Les textes et l’enregistrement de la visioconférence “Chrétiens en Algérie, un grand signe de fraternité”.

Visioconférence “Chrétiens en Algérie, un  grand signe de fraternité”, les textes et l’enregistrement vidéo.

Texte de l’introduction à la rencontre faite par Marilyn Pacouret, présidente de CDM.

Bonsoir à toutes et tous,

Nous allons bientôt démarrer cette visioconférence.

Je vous remercie d’être fidèles une fois de plus aux activités développées par “Chrétiens de la méditerranée”.

En effet, cette visioconférence est la troisième d’un cycle que nous organisons à la suite de décisions prises par notre conseil d’administration depuis le mois d’avril 2021.

Ce projet est né suite aux difficultés d’organiser des rencontres publiques en présentiel durant ce temps de pandémie et de consignes sanitaires qui ne nous ont guère laissé le choix du format à adopter…

  • La première conférence a eu pour thème le voyage du pape François en Irak, une étape de fraternité, avec pour conférenciers Christian Lochon et Amir Jajé qui a participé à la préparation du voyage et qui a été membre de la délégation papale.
  • La seconde a eu pour thème : “La Palestine, les accords israélo-arabes et le droit international”. Les invités ont été : Christian Lochon, professeur et administrateur de CDM, Nora Carmi, Palestinienne chrétienne et Ghislain Poissonnier, magistrat, spécialiste du droit international et des droits de l’Homme.
  • Celle de ce soir a pour thème, vous l’avez vu dans le flyer d’invitation, “Les chrétiens d’Algérie, un grandsigne de fraternité”. C’est le titre du dernier livre de Bernard Janicot, notre premier invité. Il sera accompagné par Abderrahmane Moussaoui, anthropologue à l’université Lyon II. Leurs interventions seront suivies par les témoignages de personnalités présentes en Algérie, à Oran et à Alger.

Ces visioconférences sont organisées en partenariat avec des associations amies de CDM et avec lesquelles nos liens restent vivants et fraternels. Ces partenariats sont précieux pour le développement de nos missions, de nos actions et le partage de nos valeurs fondamentales telles que la paix, la justice, la fraternité, l’écoute, le partage et la solidarité. Pour la première, notre partenaire était l’Association des amis de l’IDEO (Institut dominicain d’Études Orientales), et pour la deuxième, la plate-forme des ONG françaises pour la Palestine dont nous sommes membres depuis 2019.

Notre soirée se déroulera au cœur de ces valeurs, toutes indispensables et nécessaires à la construction d’un monde meilleur, d’un monde d’humanité partagée. Comprendre l’autre, si différent de nous soit-il, c’est se comprendre soi-même et l’accepter ; c’est lui donner de la valeur, lui donner sa place d’être humain.

Après avoir donné les consignes techniques habituelles, je laisserai la place à Josette Gazzanigga, membre du bureau de CDM en charge des questions du Maghreb. Elle présentera chaque invité avant qu’il ne parle.

Puis nous passerons aux questions des spectateurs. Patrick Gérault, administrateur de CDM, sera chargé de les retransmettre aux orateurs.

Je remercie LACDESCO pour sa participation à cette soirée.

Et je vous souhaite une excellente rencontre.

Marilyn Pacouret

Présidente de CDM

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Texte de l’intervention de Bernard Janicot, directeur du Centre de Documentation Économique et Sociale d’Oran.

CHRETIENS EN ALGERIE : Un grand signe de fraternité

L’idée de ce livre est née au lendemain de la béatification des 19 martyrs chrétiens d’Algérie, Pierre Claverie et ses compagnons, le 8 décembre 2018 au sanctuaire de Santa Cruz dominant la ville d’Oran, sur l’esplanade tout juste baptisée “Esplanade du vivre ensemble en paix”.

Cet événement, tout à fait étonnant dans un pays presque totalement musulman, n’était pas tombé du ciel, me suis-je dit. S’il a pu avoir lieu, c’est bien sûr grâce à un concours de circonstances favorable, mais aussi parce que depuis l’indépendance, l’Église a cherché à s’inscrire dans la réalité du pays, dans la société algérienne musulmane. Et les personnes, prêtres et religieuses, béatifiées ce jour-là représentent assez bien cet enracinement de l’Église, liées qu’elles étaient, évidemment, à tous les laïcs catholiques ou protestants de ce pays.

J’ai constaté aussi que j’avais connu, depuis mon arrivée en Algérie comme prêtre en 1975, la plupart de ces personnes, et parfois de très près. Ces personnes que l’Église universelle reconnaissait ce jour-là comme des modèles pour le peuple de Dieu.

J’ai commencé alors à réfléchir aux racines de cette Béatification, désignée par le Pape François comme un “grand signe de Fraternité” pour le monde. Une fraternité commencée dès les années 1960, et même avant pour une petite minorité de chrétiens solidaires de la volonté d’indépendance de la population de ce pays. Une solidarité, une fraternité poursuivie depuis, par des laïcs, des prêtres, des religieuses, et vécue encore très fortement dans la préparation de la célébration du 8 décembre, vécue en commun entre chrétiens et amis musulmans, venus nombreux participer à la préparation, puis encore plus nombreux, à la célébration elle-même.

Tout cela interroge.

Et j’ai eu la chance, le bonheur, d’être un de ces témoins et acteurs de cette histoire de l’Église d’Algérie depuis la fin des années 60.

Ce livre retrace le parcours de ces près de soixante années, mon parcours, relié à celui de beaucoup d’autres, dont la plus grande partie des “béatifiés”.

Il est impossible de les citer tous… mais comment ne pas évoquer le Cardinal Duval, sans lequel l’Église d’Algérie ne serait pas ce qu’elle est, Mgr Henri Teissier, qui m’a accueilli dans le diocèse d’Oran, avant de devenir archevêque d’Alger, Mgr Pierre Claverie que j’ai connu à la fois comme directeur du centre des Glycines d’Alger, puis comme évêque d’Oran jusqu’à son assassinat, Christian de Chergé, prieur de Tibhirine, et ses frères moines, Sœur Odette, et tous les autres. C’est dans la rencontre avec eux que mon projet de vie de prêtre en Algérie s’est construit, s’est développé, a évolué jusqu’à aujourd’hui.

Un lieu a tenu et tient encore une place particulière dans ma vie, c’est le Centre de Documentation Économique et Sociale d’Oran (CDES), bibliothèque appartenant au diocèse d’Oran, duquel Henri Teissier m’a nommé directeur en 1977. Un lieu emblématique, dans la mesure où il représente, avec d’autres sur le territoire algérien, une interface entre cette Église d’Algérie, et la population de ce pays, à travers le monde universitaire, étudiantes et étudiants, et professeurs. Ce lieu, avec sa bibliothèque et ses activités, m’a permis de rencontrer plusieurs dizaines de milliers de personnes. Au-delà du nombre impressionnant de rencontres, dont la plupart sont restées fugaces, je demeure impressionné par la fraternité vécue dans ce lieu. Une fraternité par-delà les différences culturelles, sociales, religieuses. Une fraternité devenue parfois une vraie amitié. Sincère, profonde. Beaucoup de mes collègues de travail, Algériens musulmans, sont ainsi devenus des amis. Et si le CDES, lors de travaux récents a tenu à nommer sa plus grande salle, celle où les lecteurs peuvent travailler en groupe, celle où se déroulent nos activités culturelles, “espace du Vivre Ensemble”, c’est bien pour indiquer que nous ne sommes pas seulement un espace où se trouvent livres et revues, chaises et tables, ordinateurs et connexion wifi, mais aussi un espace de rencontre et de fraternité au quotidien.

Fraternité au quotidien, au jour le jour, qui a besoin de s’exprimer dans des moments significatifs, des événements plus marquants. Ainsi avons-nous pu célébrer en commun, il y a quelques années de cela, dans la cathédrale d’Oran, le Mouloud et la veillée de Noël. Amis de la confrérie des Allawiyines et chrétiens de la paroisse d’Oran, se sont rejoints fraternellement ce soir-là, dans un grand respect l’un de l’autre, sans confusion, mais dans une grande amitié pour accueillir ensemble ce qui est pour l’un et pour l’autre, une “Bonne Nouvelle”.

Soirée au Centre Pierre Claverie au cours de laquelle le guide spirituel des mêmes Allawiyines, le Cheikh Khaled Bentounes, est venu présenter ce qui n’était encore qu’un projet qu’il portait très fort : “la journée internationale du Vivre Ensemble en paix”. Plus de 300 personnes venues l’écouter dans la salle dénommée “Emir Abdelkader” du centre, dont 250 musulmans au moins ! Dans le principal lieu chrétien de la ville d’Oran : un grand moment de fraternité.

Et pour terminer une soirée de Ramadan inoubliable, dans ce même Centre, marquée par un repas de rupture du jeûne pris en commun, suivi d’un concert de musique andalouse, par un groupe de jeunes musiciens oranais, Dar el Fan (1), et suivi encore par une conférence d’un ami de la communauté, Sari Ali Hikmet, sur la spiritualité soufie d’un grand maître spirituel de Tlemcen. De 19 heures à près de 2 heures du matin, quelle intensité de rencontres fraternelles…

Cela soutient notre quotidien, parfois plus aride, mais indispensable lui aussi.

Alors, au bout de plusieurs décennies, comment ne pas reconnaître que cet environnement, ces nombreuses rencontres, ces amitiés, m’ont transformé. C’est ce que j’essaie d’exprimer dans la dernière partie de cet ouvrage. Une existence prolongée dans un pays marqué par la religion musulmane jusque dans les détails de la vie ne laisse pas identique. Une ouverture spirituelle, la reconnaissance que l’Esprit travaille aussi dans l’existence et la foi de l’autre qui m’apparait de plus en plus comme un frère en humanité, lui aussi à la recherche d’une vérité dans son existence, dans sa relation à Dieu. Un chemin différent qui me questionne, tout comme mon chemin questionne l’un ou l’autre de mes amis.

La fraternité n’est pas pour moi une théorie, mais bel et bien, ce qui alimente mon quotidien et fait que je suis toujours là où je suis. Je ne fais guère la théorie du dialogue islamo-chrétien, à laquelle je préfère une vie quotidienne partagée, dans le travail, dans l’amitié, entre des personnes pour lesquelles la foi musulmane est une référence, et moi-même, essayant de vivre de ma foi chrétienne, modestement, comme je peux, à la suite du Cardinal Duval et d’Henri Teissier, des frères trappistes et des religieux et religieuses, de Pierre Claverie.

Enregistrement de la visioconférence du 8 octobre 2021 (cliquer sur l’image).


Veuillez nous excuser des difficultés techniques, un son parfois peu audible en raison de la qualité de la liaison, et du caractère incomplet de la vidéo.

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(1) JIVEP à Oran – Journée Internationale du Vivre Ensemble en paix – Musulmans et Chrétiens chantent ensemble l’Amour et la Paix.

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