
Lassés du processus de paix qui bute sur le refus d’Israël de cesser la colonisation, les Palestiniens veulent obtenir leur indépendance en recourant à l’ONU
Près de vingt ans de négociations et toujours pas d’État palestinien. Le processus de paix entamé à Madrid en 1991 et poursuivi à Oslo, Camp David, Taba et Annapolis, n’a mené nulle part. Quant au nouveau cycle de pourparlers, lancé à Washington le 2 septembre dernier, il bute sur le premier obstacle : l’arrêt de la colonisation israélienne, sans lequel les Palestiniens refusent de retourner à la table des négociations. « Nous sommes dans l’impasse. L’Autorité palestinienne ne fait rien de plus que de la gestion municipale avec l’argent des donateurs, une route parci, une école par-là. Les Israéliens ne sont pas prêts à nous accorder davantage qu’une autonomie. Ça ne peut plus durer », confie Mohammed Shtayyeh, membre de l’équipe de négociations palestinienne. Depuis la fenêtre de son bureau dans les faubourgs de Ramallah, ce proche conseiller de Mahmoud Abbas a une vue imprenable sur les maisons alignées au cordeau de Psagot, une colonie israélienne plantée sur une colline dominant la ville. « La colonisation n’est pas qu’un problème de principe, poursuit-il, c’est une menace directe pour l’établissement d’un État palestinien. La ville palestinienne de Qalqiliya est déjà complètement entourée par des colonies israéliennes. »
L’entourage du président palestinien est persuadé qu’il ne faut plus compter sur les seules négociations pour parvenir à l’établissement d’un État et il s’est préparé à la prochaine étape : saisir le Conseil de sécurité des Nations unies pour obtenir la reconnaissance de l’État palestinien, sans attendre le consentement d’Israël. Dès le 8 novembre, une fois expiré le délai d’un mois fixé par la Ligue arabe pour l’extension, fort peu probable, du gel des constructions israéliennes, les dirigeants palestiniens comptent dévoiler leur plan B. « Dans un premier temps, nous allons demander aux États-Unis de reconnaître l’État palestinien dans les frontières de 1967 (NDLR : Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est), explique Mohammed Shtayyeh. En cas de refus, nous irons devant le Conseil de sécurité de l’ONU, puis éventuellement devant l’Assemblée générale, si le Conseil nous oppose un veto. » Les Palestiniens espèrent alors pouvoir activer la résolution 377 des Nations unies. Ce mécanisme baptisé « Union pour le maintien de la paix » permet à l’Assemblée générale de se substituer au Conseil de sécurité en cas de blocage. Les Palestiniens font le pari qu’il sera beaucoup plus difficile pour Israël de justifier l’occupation de l’État de Palestine alors internationalement reconnu.
Cette perspective a été immédiatement rejetée par le chef du gouvernement israélien, Benyamin Netanyahou, mettant en garde les Palestiniens contre toute « mesure unilatérale » . « Les Nations unies ne peuvent pas créer un État. La ligne verte (qui sépare Israël des Territoires palestiniens) n’a pas d’existence officielle. Et de toute façon, quel gouvernement palestinien serait reconnu : celui du Hamas à Gaza ou celui du Fatah en Cisjordanie ?
observe Ygal Palmor, porte-parole du ministère israélien des affaires étrangères. Sur le plan diplomatique, les Palestiniens marqueront peut-être des points, mais ça ne changera rien sur le terrain. Les lendemains de fête seront douloureux », prédit-il.
« Certes, nous serons toujours sous occupation, répond Mustapha Barghouti, député indépendant et fervent partisan du recours aux Nations unies. Les États-Unis et les pays donateurs financent depuis des décennies la construction d’institutions palestiniennes. Cette reconnaissance sera le vrai test de la sincérité de leur soutien. » Et si la communauté internationale rechigne à signer l’acte de naissance de leur État, les Palestiniens pourraient alors abattre leur dernière carte : laisser le gouvernement israélien prendre en charge totalement la gestion des Territoires occupés. « Nous entrerons alors dans une nouvelle forme de lutte , précise Mohammed Shtayyeh.
Un homme, une voix, dans le cadre d’un seul État, comme en Afrique du Sud. » À condition pour les dirigeants palestiniens d’accepter de se saborder. KARIM LEBHOUR à RAMALLAH correspondant du journal La Croix