La Libye, le Yémen, Bahreïn sont en proie à des révoltes semblables à celles qui ont secoué la Tunisie et l’Égypte. Alors que la contagion se répand dans le monde arabo-musulman, « La Croix » analyse les causes profondes de ces révolutions.
1. Des pouvoirs usés
Peut-on parler de« printemps arabe » ? « L’effet domino est une invention des médias », a déclaré le ministre algérien des affaires étrangères, Mourad Medelci, au quotidien espagnol El Pais. Une affirmation peu partagée… Bichara Khader, directeur du Centre d’études et de recherches sur le monde arabe contemporain (Cermac) de l’Université catholique de Louvain, estime, inversement, qu’aucun pays arabe n’est à l’abri, parce que l’on trouve dans la plupart d’entre eux les mêmes « ingrédients explosifs », notamment « un système politique sclérosé et répressif, une corruption généralisée et un ras-le-bol d’une situation bloquée à tous les niveaux », détaille-t-il dans son étude La Tunisie : est-ce l’hirondelle qui annonce le printemps arabe ?
Les intellectuels parlent de la « “tunisianisation” des Arabes », souligne-t-il. Pour autant, l’onde de choc, réelle, se traduira diversement. Il y a « un réel risque d’islamisation de la révolte » en Libye, à Bahreïn, au Yémen ou un risque de « régionalisation » de la révolte en Algérie ou au Yémen, estime-t-il. En Algérie, la situation est exceptionnellement complexe. « Le traumatisme de dix ans de guerre civile y est très fort », relève l’historien Mohammed Harbi, professeur émérite de l’université Paris VIII. « De plus, l’État a déployé des relais occultes dans toutes les instances de la société à un niveau qui n’existe nulle part ailleurs, poursuit l’historien. Or, ces relais qui peuvent être perçus comme opposition troublent considérablement le jeu et entravent l’émergence d’une dissidence organisée. »
2. Des héritiers détestés
Il semble que dans les pays monarchiques la royauté ne soit pas menacée. « Au Maroc, il y a une aspiration au changement, pour autant la monarchie jouit d’un vrai soutien », estime l’historien Mohammed Harbi. « À Bahreïn, la royauté n’est pas en tant que telle mise en cause, mais il est revendiqué une égalité de traitement pour la société à majorité chiite gouvernée par une dynastie sunnite minoritaire. Il n’y a pas non plus de volonté de renverser la monarchie en Jordanie », poursuit l’historien.
Inversement, la tentation dynastique des régimes autoritaires, au sein desquels le président monarque organise le passage du pouvoir à sa descendance, est la cible directe de la contestation qu’il s’agisse de Gamal Moubarak, considéré il y a peu encore comme le fils héritier de l’ex-président égyptien Hosni Moubarak, ou aujourd’hui de Seif Al Islam, fils du général Kadhafi, qui a promis une riposte sanglante à la révolte. Ces pratiques de confiscation du pouvoir par les descendants sont aujourd’hui « condamnées », estime Mohammed Harbi.” Lire la suite sur le site du journal La Croix