour son combat.

Dans sa conclusion qui sonne comme une alerte, il en appelle à la solidarité internationale notamment par le biais du mouvement BDS  (boycott, désinvestissement, sanctions) : « Aidez-nous par des pressions internationales, des sanctions et des actes de boycott à montrer à nos concitoyens que la politique coloniale nous coûtera de plus en plus cher, et qu’il vaut mieux y mettre fin, avant qu’on ait à en payer le prix fort.  » (p. 86-87)

Cela – dit-il dans l’introduction de son livre qui pourrait aussi servir de conclusion à ma recension – est « suffisant pour espérer, suffisant surtout pour ne pas baisser les bras : il en va de l’avenir de nos petits-enfants, il en va aussi de notre dignité. » (p. 19)

Marilyn Pacouret

1 Michel Warschawski, président du Centre d’information alternative de Jérusalem (AIC), est intervenu à notre invitation, lors de l’université d’hiver de Chrétiens de la Méditerranée à Annecy en décembre 2018 et là, sur trois questions qu’il avait traitées, il a été brillant de clarté et de convictions. Cf. Actes de l’Université d’Hiver de CDM sur Jérusalem au cœur de la Méditerranée : Jérusalem dans la foi juive (p.52-53) ; Jérusalem : les légitimités en conflit, « foi, droit, histoire et politique » (p. 115-119) ; La société civile et les mouvements pour la paix actifs à Jérusalem (p. 139-142).

3 Les différents chapitres de cet ouvrage, toujours contextualisés et utilisant des sources historiques non contestables, sont aussi introduits par une page d’anecdotes personnelles de sa vie de militant pacifiste ou de faits historiques.