Recension

Titre

Dialogue interreligieux, quel avenir ?

Auteur

Pierre Diarra et Michel Younès, dir. ; Mgr Michel Dubost, préf.

Type

livre

Editeur

Marseille : Publications Chemins de dialogue, mai 2017

Nombre de pages

190 p.

Prix

15€

Date de publication

19 janvier 2018

Dialogue interreligieux, quel avenir ?

Pour être souvent accusés de naïveté ou d’aveuglement dans leur démarche, les femmes et les hommes engagés dans le dialogue interreligieux savent qu’il ne s’agit pas d’un long fleuve tranquille. Et c’est aux obstacles qu’ils rencontrent que l’ouvrage collectif Dialogue interreligieux, quel avenir ? est consacré. Il réunit les contributions présentées à un colloque tenu au printemps 2016 à Lyon et à Paris[1], où les intervenants ont éclairé successivement les trois aspects suivants : quelles sont les difficultés du dialogue interreligieux, quels sont ses défis, quels témoignages apportent les expériences vécues ?

Malgré le caractère très large du titre du livre, couvrant le dialogue avec l’islam, le judaïsme et le bouddhisme, c’est le dialogue islamo-chrétien qui est l’objet principal de la plupart des interventions. Leur apport peut toutefois être utilement transféré d’un domaine à l’autre du dialogue interreligieux, voire intrareligieux (au sein d’une même tradition religieuse).  Cette recension ne pouvant décrire la quinzaine d’interventions réunies par le livre, on signalera ici quelques-unes des plus marquantes.

La nature et les raisons d’être des difficultés du dialogue islamo-chrétien sont analysées de façon très claire par Bénédicte du Chaffaut, sociologue et théologienne, qui en présente les aspects politiques, sociologiques, théologiques et culturels.  Éric Vinson, politologue, explique comment le pacte « catho-laïque » du 20ème siècle a été mis à mal au cours de la période récente. Et tous deux formulent des hypothèses encourageantes quant à un renouveau du dialogue, contribuant à un nouveau modèle d’intégration social et culturel. Geneviève Comeau, religieuse xavière et théologienne, et Michel Younès étudient le lien entre dialogue et perception mutuelle, entre les traditions religieuses musulmanes et chrétiennes. Ils soulignent l’enjeu de la reconnaissance mutuelle, où chacun voit l’autre comme « créé par Dieu, créé à l’image de Dieu, tout comme moi » (G. Comeau, p.88), et dans laquelle chacun, chrétien et musulman, pourra « vivre une foi enracinée sans qu’elle ne soit identitaire » (M. Younès, p.96).

La question de l’articulation entre dialogue et témoignage, dialogue et conversion a été directement abordée par plusieurs intervenants. Récusant le prosélytisme, incompatible avec le dialogue, le Père Christophe Roucou[2], enseignant en islamologie et en théologie à l’ICM[3], montre pourtant que le dialogue peut être l’occasion d’un vrai témoignage. Et il s’interroge sur les façons de permettre aux chrétiens de rendre compte de leur foi avec sérénité dans un contexte majoritairement musulman, et de comprendre au moins de l’islam ce qui leur permettra de sortir de la peur, pour rencontrer paisiblement les musulmans (pp. 110-11). On découvrira enfin avec intérêt le regard que porte sur les moines de Tibhirine le Père Maurice Borrmans[4], qui a dirigé, à Rome, le PISAI, Institut Pontifical d’Etudes Arabes et d’Islamologie, où Christian de Chergé[5] s’était formé à l’arabe et étudia l’islam. Le Père Henri de la Hougue, théologien et co-directeur du Groupe de Recherche Islamo-Chrétien (GRIC) a une très belle formule pour évoquer les hommes qui, comme C. de Chergé, ont été les témoins d’une recherche authentique de Dieu au sein d’autres familles spirituelles : des « chercheurs entre deux mondes » (p.145). Retenons enfin la conclusion d’Anne-Sophie Vivier-Muresan, maître-assistante à l’Institut Catholique de Paris : le dialogue nous conduit à une conversion personnelle où nous renonçons à la certitude de posséder Dieu : « Devant la sainteté de l’autre, devant la réalité et la richesse de sa relation à Dieu, nous entrons dans une perception toujours plus humble du mystère de Dieu comme du chemin qu’il nous reste à parcourir. » (p.123).

Alliant analyses et témoignages de façon très éclairante, ce livre confirme l’exigence et la richesse du dialogue pour enrichir nos sociétés des ressources propres à nos grandes traditions religieuses.

Bertrand Wallon

[1] Pierre Diarra, théologien et anthropologue, est membre du Conseil pour les relations interreligieuses et les nouveaux courants religions de la Conférence des évêques de France.

Michel Younès est professeur de théologie à l’Université catholique de Lyon.

Ils ont tous deux coordonné  le colloque – à l’initiative du Conseil pour les relations interreligieuses et les nouveaux courants religieux, de la Conférence des Evêques de France (CEF) – : « Quand le dialogue interreligieux se fait difficile » qui s’est tenu à l’Université catholique de Lyon le 11 mai 2016 et à l’Institut catholique de Paris le 12 mai 2016, et dirigent l’ouvrage qui en restitue les interventions.

[2] Christophe Roucou fut, de 2006 à 2015, directeur du SRI, Secrétariat pour les relations avec l’islam, devenu aujourd’hui le SNRM, Service national pour les relations avec les musulmans.

[3] Institut catholique de la Méditerranée (à Marseille).

[4] Mort le 26/12/2017, le père Maurice Borrmans est l’une des plus grandes figures du dialogue islamo-chrétien.

Voir aussi l’hommage qui lui est rendu sur le site du SNRM

[5] Christian de Chergé (1937-1996) fut, de 1984 à 1996 prieur du monastère de Tibhirine