“Les Palestiniens, les récents accords arabo-israéliens et le droit international”. Vidéo et textes du 1er juin 2021.

On peut voir, revoir ou télécharger ci-dessous l’intégralité de la visioconférence du 1er juin 2021. Suivent les textes écrits que les intervenants ont bien voulu nous communiquer, et nous leur exprimons notre gratitude pour ce travail en profondeur qu’ils mettent ainsi à la disposition des lecteurs du site.

-Introduction de Marilyn Pacouret, Présidente de “Chrétiens de la Méditerranée”,
-Interventions de Christian Lochon, Ghislain Poissonnier et Nora Carmi,
-Questions présentées par François Leroux, Président de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, animateur de la soirée.

Les questions posées à la suite des exposés ne figurent que dans la vidéo (cliquer sur l’image).




Introduction de Marilyn Pacouret,
Présidente de “Chrétiens de la Méditerranée”

Tout d’abord bonsoir à toutes et à tous et un grand merci de nous rejoindre à cette seconde visioconférence organisée par notre association.

Comme je l’avais dit lors de notre première conférence, notre association a décidé au mois de mars 2021, l’organisation d’un cycle de trois conférences avec quelques-uns de nos partenaires. La première a eu lieu en partenariat avec les Amis de l’IDEO (Institut Dominicain d’Études Orientales).

Celle de ce soir est organisée avec “Les amis de la Vie” et la Plate-forme des ONG françaises pour la Palestine. François Leroux, que je remercie ici, nous fait l’honneur en tant que président de cette plate-forme, d’animer cette soirée, entre présentation des intervenants et des interventions, et il est également chargé de transmettre les questions que vous voudrez bien poser via le tchat à nos trois invités.

L’association des amis de la Vie est représentéepar Dominique Fontlup. Elle est rédactrice en chef adjointe du journal “La Vie” et directrice de l’association des amis de la Vie. Cette association est un partenaire historique de Chrétiens de la Méditerranée et a coorganisé bien des événements avec nous. Envenimements qui ont traduit nos nombreuses préoccupations communes sur le terrain de la paix, en Méditerranée mais aussi au Proche et au Moyen-Orient. Qu’elle soit remerciée également.

Je ne manquerai pas de remercier également nos deux amis, Bernard et Jean-Marc, qui sont à la technique et œuvrent dans l’ombre pour le bon déroulement de cette soirée qui je le crois sera riche des apports de nos trois invités divers par leur champ d’intervention et leur expertise.

Que dire de plus? Sinon quelques mots pour contextualiser cette conférence à trois voix et vous donner une courte explication technique à la fin de mon propos.

Lors de notre précédent conseil d’administration , qui a acté et programmé cette soirée, nous étions loin de penser que nous serions au coeur d’une actualité brûlant , brûlante à deux titres :

  • D’une part les événements dramatiques qui se sont déroulés durant 11 jours à Jérusalem-Est, en Cisjordanie, mais aussi à Gaza et dans les villes dites mixtes entre Palestiniens d’Israël et Israéliens, avec une grande intensité de violence. A Gaza, nous avons suivi avec horreur les bombardements sur une population sans défense faisant plus de 200 morts dont 65 enfants. Un cessez le feu à l’initiative de l’Egypte, de la Jordanie et de la France a été le bienvenu, rendant à cette région du monde une relative tranquillité qui n’en reste pas moins fragile et dont les problèmes fondamentaux demeurent : occupation militaire, colonisation et annexion de facto qui rendent la vie des Palestiniens impossible. Demeurent donc la frustration, les humiliations et la colère d’un people qui aspire à la dignité, à l’application des droits humains et à son droit à l’auto-détermination. La politique israélienne de colonisation et d’occupation engendre des actions de résistance tous azimuts : refus de quitter la terre comme à Sheikh Jarah, actions diplomatiques de la part des dirigeants palestiniens mais aussi actions de la société civile. Or ces 11 jours de révolte matée par une force disproportionnée s’inscrivent aussi dans les événements de la scène internationale
  • D’autre part la décision de la cour pénale internationale (CPI) d’enquêter sur des crimes de guerre à Gaza, commis notamment en 2014 par des officiers de l’armée israélienne. Puis la résolution du conseil des droits de l’Homme de l’ONU (CDH),votée la semaine dernière à l’initiative du Pakistan, la France s’étant abstenue… Deux des quatre pays arabes ayant signé les accords de normalisation avec Israël ont voté en faveur de cette résolution (Soudan et Bahrein), les deux autres (E.A.U et Maroc) étant membres observateurs n’ont pas pris part au vote. Cette résolution n’utilise pas le mot “APARTHEID” mais énonce les principes dangereux qui font dire à nombre d’ONG que la politique israélienne est une politique d’apartheid y compris en Israël même.*

La parole est maintenant à François Leroux.

Très bonne soirée à toutes et tous.

Marilyn Pacouret
Présidente de “Chrétiens de la Méditerranée”

* Voir les rapports d’organismes de défense des droits comme Yesh Din, B’ Tselem, Human Rights Watch et dernièrement l’intervention d’Al Haq.

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LES PALESTINIENS ET LES NOUVEAUX

ACCORDS ARABO-ISRAELIENS

CHRISTIAN LOCHON*

 

1- INTRODUCTION

Événements de mai 2021

Ce qui vient d’arriver, dans la suite des affrontements israélo-arabes, est sans précédent. En témoignent :

  • La puissance de feu du Hamas
  • En Israël la violence incontrôlée, les lynchages entre citoyens israéliens et palestiniens, les incendies de synagogues et destructions de maisons.
  • Les coups et blessures entre voisins

Début mai 2021, la menace d’expulsion planant sur les habitants de Cheikh Jarrah, Jérusalem Est, au profit de colons israéliens, a déclenché les nouveaux affrontements qui ont été de pair avec une répression sanglante autour de la mosquée Al Aqsah, troisième Lieu saint de l’islam et les bombardements intensifs et meurtriers menés sur Gaza lorsque les Gazaouis sont venus au secours de leurs compatriotes de Jérusalem. Quant aux affrontements sur l’esplanade des Mosquées, ils sont malheureusement habituels.

Le cessez-le-feu du 20 mai n’a pu être obtenu, par l’entremise de l’Égypte soutenue par les États-Unis, qu’après des bombardements lourds qui ont fait plus de 250 victimes palestiniennes et 12 israéliennes. Les plus démunis des Gazaouis ont dû être relogés dans les écoles de l’UNRWA (1). L’Égypte accordera 500 millions de dollars pour la reconstruction de Gaza.

Les pays arabes et musulmans ont envoyé à New York des émissaires pour protester contre la paralysie du Conseil de Sécurité. Bahreïn condamne les attaques contre les civils, les Émirats sont préoccupés de la spirale de violence, le Maroc, le Soudan sont dans l’embarras d’autant plus que leur population est pro-palestinienne

Cependant, la guerre renouvelée entre Palestiniens chassés de leurs habitations à Jérusalem et occupants israéliens n’est pas vue par l’opinion mondiale comme elle devrait l’être.

Cette nouvelle spirale de violences a été interprétée par une partie de l’opinion mondiale comme instrumentalisée par le Hamas à égalité avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, puisque le Hamas en a bénéficié en transférant l’affrontement de Jérusalem vers Gaza et en substituant une guerre balistique, nécessairement répréhensible aux yeux de l’opinion internationale, à des réactions d’hommes désarmés, faisant détourner les regards des crimes commis par les colons israéliens.

De plus, cette action a fait déconsidérer davantage l’Autorité Palestinienne, montrant aux yeux du monde la division des Palestiniens.

2- MOTIVATIONS DES ACCORDS D’ABRAHAM

Historique

Dans les années 1990, un discret rapprochement économique avait été opéré par Israël avec Oman et Doha (2). Toute éventuelle coopération bilatérale avec Israël à l’époque était considérée comme contre-nature !

A partir de 2011, une convergence d’intérêts sécuritaires s’est établie entre Israël, Abou Dhabi et Riyad, qui ont tous trois deux ennemis communs, les Frères Musulmans et l’Iran.

La défiance partagée à l’égard de l’administration Obama a renforcé les relations entre Israël et les États du Golfe.

En juin 2017, Mohamed Ben Salman, dit MBS, devient Prince héritier d’Arabie Saoudite et tisse avec Donald Trump les formes tangibles d’une coopération triangulaire Riyadh-Washington-Tel-Aviv.

Les pays du Golfe avaient déjà fait cesser les affrontements antérieurs entre Israël et le Hamas. Le Qatar obtient de subventionner la reconstruction de Gaza.

Intérêt pour la Palestine

Dès 1971, 500.000 Palestiniens contribuent au développement des pays du Golfe, soutenus par les élites locales. Ils sont appréciés pour leur savoir-faire (médecins, journalistes, enseignants).

Néanmoins, comme le fait remarquer le journaliste libanais du quotidien arabophone londonien Al Hayat, Hazem Saghieh : “Dès 1948, la question palestinienne a servi à l’Égypte, à l’Irak, à la Jordanie pour justifier leurs politiques étrangères et régionales. Cette appropriation est devenue un élément essentiel de la légitimité intérieure des régimes autoritaires qui se revendiquaient du nationalisme arabe.”

Les Palestiniens ont longtemps été soutenus par la majorité des populations arabes ; s’ils étaient minoritaires dans leur propre pays, ils constituaient la vraie population de la Palestine.

Les temps ont changé. Les pays arabes mentionnent à peine le problème palestinien. La jeunesse arabe s’intéresse davantage aux réformes économiques et politiques qu’à la question palestinienne.

Le conflit israélo-arabe s’est réduit au conflit israélo-palestinien.

Intérêt pour Israël

Les jeunes générations, incarnées par Mohamed Ben Salman ou Mohamed ben Zayed (3), privilégient la realpolitik.

Le 13 août 2020, Donald Trump annonce la négociation des accords d’Abraham, traités de paix avec Israël qui sont signés à partir d’août 2020 à Washington.

L’Égypte (1979), la Jordanie (1994) avaient déjà normalisé leurs relations avec Israël.

Bahreïn (11 septembre 2020), les Émirats (13 août 2020), le Soudan en octobre, le Maroc, l’ont fait récemment. L’Arabie Saoudite, Oman sont en attente.

A) Brisant les tabous, les pays arabes riches n’hésitent plus à se rapprocher d’Israël.

Les gouvernements arabes veulent profiter des technologies israéliennes et des achats d’armes américains. Israël compte dans la région de Tel-Aviv 6.000 start-up, 22 incubateurs, 160 accélérateurs, 16 universités dont le Campus Technion avec 15.000 étudiants, de renommée mondiale. Les entreprises israéliennes en cybersécurité disposent d’une expertise reconnue.

B) Les accords de paix prévoient que tous les musulmans pourront venir en pèlerinage à la mosquée d’Al Aqsa, lieu de l’ascension du Prophète au ciel selon Coran XVII 1, “Celui qui fit voyager Son serviteur de la Mosquée Al Haram à la Mosquée Al Aqsa”.

Avec la prise de la vielle ville par l’armée israélienne en 1967, la vision de Jérusalem et de la Mosquée Al Aqsa en son sein est apparue comme le “rêve arabe”, selon le terme de Naël Toukhi, né au Koweït, résidant en Égypte, journaliste, écrivain.

C) Une autre raison tient aux politiques expansionnistes de la Turquie et de l’Iran, avec aussi le projet de formation d’un axe anti-islamiste. La peur existe en Israël que la création d’un État palestinien offrirait à l’Iran et aux islamistes sunnites une nouvelle tête de pont. Abou Dhabi et Riyad ont deux ennemis communs : les Frères Musulmans et l’Iran. Les mêmes qu’Israël.

Israël bombarde les convois iraniens destinés au Hezbollah et soutient les miliciens anti-Assad en Syrie.

Les Accords d’Abraham n’abordent pas la question de l’occupation militaire et de la dépossession des terres des Palestiniens

3- DES PALESTINIENS DANS LE DÉSARROI

Pour Elias Sanbar le peuple palestinien s’est reconstitué (4). Mais la mentalité de majoritaires des Israéliens, excluant les minoritaires, a entraîné une lassitude des Palestiniens, qui ne disposent toujours pas d’un État viable, et qui vivent dans l’insécurité et la précarité.

A) Mahmud Abbas (85 ans) reporte les élections palestiniennes le 27 avril “jusqu’à ce que notre peuple puisse exercer des droits démocratiques à Jérusalem”, explique-t-il, profitant du fait que Jérusalem-Est est privée de scrutin.

Le gouvernement du Fatah de Mahmoud Abbas a été traité avec mépris par Israël, alors qu’il était l’unique partenaire politique fiable d’un gouvernement israélien de quelque composition qu’il soit.

B) Cisjordanie

La Ligne verte (5) disparaît après le 30 octobre 1987, conséquence de l’occupation israélienne. L’armée israélienne gouverne en Cisjordanie.

Les Palestiniens sont victimes de la boulimie de terre des colons.

Trois entités territoriales divisent ainsi la Palestine. Deux mouvements politiques apparaissent irréconciliables : Fatah et Hamas. Le Fatah lui-même est divisé entre Barghouti, Mohamed Dahlan (exclu et résidant aux Émirats Arabes Unis) et Mahmoud Abbas.

4- JÉRUSALEM

En reconnaissant Jérusalem capitale d’Israël en décembre 2017 et en y transférant l’ambassade américaine, Trump a sciemment précipité une nouvelle intifada.

Le contentieux de Cheikh Jarrah, faubourg de Jérusalem Nord où se sont réfugiés en 1947 les expulsés de 60 villages à l’ouest de Jérusalem est dû aux nervis des colons qui veulent les expulser une nouvelle fois.

5- GAZA

A) L’Iran y soutient le Djihad islamique qui envoie des roquettes sur Tel-Aviv. L’axe des chiites et des Frères musulmans fait pression sur Israël pour sauvegarder les intérêts iraniens. Mais l’Iran, embourbé dans la crise syrienne, a stoppé son aide financière à Gaza et est relayé par le Qatar qui envoie 30 millions de dollars par mois pour financer le Hamas. Sur le plan politique, Israël avait accepté que le Qatar assure financièrement les missions civiles du gouvernement du Hamas à Gaza. Mais une partie des fonds a été détournée vers un programme d’achat et de développement d’armes balistiques.

Les États du Golfe avaient déjà joué les médiateurs entre Hamas et Israël et avaient signé des accords militaires de cessez-le-feu (6).

B) Le Hamas soutenu par l’Iran inquiète les pays du Golfe.

Le Hamas en transférant l’affrontement récent de Jérusalem vers Gaza inquiète la communauté internationale. Les Palestiniens sont les victimes de cette forme d’affrontement. Avant les bombardements du Hamas, les Palestiniens de Jérusalem se battaient à mains nues contre l’occupant israélien ; cette guérilla urbaine est devenue un conflit entre Tel Aviv et Téhéran. Israël se félicite de cette guerre balistique qui détourne l’attention de la communauté internationale.

Les roquettes ont atteint l’agglomération de Goush Dan (Tel Aviv) et 15 localités de banlieues.

Les habitants ont été sidérés et l’armée israélienne, humiliée d’avoir été prise de court, a dû déclencher dans la précipitation l’opération “Guardian of the Walls” (Gardien des murs).

6- LES RÉSOLUTIONS DE L’ONU

La 242, après la guerre des Six jours en 1967, selon la doctrine de “la terre contre la paix”, devait pousser Israël à abandonner des territoires occupés.

La 1397, en 2002, invitait  à concevoir deux États vivant côte à côte dans des frontières délimitées, “sûres et reconnues”.

Mais c’est la force qui prime.

En 1948, la guerre s’est arrêtée lorsque Israël a été vainqueur.

La paix ne se fera que si elle est imposée.

Le président Bush avait bien fait pression en 1991 sur Israël ; il ne fut pas réélu.

La Palestine a été reconnue comme observateur à l’ONU par 137 États mais sans aucun effet sur le terrain.

7- LES PAYS ARABES

Les pays arabes avaient oublié les Palestiniens. Les bombardements du Hamas les leur ont rappelés.

La question palestinienne a servi à l’Égypte, à l’Irak, à la Jordanie, à la Syrie pour justifier leurs politiques étrangères et régionales.

La résolution de Khartoum adoptée par huit États de la Ligue Arabe le 1er septembre 1967 est connue comme celle des “Trois Non” : non à la paix, non à la reconnaissance, non à des négociations avec Israël.

Cependant les pays du Golfe, Arabie Saoudite, Bahreïn, Émirats, ont soutenu les pourparlers de Madrid qui ont débouché sur les Accords d’Oslo en 1993 (7). Aujourd’hui, ils craignent l’Iran des Ayatollahs.

A) Pays du Golfe

Arabie saoudite

Riyadh a coopéré avec Israël lors de la guerre du Yémen, envahi par les troupes égyptiennes. En 1981, le plan de paix du roi Fahd propose la création d’un État palestinien incluant Jérusalem mais stipulant “le droit de tous les États de vivre en paix”, texte co-rédigé avec Yasser Arafat (8).

Février 2002, la relation privilégiée avec Washington conduit à réfléchir à un plan de paix avec Israël, proposé par le Prince héritier. Il se heurte à une forte réprobation religieuse envers toute normalisation avec Israël ; deux fatwâs la réprouvant sont émises en direction du Roi Fahd. Malgré ces blâmes, le plan est adopté par les 22 États de la Ligue arabe à Beyrouth en mars 2002.

Le roi Abdallah (2005-2015), par crainte de l’Iran, permet un rapprochement des Services de Renseignements israéliens et saoudiens grâce à Turki ben Fayssal Al Saoud, ancien directeur des Renseignements saoudiens, ancien ambassadeur à Washington.

En 2015, Al Walid ben Talal (9) confie au journal koweïtien Al Qabas : “Si un conflit éclate entre Palestiniens et Israéliens, je me rangerai du côté israélien”.

Les multiples défaites militaires et diplomatiques de Mohamed ben Salman ont affaibli la monarchie saoudienne dans ses efforts pour faire barrage aux ambitions iraniennes. Aussi Riyadh s’est-il rapproché de Tel Aviv pour ses recherches nucléaires, qu’il mène avec des ingénieurs pakistanais. Le danger de la supériorité iranienne dans ce domaine l’y pousse.

En 2018, Riyadh avait accepté le survol de l’Arabie par des appareils israéliens.

Le 14 août 2020, le quotidien saoudien Al Sharq Al Aoussat affirme : “L’intérêt de chaque État arabe est plus important que la cause palestinienne”.

Le 24 novembre 2020, le Premier ministre israélien Netanyahou s’est rendu à Riyadh pour rencontrer le prince Mohamed ben Salman en présence de Mike Pompeo, alors secrétaire d’État américain.

Netanyahu accorderait volontiers aux Saoudiens la garde des lieux saints musulmans (10) en échange d’accords de paix (27 avril 2021) mais l’Arabie saoudite tient à ce que les relations israélo-palestiniennes se dégèlent et n’est pas prête à assumer publiquement une coopération ouverte.

Bahreïn

Cette principauté de 765 km2 est dépendante des aides des pays du Conseil de Coopération du Golfe, et est un des abris de la 5ème flotte américaine.

Une minuscule communauté juive y dispose de représentants élus. Entre 2008 et 2013, Houda Nounou, ambassadrice à Washington, fut la première femme juive à ce poste issue de la région.

La Conférence de Manama (25 et 26 juin 2019), organisée par Jared Kushner, l’envoyé spécial du président Trump pour le Moyen-Orient, réunissant les pays du Golfe, l’Égypte et la Jordanie, pour promouvoir son plan de paix, fut boycottée par les Palestiniens ; des journalistes israéliens avaient obtenu un visa d’entrée pour couvrir la manifestation.

Émirats Arabes Unis

Dès 2009, les deux ministres des Affaires Étrangères émirati et israélien collaborent étroitement. Depuis 2013, une société israélienne, NSO, a fourni un logiciel espion appelé Pegasus aux autorités émiraties, qui surveillent ainsi leur adversaire qatari et leurs alliés saoudiens ainsi que tous les opposants à leur régime, urbi et orbi.

Le 13 août 2020, une déclaration conjointe émirato-israélienne est négociée sous la houlette de Donald Trump. Les Émirats et Israël ont la même prudence sur le dossier syrien (utilité d’Assad oblige), la même approche sur l’Iran, la même crainte des Frères Musulmans.

A l’exposition universelle de Dubaï de 2020, reportée en octobre 2021, un pavillon israélien présentera les avancées de la technique dans le domaine de la mobilité, du développement durable et de l’innovation.

Oman

Neutre dans tous les conflits avec Israël.

Neutre par rapport à l’Iran avec lequel il partage le contrôle du détroit d’Ormuz.

Dans les années 1970, l’Iran aida le jeune prince Qabbous à vaincre la rébellion marxiste du Dhofar. Le sultanat d’Oman s’emploie à calmer les tensions irano-américaines.

Dans les années 1990, Tel Aviv avait ouvert un bureau de représentation commerciale à Mascate, la capitale, avant que le Sultanat ne le ferme en 2000 à la suite de la deuxième Intifada, et conclu un accord universitaire entre l’Université Ben Gourion et le Centre de Recherche sur l’Eau de Mascate.

En juillet 2019, les relations bilatérales ont repris, Tel Aviv rouvrant son bureau de représentation à Mascate.

En février 2018, le Ministre des Affaires Étrangères omanais Youssef ben Alaoui s’est rendu à Jérusalem où il a visité la Mosquée Al Aqsa et sans doute transmis au Premier Ministre israélien une invitation à se rendre à Mascate. En octobre 2018, Mahmoud Abbas se rendit à Mascate, une semaine avant Netanyahu. Parallèlement, Mascate a l’intention d’ouvrir une ambassade à Ramallah auprès de l’Autorité palestinienne.

Qatar

Doha en 1996 accepte l’ouverture d’un bureau économique israélien qui sera fermé en 2000 à la suite de la deuxième Intifada.

Doha paie les salaires des fonctionnaires de Gaza.

L’alliance entre le Qatar et Gaza s’appuie sur leur proximité idéologique commune avec les Frères musulmans ; des leaders du Hamas se sont réfugiés au Qatar, comme Khaled Meschaal. 100.000 Palestiniens y résident.

B) États ayant signé un accord avec Israël

Égypte

L’Égypte signe un traité de paix avec Israël lors des Accords de Camp David, soutenus par le Sultanat d’Oman.

Le “Parrain égyptien” intervient pour réduire les affrontements entre Hamas et Israël du 28 au 31 mars 2019. Israël autorise les subventions, la fourniture des matériaux de construction et de carburant pour la centrale électrique, accorde un accès pour les pêcheurs sur le littoral.

Jordanie

Alors que le roi Abdallah réaffirme son rôle de Gardien des Lieux saints de Jérusalem, Riyadh a cessé de subventionner la Jordanie depuis mai 2019.

500.000 Jordaniens travaillent en Arabie saoudite, 200.000 dans les Émirats. En aidant financièrement leurs familles, ils apportent des revenus considérables à l’économie du pays.

Amman ne veut pas qu’un accord israélo-arabe entérine l’installation de cinq millions de Palestiniens en Jordanie et envisagerait de renoncer à la tutelle qui lui est reconnue sur la mosquée d’Al Aqsa.

L’Irak a proposé au roi Abdallah d’aider la Jordanie, mais cela se ferait avec l’accord de Téhéran.

Amman veut récupérer deux zones frontalières, Baqoura et Ghoumar, prêtées à Israël pour 25 ans lors de l’accord de paix de 1994.

Israël est intéressé par le port jordanien d’Aqaba, autour du projet avancé d’un canal reliant la Mer Rouge à la Mer Morte, qui permettrait à Tel Aviv de développer son commerce avec Riyad.

C) Autres Pays arabes

Irak et Kurdistan

Une communauté juive habitait le Kurdistan irakien depuis l’antiquité. Ces juifs sont partis en Israël à partir de 1948 mais certains d’entre eux sont revenus faire des affaires. La sécurité de l’aéroport d’Erbil serait confiée à des Israéliens. Israël apporte son soutien aux Kurdes d’Irak, ce qui arrange les Américains.

Liban

Les Palestiniens ont participé à la guerre civile libanaise ; la région où ils résidaient a été appelée le “Fathaland”. Le problème des camps palestiniens extraterritoriaux où les milices se livrent à des guérillas, où les délinquants et les extrémistes se réfugient, et où s’abrite le Q.G. d’Al Qaïda, pèse lourd sur les relations palestino-libanaises.

Beaucoup de Palestiniens quittent le Liban depuis 2013 vers l’Europe grâce à un réseau de passeurs. En 2020, ils sont encore 175.000. L’Organisation de Libération de la Palestine s’était excusée officiellement auprès des Libanais pour les troubles causés durant la guerre civile libanaise.

Le projet d’accord israélo-libanais de 2000 n’a pas été voté par le Parlement libanais. En décembre 2020, les négociations entre Israël et le Liban ont repris à Naqoura, sur la délimitation de la frontière maritime, et sur une zone contestée de 860 km2 à partager. Elles se sont interrompues et ont repris en avril 2021.

Syrie

Israël soutient la milice islamiste Al Nasra, opposée au régime en place.

Les hôpitaux du Golan soignent de jeunes Syriens accompagnés de leurs mères, originaires de la zone frontalière contrôlée par les miliciens anti-Assad de l’Armée de Libération Syrienne.

Les Palestiniens ont été réduits au silence par les Assad ou sont passés aux mouvements islamistes extrémistes. Bachar a détruit de fond en comble le faubourg damascène de Yarmouk peuplé de réfugiés palestiniens.

8- AUTRES ÉTATS NON ARABES

IRAN

Jusqu’en 1979, Israël et l’Iran étaient les alliés non-arabes de Washington ; Israël vit alors son ambassade à Téhéran offerte aux Palestiniens en 1979. La rivalité entre les deux pays vient de leur compétition dans la technologie nucléaire.

Pourtant Israël a soutenu l’Iran dans la guerre avec l’Irak des années 1980.

L’Iran est en opposition avec la plupart des pays arabes, à part la Syrie, peut-être malgré elle ; son allié libanais, le Hezbollah, est contesté par 60% de ses compatriotes ; le Yémen, le Bahreïn, les Émirats, l’Arabie saoudite craignent l’ingérence iranienne dans leurs problèmes locaux. Téhéran, ayant créé un axe chiite de Téhéran à Beyrouth en passant par Bagdad et Damas, s’oppose à Ankara mais aussi à Tel-Aviv.

Le 22 avril 2021, un tir iranien parti de Syrie s’est écrasé près d’un site nucléaire israélien. Ce qui est inquiétant pour Israël, c’est que les systèmes de défense antimissile ne l’avaient pas intercepté.

TURQUIE

La Turquie fut le premier pays musulman à reconnaître Israël en 949 et à signer un accord de coopération avec l’État hébreu.

En 1976, la Turquie adhère à l’Organisation de la coopération islamique (OCI) (11).

Lors de sa visite à Ankara, à la mi-février 2008, le ministre de la Défense israélien Ehud Barak a proposé la coopération des Services secrets israéliens dans les opérations de l’armée turque contre le PKK (12) et le renforcement de leurs échanges d’informations sur l’Iran.

Le 13 décembre 2017, le président turc Erdogan invite les dirigeants des pays membres de l’OCI à Istanbul, avec l’intention de prendre la tête de l’Umma, la communauté musulmane, pour la défense de la Palestine. Dans le communiqué final de la conférence figure la déclaration : “Nous proclamons Jérusalem-Est capitale de l’Etat de Palestine”. Mais les États de l’OCI sont pour la plupart des alliés de Washington.

Comme sous l’Empire ottoman, Erdogan voudrait diriger le monde sunnite, à la place que tient l’Arabie Saoudite en tant que gardienne des premiers Lieux saint de l’islam.

Ankara s’est réconcilié avec divers pays arabes sunnites.

Mais la situation récente en Syrie, soutenue par l’Iran, a replacé Ankara dans un axe anti-iranien.

L’antagonisme entre Mohamed ben Zayed, le prince le plus influent des Émirats, et le président Erdogan, qui soutient les islamistes, est grand. Les Émirats accusent la Turquie de soutenir le Qatar pour renforcer l’islamisme politique (13). En 2019, la Turquie a achevé la construction d’une base de 5.000 soldats au Qatar. D’où le rapprochement des États du Golfe avec Israël.

9- LES GRANDES PUISSANCES

CHINE

Pékin veut conserver ses bonnes relations avec Israël dans le domaine technologique.

ETATS-UNIS

Les États-Unis se dégagent lentement du Moyen-Orient. 50.000 soldats y sont encore présents.

Bravant la Résolution 478 de l’ONU enjoignant aux États membres de retirer leurs missions diplomatiques de Jérusalem, Donald Trump transfère l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem.

Israël n’est pas une grande puissance mais en devient une quand il est adossé aux États-Unis. L’administration Obama a accordé à Israël l’aide la plus importante de toute l’histoire américaine (38 milliards de dollars), surpassant celle accordée par George W. Bush (30 milliards) et par Bill Clinton (27 milliards).

Par contre, la préoccupation première du nouveau président Joë Biden est la Chine. Le dossier israélo-palestinien n’est plus inscrit dans ses priorités. Il a cependant soutenu le dernier cessez-le-feu.

FRANCE

Le consulat français à Jérusalem, qui ne dépend pas de l’ambassade de France à Tel Aviv, soutient tous les établissements religieux français, écoles, hospices, hôpitaux implantés dans les territoires palestiniens.

Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, le 23 mai 2021, a mis en garde Israël contre un risque d’apartheid envers la population arabe. Il existe déjà dans les faits.

RUSSIE

Moscou entretient de bons rapports avec Israël, qui compte sur Moscou pour limiter la puissance iranienne.

Un million d’immigrés russes résident en Israël. Beaucoup s’étaient fait passer pour des Juifs au temps de l’URSS mais en fait ils étaient orthodoxes. Actuellement l’Église orthodoxe russe rachète les églises et couvents grecs-orthodoxes.

CONCLUSION

“Les Palestiniens se battent pour leur vie, Israël se bat pour l’occupation de la Palestine”, telle est la constatation de la journaliste Amira Hass.

Les Palestiniens ne sont pas seulement sacrifiés sur l’autel de la boulimie croissante des colons mais ils sont les victimes de la crise politique israélienne.

Pour Hazem Saghieh, “La cause palestinienne est encore aujourd’hui adulée de tous mais instrumentalisée par n’importe qui. Il est grand temps que cette mascarade cesse” (Al Sharq al Awsat, 16 septembre 2019).

Il écrit également : “L’aspect identitaire juif a pris le pas sur le projet démocratique de l’Etat hébreu. La paix israélo-palestinienne s’est brisée sur l’assassinat de Yitzhak Rabin. La lassitude d’une majorité d’Israéliens face à une guérilla urbaine pérenne, qui renforce les méfiances séculaires, peut-elle influer sur le gouvernement israélien?” (Asharq Al Awsat, 12 mai 2021)

L’axe israélo-saoudo-américain ne peut pas brader la question palestinienne, même pour mieux se défendre contre l’Iran. L’alliance entre l’Arabie Saoudite et Israël exige des avancées sur la cause palestinienne. Riyad est la clé d’une normalisation assurée.

Le 7 février 2021, la Cour Pénale Internationale s’est déclarée compétente pour les faits survenus dans les Territoires palestiniens occupés.

La nature de la Résistance palestinienne devra changer, réaliser l’unité entre les Palestiniens, adopter une résistance non-violente, choisir de constituer une communauté agissante dans un État unifié où le poids de la démographie jouera en faveur des Palestiniens. Ou choisir la coexistence de deux États. En tout cas, elle ne peut plus compter sur les pays arabes, ni sur l’Iran qui ne propose que la voie du martyre.

Pour les Israéliens, le mur de séparation de 730 km de long suffira-t-il à imposer le diktat israélien ? Il faudra revenir à la déclaration de Shimon Peres : “Le prix de la paix peut sembler prohibitif ; celui de la guerre a un coût infiniment supérieur”.

Le 7 février 2021, la Cour Pénale Internationale s’est déclarée compétente pour les faits survenus dans les Territoires palestiniens occupés. L’ONU bouge !

Christian Lochon*

ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES

ACHKAR Gilbert, La Guerre de 33 jours, Liban Textuel 2006

ANDRE-DESSORNES Carole, 1915-2015 Un siècle de tragédies et de traumatismes au Moyen-Orient, Paris L’Harmattan 2016

DJALILI Mohamed-Reza et KELLNER Thierry, L’Iran et la Turquie face au « Printemps arabe ». Vers une nouvelle rivalité stratégique au Moyen-Orient, Bruxelles GRIP 2012

GOUDROT Jacques, Une seule terre en partage, Colmar, Jérôme Do Bentzinger éditeur, 2019

JABBOUR Jana, La Turquie, l’Invention d’une diplomatie émergente, Paris CNRS 2017

MARTEU Elisabeth, Israël et les pays du Golfe, les enjeux d’un rapprochement stratégique, Paris IFRI Janvier 2018

PRAZAN Michael, Les Frères Musulmans. Enquête sur la dernière idéologie totalitaire, Paris Grasset 2014

SAGHIEH Hazem, Ceci n’est pas une autobiographie, Paris L’Harmattan 2019

TAVARDON Paul, Trappistes en Terre Sainte, 2 tomes, Domuni Press 2016

THERME Claude directeur, L’Iran et ses rivaux, Paris Passés Composés, 2020

Note de la rédaction

(1) United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East, l’agence de l’ONU chargée des réfugiés palestiniens.

(2) Doha, capitale de l’émirat du Qatar.

(3) Prince héritier et ministre de la Défense d’Abou Dhabi, la capitale et le plus riche des sept Émirats arabes unis.

(4) Elias Sanbar, historien et essayiste palestinien, ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco à Paris. Il déclare dans Le Figaro du 20 mai 2020 : «Cette crise a reconstruit le corps national palestinien».

https://www.lefigaro.fr/international/elias-sanbar-cette-crise-a-reconstruit-le-corps-national-palestinien-20210520

(5) La Ligne verte est la ligne d’armistice de 1949, frontière d’Israël avec entre autres la Jordanie jusqu’en 1967, à la veille de la guerre des Six jours. A ce moment Gaza était sous le contrôle de l’Egypte. La Jordanie a en 1988 renoncé à toute revendication sur des territoires situés à l’ouest du Jourdain, c’est-à-dire la Cisjordanie et Jérusalem-Est.

(6) En particulier lors de la longue crise qui a affecté Gaza en 2014.

(7) Ces accords ont entre autres institué une « Autorité palestinienne » dans les Territoires occupés et divisé ceux-ci en trois zones, selon une répartition des responsabilités politiques entre Israël et l’Autorité palestinienne.

(8) Président historique du Fatah et alors président de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP).

(9) Prince de la lignée royale saoudienne et important homme d’affaires.

(10) Tutelle qu’a conservée la Jordanie en 1967 après la guerre des Six-jours.

(11) Organisation intergouvernementale créée le 25 septembre 1969. Son siège se situe à Djeddah en Arabie saoudite et elle possède une délégation permanente aux Nations unies. Elle vise à développer la coopération entre les États musulmans du monde entier.

(12) PKK, Parti des Travailleurs du Kurdistan. Fondé en Turquie en 1978 pour obtenir l’autonomie des régions de peuplement kurde, il est considéré par l’actuel gouvernement turc comme son plus mortel ennemi.

(13) Leur doctrine politique commune est proche de celle des Frères musulmans.

  • Christian Lochon est arabisant, professeur à l’Université Paris II, membre de l’académie des Sciences d’Outremer. Il a longuement séjourné dans divers pays du Moyen-Orient. Il été administrateur de l’œuvre d’Orient et est administrateur de notre association.

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LES DONNÉES JURIDIQUES DU CONFLIT ISRAÉLO-PALESTINIEN
Évolutions récentes

GHISLAIN POISSONNIER

Ghislain Poissonnier est magistrat français et ancien délégué du Comité International de la Croix-Rouge en Palestine. Il a publié un ouvrage intitulé “Les Chemins d’Hébron” (L’Harmattan, 2010).

LES CHEMINS D’HÉBRON – Un an avec le CICR en Cisjordanie, Ghislain Poissonnier – livre, ebook, epub (editions-harmattan.fr).

https://www.editions-harmattan.fr/livre-les_chemins_d_hebron_un_an_avec_le_cicr_en_cisjordanie_ghislain_poissonnier-9782296116429-31378.html

Il est l’auteur de plusieurs articles consacrés aux aspects juridiques du conflit israélo-palestinien, parmi lesquels :

Les colonies israéliennes en Cisjordanie, un crime de guerre ? (openedition.org)

https://journals.openedition.org/revdh/7353

Le commerce avec des entités illégales est-il conforme au droit européen ? – AURDIP

https://www.aurdip.org/le-commerce-avec-des-entites.html

Boycott des produits israéliens : la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) rebat les cartes des échanges commerciaux avec l’Europe (sur theconversation.com):

https://theconversation.com/boycott-des-produits-israeliens-la-cedh-rebat-les-cartes-des-echanges-commerciaux-avec-leurope-140751

Étiquetage des produits des colonies israéliennes : un coût plus politique qu’économique (sur theconversation.com):

https://theconversation.com/etiquetage-des-produits-des-colonies-israeliennes-un-cout-plus-politique-queconomique-127246

Colonisation des territoires palestiniens : quelles conséquences peut entraîner l’ouverture de l’enquête de la CPI ? (sur theconversation.com):

https://theconversation.com/colonisation-des-territoires-palestiniens-quelles-consequences-peut-entrainer-louverture-de-lenquete-de-la-cpi-156890

Appel au boycott des produits israéliens : l’affaire rebondit devant le Conseil de l’Europe – Actu-Juridique

https://www.actu-juridique.fr/administratif/libertes-publiques-ddh/appel-au-boycott-des-produits-israeliens-laffaire-rebondit-devant-le-conseil-de-leurope/

La tentative de pénalisation des appels au boycott des produits israéliens par les circulaires Alliot-Marie et Mercier | Revue des droits et libertés fondamentaux (revuedlf.com)

http://www.revuedlf.com/droit-penal/la-tentative-de-penalisation-des-appels-au-boycott-des-produits-israeliens-par-les-circulaires-alliot-marie-et-mercier/

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POURQUOI N’AVONS-NOUS PAS PU RÉSOUDRE LA QUESTION PALESTINIENNE EN PLUS DE SOIXANTE-DIX ANS

NORA CARMI

Palestinienne, Nora Carmi intervient depuis Jérusalem où elle réside. Elle participe à l’élaboration d’une théologie chrétienne de la libération au sein de l’association Sabeel-Jérusalem et a contribué à l’appel œcuménique “Kairos Palestine” en direction des Eglises chrétiennes, pour qu’elles reconnaissent et dénoncent les injustices dont souffrent les Palestiniens.

Chers amis,

Merci pour l’invitation à vous rejoindre en ces temps où notre région, la Terre dite sainte, est témoin d’événements et de développements qui bouleversent le statu quo et avec lui les aspirations différentes de deux peuples dont le sort est lié depuis plus d’un siècle.

Il n’est pas facile de parler après deux experts de l’histoire et du droit, surtout que je ne suis pas moi-même une femme politique. Cependant le témoignage d’une personne originaire de cette Terre, qui a survécu aux événements politiques sordides et souvent injustes qui se déroulent depuis 1948, autour de ce dont discutons aujourd’hui, pourrait peut-être vous offrir une nuance différente, même si nous n’allons pas trouver des réponses immédiates.

Avant d’exposer les effets de ce dernier accord dit “abrahamique” du 15 septembre 2020 sur les Palestiniens, permettez-moi de faire quelques remarques.

Merci, chers confrères, Professeur Christian Lochon et Ghislain Poissonnier, pour votre analyse et votre vision des relations entre les pays arabes et Israël, et surtout de l’impact et du rôle du droit international.

Je vous suis reconnaissante pour vos exposés détaillés, respectueux de la complexité des faits. Je suis d’accord avec les critiques, ainsi qu’avec les conseils, que vous émettez pour assurer un avenir plus paisible à cette Terre, à commencer par l’unité du peuple palestinien et par une vision claire de son avenir.

Merci aussi pour l’optimisme, fondé sur le fait que la défense du droit a commencé à montrer son efficacité.

Reste cependant une question : pourquoi n’avons-nous pas pu résoudre la question palestinienne en plus de 70 ans ?

Mon intervention

Pour commencer, l’Etat d’Israël, créé en 1948, est apparu comme la réponse, inattendue, à la shoah subie par les juifs, leur offrant la possibilité de réaliser le rêve de devenir un Etat, une nation. Il s’agissait en fait de s’emparer de la terre, en invoquant les textes bibliques, de chasser les habitants (je suis moi-même une réfugiée), en niant leurs droits et jusqu’à leur existence, en prétendant que la terre était vide. C’était le discours des dirigeants de ce nouvel État, et même si la majorité des Israéliens ne croyaient pas en Dieu, ils étaient convaincus que selon la Bible cette terre leur était promise. Jusqu’à aujourd’hui, il y a des gouvernements et des pays qui soutiennent la propagation de ce mythe, et qui considèrent que le “peuple élu”, cet enfant gâté, est au-dessus de toute loi internationale. L’État d’Israël, qui se définit comme “démocratique et juif”, est la quatrième puissance militaire du monde et possède des armes nucléaires. Mais en parle-t-on? Comme Palestinienne chrétienne, je sais que cette terre devrait être un modèle d’harmonie et un exemple de coexistence, fortifié par les principes d’égalité, de respect, d’amour et de pardon reconnus dans les trois religions monothéistes. Sans doute la plupart d’entre vous connaissent-ils la réalité : Israël a occupé ce qui devait être l’état indépendant de la Palestine (78% en 1948) et 22% des habitants de la Palestine historique sont devenus de facto des citoyens israéliens (bien qu’il n’y ait pas entre eux d’égalité des droits). Il faut vous rappeler qu’avant 1948, il y a eu des efforts pour établir un gouvernement binational. Les Palestiniens s’étaient engagés à partager le pouvoir. Ils n’ont pas pu accepter la division inégalitaire du pays qui a été  imposée en 1947 par ceux qui sont devenus les autorités d’un système colonialiste.

Ceci dit, comme ce n’est pas le thème de notre rencontre, sinon pour expliquer ce qui s’est passé plus tard, et en particulier les réactions de mai 2021, je continue sur ces points qui concernent les relations des Palestiniens avec Israël et les pays arabes.

  1. C’est vrai que nous, Palestiniens, avons choisi de reconnaître l’État d’Israël en 1988 avec l’espoir que les négociations d’Oslo, qui devaient se terminer en 1999, assureraient une solution aussi juste que possible pour tous. 54 ans après, nous sommes dans une situation pire, avec un processus interminable de négociations qui n’ont abouti à presque rien, car aucune des résolutions prises n’a été honorée ou appliquée au long de 27 ans de pourparlers et de rencontres entre les deux peuples, sous la surveillance des superpuissances qui prétendaient être neutres. Jusqu’à la rupture et à l’impasse des tensions que nous vivons aujourdhui. Notre expérience nous a fait découvrir les intentions finalement articulées de manière claire dans la loi surl’État Nation du peuple juif“ de 2018. Nous, Palestiniens, n’avons pas encore appris qu’on doit se méfier de l’oppresseur et de l’occupant, alors même que les violations des droits des non-juifs en Cisjordanie, et même en Israël, sont bien documentées, souvent condamnées mais non pas sanctionnées.

  2. L’Égypte et la Jordanie sont les deux autres pays qui ont signé un accord de paix avec Israël. La Jordanie est toujours la protectrice des lieux saints musulmans et l’Égypte joue un rôle de médiateur entre Gaza et Israël.

  3. Pour définir les relations entre la Palestine et les pays arabes, je rappelle que la Palestine a fait partie du Moyen-Orient, la grande Syrie [ottomane], avant les mandats qui ont été imposés après la première guerre mondiale. Aujourd’hui il y a 14 millions de Palestiniens, et plus de la moitié d’entre eux sont dispersés hors de la Palestine-Israël, surtout à la suite de la catastrophe, la Nakba, des expulsions de 1948. D’ailleurs M. Lochon nous en a donné un récit détaillé et complet. Ayant perdu propriétés, terre et héritage, ces réfugiés palestiniens (dont je suis), qui ont survécu à l’exil, n’ont pas perdu le goût de vivre et ont aidé à construire et à développer les pays du Golfe où ils ont vécu, surtout dans le domaine de l’éducation.

    Avions-nous tort d’espérer une entente et une collaboration de frères et sœurs qui sont, avec la langue arabe, ancrés dans des coutumes et traditions qui nous unissent ? Un soutien total de la part de ces pays, qui se disent attachés à la Palestine, ou aux lieux saints de leur foi (le Haram al Sharif de Jérusalem étant le troisième lieu saint des musulmans) ? Pendant longtemps l’État d’Israël est resté en apparence l’ennemi numéro un de ces pays, l’État et non pas les Juifs. Mais… Afif Safieh, notre ancien ambassadeur au Vatican, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Russie et aux États-Unis disait : “Les Palestiniens sont comme les juifs du Moyen-âge arabe. Ils ont été respectés au début pour leur savoir-faire, mais peu de pays les ont acceptés comme citoyens (65% de la population de la Jordanie est composée de Palestiniens). D’autres les ont refoulés et se sont ligués contre les Palestiniens, les voyant comme des réfugiés, des étrangers, le plus souvent comme un obstacle et un problème.”

  1. Les deux intervenants ont parlé d’une lueur d’espoir, apparue en 2002 avec un nouveau plan de paix proposé par l’Arabie saoudite et endossé par la Ligue Arabe. La condition essentielle pour assurer une paix sincère et harmonieuse dépendait de la reconnaissance par Israël de la Palestine indépendante, de la fin de l’occupation, du retour des réfugiés ou de compensations à leur égard, avec Jérusalem comme capitale de deux États. Bien sûr, Israël a officiellement refusé ce plan. Mais ont continué des contacts informels, participation à des conférences, visites secrètes. Maintenant les Émirats Arabes Unis, Bahreïn, le Soudan, le Maroc ont signé des accords de reconnaissance diplomatique avec Israël, et probablement suivra bientôt l’Arabie saoudite. Ces accords ont été dits abrahamiques, car Abraham est considéré comme le père de toutes les religions monothéistes (le Pape François l’a même souligné), bien que les accords signés par les pays arabes soient en réalité commerciaux. L’usage de la religion contre le danger de l’Iran et des “terroristes” chiites masque le fait qu’Israël en profite, comme vous l’avez entendu. Il ne faut pas oublier que l’excuse et l’argument que donnaient les pays arabes pour la signature de ces accords étaient le soutien aux Palestiniens !

Franchement, l’idéal est de vivre dans un monde où il n’y ait plus de guerre, de violence, de concurrence de pouvoir etc. C’est pourquoi il y a des mouvements qui œuvrent pour les droits de l’homme, l’abolition des armes nucléaires, le désarmement. Des organisations mondiales montrent l’efficacité et la beauté de la résistance non-violente, même si la loi internationale permet à chaque pays de se défendre et de résister contre le mal et l’injustice. En Palestine-Israël il y a une longue liste d’acteurs de paix qui considèrent l’occupation comme l’ennemi, comme ce qui a détruit les valeurs, la moralité des deux peuples. Je cite ici seulement le Cercle des familles qui ont perdu des enfants, palestiniens et israéliens, les Femmes pour la paix et les organisations de défense des droits de l’homme comme Adalah, B’Tselem, Zochrot entre autres.

Comment les Palestiniens ont-ils réagi face à ces accords et pourquoi ? Il faut se souvenir qu’il y a des Palestiniens à Jérusalem, en Cisjordanie, à Gaza, en Galilée, dans tout le Moyen-Orient, en Europe, sur tous les autres continents. Seul un petit nombre d’entre eux s’est réjoui à l’idée de la normalisation des relations avec Israël, et des affaires et gains matériels qu’elle promettait. L’argent parle. Mais d’autres, qui croient et aspirent à une Palestine indépendante, ont eu le sentiment d’une trahison. La majorité se demandait quand la lune de miel se terminerait, quand les pays arabes se rendraient compte des intentions véritables d’Israël, de son rêve de réaliser le grand Israël par le biais de la conquête. Rapidement les accords se sont traduits par des voyages organisés. Les avions naguère ennemis atterrissent dans les capitales arabes et sont accueillis de tout cœur et à bras ouverts. Les différences politiques et, oui, religieuses sont oubliées, s’effacent tous les principes de l’honneur. Plus de boycott des produits israéliens, qui envahissent les supermarchés du Golfe, les symboles de l’État d’Israël qui s’exposent ouvertement, le drapeau israélien illuminé sur la tour Khalifa à Dubaï ! Pendant ce temps, la violence de l’État Israélien contre les Palestiniens et les minorités, même en territoire proprement israélien, continue. M. Poissonnier, suivant le dernier rapport de l’organisation Human Right Watch, a énuméré les violations des droits humains fondamentaux qui sont perpétrées là, destruction de maisons, atteintes à l’environnement, vols de terre, accaparement de l’eau, attaques de colons soutenus par la police et l’armée, arrestations et emprisonnements, agressions sur des lieux saints, tueries et bombardements, nettoyage ethnique de quartiers entiers de Jérusalem (Sheikh Jarrah et Silwan) et finalement… génocide ?

Quel genre de paix ou d’accord Israël peut-il conclure avec ses voisins quand Israël maltraite ses citoyens, ne respecte ni lois ni principes, se moque de tout et de tous avec impunité ? Les actions hors de contrôle de l’État d’Israël ont fait jaillir une réaction mondiale comme on n’en avait jamais vue jusqu’à aujourd’hui. Manifestations locales, régionales, globales, réunions des plus hautes instances internationales, décisions de l’ONU, de la cour pénale internationale, du Conseil des droits de l’homme… Une enquête spéciale sur les violences contre la population a été ouverte par la Cour Pénale Internationale, le comportement de l’État d’Israël a été mis en cause durant le mois de mai.

Si Israël a le droit de se défendre contre les roquettes de Gaza, l’opprimé n’a-t-il pas le droit de se défendre aussi ?

Ma gorge se serre et ma parole s’étouffe devant ces quelques photos récentes. Elles vous montrent que la prétention d’égalité et de démocratie est un mythe. Voici ce qu’elles montrent:

  1. Est-ce un traitement humain ?

  2. Célébrations à la porte de Damas après la destruction des barrières (qui en interdisaient l’accès aux jeunes Palestiniens)

  3. Le quartier de Sheikh Jarrah

  4. Résistance non-violente

  5. La sortie des prières sur l’esplanade des Mosquées

  6. Les attaques des colons dans la ville mixte de Lod

  7.  Orphelins de Gaza (plus de 250 morts, dont 66 enfants, 39 femmes et 17 âgés)

J’ai commencé par dire que le sort des deux peuples était lié depuis plus d’un siècle. Je le crois toujours. Nous appartenons l’un comme l’autre à cette terre et le défi est d’y vivre, de ne pas s’entre-tuer, à moins que le monde ferme les yeux sur un nouveau génocide, cette fois commis par un peuple qui l’a souffert au 20ème siècle. Est-ce là la finalité de l’existence humaine ?

Quel futur, quel avenir ? Deux États indépendants ? Quelle capitale ? Jérusalem pour qui ? Un état binational, une confédération, ou un nouveau Moyen-Orient où l’on se partage les ressources en eau, la culture, l’héritage ? La paix est-elle possible dans des conditions injustes ?

Une intervention télévisée de Bernie Sanders, sénateur des Etats-Unis

Pour envisager un cadre garantissant bien-être et sécurité, écoutons Bernie Sanders, ce Juif Américain qui aurait pu devenir Président des États-Unis et qui a mis en garde Donald Trump dès 2018 sur les conséquences de ses actions à l’encontre des Palestiniens.

Cet entretien télévisé est en anglais. En voici les thèmes. L’orateur fait un résumé de tout ce qui est arrivé à Gaza : 17 hôpitaux et cliniques endommagés, destruction du seul centre d’examens contre le coronavirus, épandage d’eau fétide dans les rues, destruction de l’adduction d’eau pour 800 000 personnes. Le réseau d’égouts a été détruit, ainsi qu’une usine de désalinisation et d’assainissement d’eau desservant 500 000 habitants, coupure de l’eau potable, 600 000 élèves sans écoles et 72 000 personnes sans abri. Il cite le commentaire d’un professeur d’université décrivant l’impact de la guerre sur les enfants, qui affirme : “Ce qu’ont souffert les enfants de Gaza surpasse tout ce que des enfants ont jamais souffert”.

Bernie Sanders ne s’étonne pas que la violence fasse irruption dans une population soumise à de telles contraintes. Il se demande comment aborder la fin d’une violence qui encourage les fanatiques des deux côtés.

Il n’entend pas dénier à Israël le droit de se défendre, mais affirme que c’est aussi le droit de chaque gouvernement de défendre son peuple. Si les tirs de roquettes depuis Gaza sont inacceptables, le contrôle d’Israël sur Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem les années précédentes est insupportable aux Palestiniens et il faut faire cesser immédiatement les attaques par un cessez le feu.

Il réaffirme que la solidarité s’impose pour la reconstruction de Gaza et sollicite l’aide des modérés des deux camps pour réduire au silence les fanatiques des deux bords.

La vie et les droits des Palestiniens sont importants et doivent nous toucher.

“Palestinian lives matter’, proclame-t-il, en écho au “Black lives matter” qui a bouleversé son pays.

Merci, M. Sanders, merci à chaque personnalité académique, politique, religieuse, dans la communauté européenne, au sénat des États-Unis et dans les comités régionaux, à chacun de ceux qui veulent un cessez le feu immédiat. Mais pour combien d’années ? Alors qu’Israël s’est retiré de Gaza il y a quinze ans, pourquoi donc ce blocus et ces attaques ? Combien de fois faudra-t-il reconstruire ? Mais comment ressusciter les morts ?

Merci, les jeunes qui prennent la responsabilité d’un nouveau monde meilleur, où les droits et la dignité de chaque être créé à l’image de Dieu Créateur, sont assurés et préservés par les principes de la morale et les lois universelles.

Le moment n’est-il pas enfin venu pour non seulement élever nos voix mais pour agir en travaillant ensemble ?

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