Titre
Croire, mais en quoi ?Sous titre
Quand Dieu ne dit plus rienAuteur
Albert RouetType
livreEditeur
Ivry/Seine : L’Atelier, mars 2019Nombre de pages
298 p.Prix
20 €Date de publication
30 juin 2019Croire, mais en quoi ? Quand Dieu ne dit plus rien
Ce livre n’aborde ni les sujets de morale ni les problèmes d’organisation de l’Église. Il décrit l’état d’esprit de ce monde moderne où il faut marcher sans repères, mais en plantant quelques stèles dans une géographie qui n’existe plus. L’affrontement à cette nouvelle réalité de la sécularisation est capital ; il ne suffit pas de se retrancher derrière les barrières de l’identité ou d’une tradition imaginée pour trouver l’assurance d’une vie dans le Christ.
L’Europe est ainsi le cadre d’une nouvelle expérience religieuse dont le Pape François reste assez éloigné, mais que l’ancien archevêque de Poitiers[1] cherche à comprendre pour donner des clés pour y vivre en chrétien. C’est l’objet de ce livre.
Il faut d’abord établir un diagnostic : la sécularisation n’est pas qu’une incroyance technicienne comme pourrait le penser Charles Taylor[2], mais elle est aussi une manière d’exister au jour le jour, une « indifférence aimable ». Elle a provoqué le surgissement de groupes émotifs et festifs, ou des réactions identitaires, qui sont des fausses routes.
Le diagnostic est pourtant clair ; la sécularisation ne se dresse pas contre Dieu, comme l’athéisme ; elle n’est tout simplement pas sur la planète religieuse. Elle passe d’abord par la séparation des domaines, la foi, la médecine, la psychologie, etc. Elle devient ensuite très négative vis-à-vis des religions, poussant les croyances dans la sphère privée. Des croyants se réfugient alors dans l’identité chrétienne, pour reconstruire une « société sainte » face à la « société profane ».
Enfin, dans une troisième étape, la religion ne provoque plus ni crainte ni rejet ; du coup, le chrétien est exposé, sans privilège ni prestige. La foi reste problématique pour la majorité, mais en même temps, l’église de la ville pourra rassembler tous ceux qui veulent dire adieu à un proche lors de funérailles. Le rite permet d’exprimer des sentiments. Il est vrai que le sacré brouille les pistes, mais le sacré n’est pas forcément religieux, la bourse est un temple, et le football une grande messe. Au-delà de cette ambiguïté du sacré, il s’agit de rendre la parole aux hommes, libres et autonomes pour redire leur propre foi dans un monde sans Dieu.
Comment rejoindre ceux qui cherchent confusément quelque chose au-delà de l’opposition entre croire et ne pas croire ? Il ne s’agit pas de restaurer l’ordre ancien, en combattant le monde. La sécularisation doit provoquer chez le chrétien un nouveau comportement, c’est le dernier chapitre du livre d’Albert Rouet. Il n’y a pas de solution unique. C’est dans la multiplicité des initiatives que la vie peut renaître avec des gestes humbles, qui partent des baptisés, avec une culture du débat et de la confiance, sans volonté de s’imposer. Partir de ce qui est humain, sans langue de bois, pour parler comme le Christ dans les évangiles. Ramené ainsi souvent à l’Écriture, le lecteur retrouvera facilement le terrain de la foi, qui n’est pas un contenu notionnel mais un événement qui transforme et qui fait vivre.
Cette très riche lecture, qui n’est pas toujours facile, nourrira la vie intellectuelle et spirituelle du chrétien, mais pourra aussi ouvrir les yeux de ceux qui sont immergés et aveuglés dans la sécularisation.
Pierre de Charentenay
[1] Albert Rouet a été archevêque de Poitiers de 1993 à 2011. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont J’aimerais vous dire : entretien avec Denis Gira.- Bayard, 2009, cliquer ICI et L’étonnement de croire.- L’Atelier, 2013, cliquer ICI. Il contribue régulièrement aux recensions de livres pour notre site : cliquer ICI
[2] Cf. Charles Taylor : religion et sécularisation / Sylvie Taussig (dir.).-CNRS, 2014, recensé dans la revue Études, mai 2014 ; cliquer ICI