Titre
C’était une longue fidélité à l’AlgérieSous titre
Béatification de Christian Chessel, Jean Chevillard, Charles Deckers, Alain Dieulangard, pères blancs-missionnaires d'Afrique, Tizi Ouzou, 27 décembre 1994Auteur
Armand DuvalType
livreEditeur
Paris : Médiaspaul, 2018Nombre de pages
213 p.Prix
16 €Date de publication
10 décembre 2018C’était une longue fidélité à l’Algérie
Composite dans sa forme, ce livre d’Armand Duval, de la Congrégation des Pères Blancs, est à la fois un hommage et un mémorial. Parmi les dix-neuf prêtres, religieux et religieuses, béatifiés sur la terre d’Algérie après avoir été assassinés durant la « décennie noire » du terrorisme, l’auteur sort de l’anonymat les quatre Pères Blancs tués le 27 décembre 1994 dans leur maison de Tizi Ouzou en Kabylie.
Ce n’est pas qu’un panégyrique. Certes, le livre s’ouvre sur les documents officiels relatifs à la béatification et les photos des dix-neuf nouveaux promus. Mais l’auteur s’attache d’emblée à décrypter le contexte des événements. Ses deux premiers chapitres exposent succinctement la situation politique de l’Algérie des « années noires » et le sens de la présence chrétienne des religieux Pères Blancs en pays musulman, initiée à la fin du XIXe siècle par le Cardinal Lavigerie, fondateur de la congrégation[1].
L’auteur, dans les quatre chapitres suivants, présente les portraits et une courte biographie de ses confrères assassinés. Tous animés de la même foi et de la même conviction d’être au service du peuple de l’Algérie nouvelle, ils sont pourtant bien différents par leurs personnalités. Le plus âgé, Alain Dieulangard, 75 ans, était un homme serviable et discret, attiré par le renouveau charismatique. Charles Deckers, 70 ans, au contraire, était un pratique et un actif, toujours disponible, toujours occupé. En communauté à Alger, il n’était qu’en visite chez ses confrères de Tizi Ouzou, le jour de l’assassinat. Jean Chevillard, 69 ans, avait exercé des responsabilités dans sa congrégation et avait initié des Centres d’apprentissage pour les jeunes. Christian Chessel n’avait que 36 ans. Intellectuel brillant, il incarnait l’espoir d’une nouvelle génération.
Quelques pages, c’est insuffisant pour raconter une vie, d’autant plus que l’auteur cite abondamment les témoignages posthumes qui éclairent la personnalité de chacun. On lui reconnaîtra cependant le mérite de ne pas verser dans l’hagiographie mièvre traditionnelle. Ces individualités sont des êtres de chair, avec leurs défauts et leurs qualités humaines. Ainsi, on se souviendra de l’activisme parfois gênant de Charles, ou des colères de Jean. Qu’importe ! L’essentiel, c’est leur attachement à l’Algérie, cette fidélité mise au service de la population, quels que soient les dangers prévisibles.
« Fidélité » : c’est le mot-clé du titre du livre et celui d’un long poème final d’un ami algérien. Mais c’est aussi, pour l’auteur, l’occasion d’une réflexion sur la « mission ». Par leur formation, ces hommes s’étaient donnés au service du peuple. Tous parlaient l’arabe ou le kabyle, tous s’étaient initiés à la culture et aux traditions de l’islam, non pour convertir, mais pour être « avec eux et chez eux les témoins de la rencontre, de l’amitié et du partage entre personnes de culture et de religion différentes. »
Voilà donc un livre qui donne à penser sur la « mission » et ces quatre Pères Blancs qui l’ont incarnée jusqu’à laisser leur vie. On y lira une réflexion du jeune Christian sur la « mission comme fragilité » qui prend tout son sens a posteriori. On y trouvera aussi de très nombreux témoignages, élogieux, émouvants, souvent amicaux et fraternels. Aucune parole de haine ou d’appel à la vengeance contre les agresseurs restés inconnus. C’est le témoignage de fidélité à l’Algérie qui retient l’attention de tous ceux qui ont connu les prêtres assassinés. Ce sont donc bien des « témoins » qui vont être béatifiés, au sens le plus étymologique du terme puisque « martyr » signifie : témoin[2].
Claude Popin
[1] Sur le plan des relations entre l’Eglise et l’Etat, le nom de Lavigerie est surtout connu pour le retentissant Toast d’Alger prononcé en 1890. Son action dans ce domaine ne se limite pourtant pas à ce seul épisode.
[2] Sur les 19 témoins, martyrs d’Algérie, béatifiés le 08/12/2018 à Oran, on pourra lire la brochure très complète de 48 pages, réalisée par le père Thomas Georgeon, qui consacre plusieurs pages à chacun. Elle est intitulée : Bienheureux ceux qui donnent leur vie ! : Les martyrs d’Algérie.- Ed. du Signe, 3e trim. 2018.-8 €
On pourra aussi écouter l’émission que RCF a consacrée, le 08/12/2018 aux Martyrs d’Algérie (durée : 20 mn).