Les incursions domiciliaires de l’armée israélienne et les enfants palestiniens.

Christiane Gillmann, membre du Conseil d’administration de CDM, communique cette étude qui est significative des pressions exercées sur les Palestiniens des territoires occupés pour qu’ils quittent leurs terres, en s’attaquant en particulier aux enfants.

Les militaires israéliens arrêtent adultes et enfants palestiniens des deux sexes, parfois sur les nombreux check-points fixes ou volants dont ils ont parsemé la Cisjordanie, mais le plus souvent, que ce soit à Jérusalem-Est comme dans le reste de la Cisjordanie, au moyen d’incursions dans les maisons palestiniennes. Selon les données des Nations Unies, en 2017 et 2018 les soldats israéliens sont entrés par effraction dans les foyers palestiniens, 6.402 fois, soit 267 incursions par mois.

Ces incursions sont menées par dix à quinze soldats lourdement armés, portant casques et masques noirs dissimulant leur visage, accompagnés certaines fois de chiens. Et si la porte à laquelle ils frappent ne s’ouvre pas assez vite, elle est violemment enfoncée. Le vacarme réveille en sursaut non seulement la famille palestinienne victime de l’intrusion, mais aussi tout le quartier. Car cela se passe généralement entre 2 et 3 Heures du matin. Les soldats enferment les habitants de la maison dans une pièce et retournent de fond en comble les autres pièces, brisant les meubles et éventrant les literies. Puis ils partent, accompagnés d’un jeune aux yeux bandés et menotté. Évidemment, les parents n’ont droit à aucune explication, ni sur la raison pour laquelle leur enfant est arrêté, ni sur l’endroit où il est emmené.

Arrestations illégales

Les infractions à la Convention internationale sur les droits de l’enfant (la CIDE) ne font alors que commencer. En effet, toujours menotté et les yeux bandés, l’enfant est transporté dans un véhicule militaire dont les occupants le frappent et l’humilient. Ils le conduisent vers le commissariat de police d’une colonie où, privé de nourriture et d’accès aux toilettes, il sera interrogé des heures durant – ce que la CIDE ne permet qu’en présence d’un parent ou d’un avocat… Et on essaiera alors de lui arracher un aveu, un jet de pierre qu’il n’a pas commis, ou le nom d’un autre jeune qui aurait commis ce “crime”, en le menaçant de révoquer le permis de travail de son père ou l’autorisation dont bénéficie sa tante pour subir un traitement médical en Israël. Les ONG de défense des droits de l’homme palestiniennes et israéliennes évaluent à au moins 800 par an le nombre de mineurs palestiniens se voyant arrêtés lors de semblables raids nocturnes.

L’ONG israélienne Hamoked avait voici quatre ans fait remarquer à l’armée israélienne que ce type d’arrestation est non seulement contraire au droit international, mais viole ses propres règles qui ne le prévoient qu’en dernier recours. L’armée s’était alors engagée à privilégier la convocation des mineurs, mais les arrestations de mineurs lors d’incursions nocturnes au domicile de leurs parents ayant continué de plus belle, Hamoked vient de saisir la Cour Suprême.

La proximité des colonies

De nombreux adolescents de Jérusalem Est continuent d’être arrêtés la nuit, chez leurs parents. Et il en va de même dans d’autres villes de Cisjordanie (donc en zone A où les militaires israéliens ne sont pas censés mettre les pieds), notamment à Ramallah après les manifestations contre la colonisation qui se sont déroulées le 1er janvier, et auparavant pour les étudiants et les étudiantes de l’université de Bir Zeit victimes des mêmes procédés lors de la répression dont ils on été l’objet voici un an et demi. Quant aux villages où ce type d’arrestation sévit à un rythme accéléré, ils sont de plus en plus localisés.

Selon un récent rapport de Military Court Watch (une ONG palestinienne créée en 2013 autour des enfants palestiniens victimes du système de répression judiciaire et carcéral de l’armée israélienne), “(…) il existe un lien géographique fort entre les colonies de Cisjordanie – et le réseau routier qui leur est associé – et le placement en détention par l’armée israélienne d’enfants des communautés palestiniennes voisines. En 2019, les enfants qui ont été arrêtés et placés en détention vivaient en moyenne à moins de 900 mètres d’une colonie israélienne”.

Une coïncidence qui n’est pas du tout fortuite, comme le fait remarquer Moria Shlomot, directrice de Parents Against Child Detenion, une ONG israélienne créée récemment et qui célébrait à Tel-Aviv le 20 novembre, la Journée internationale des droits de l’enfant, en compagnie notamment de Breaking the Silence, par la lecture de témoignages de soldats ayant participé à ces raids nocturnes et d’enfants et de familles palestiniennes qui ont souffert de cette pratique et sont victimes de ses conséquences durables.

Dans une interview accordée à Middle East Eye, Moria Shlomot précise en effet : “En raison de la proximité des colonies avec les villages palestiniens, l’armée impose des pratiques d’intimidation et de propagation de la peur parmi les Palestiniens… D’où le nombre de mineurs vivant dans cette zone géographique qui sont placés en détention.”

Conséquences de ces pratiques de l’armée israélienne

Ainsi l’armée israélienne cherche à terroriser les villageois palestiniens qui ont vu un jour pousser sur leurs terres, et se développer ensuite à un rythme effréné, ces colonies israéliennes au demeurant criminelles – la Cour Pénale Internationale est en train de se pencher sur les crimes de guerre ainsi commis par ceux qui les promeuvent, les financent ou en profitent, mais la procédure de cette haute juridiction est terriblement lente…

Les premières victimes des procédés utilisés dans ce but par les soldats israéliens  sont en tout cas les enfants habitant ces villages palestiniens et à qui sont infligés d’incontestables dommages psychologiques.

C’est le cas pour les enfants des maisons voisines de celle où pénètrent si violemment les soldats en question, au beau milieu de la nuit. Et bien sûr, les enfants de la maison victime de leur intrusion aussi spectaculaire que brutale : les frères et sœurs de l’enfant arrêté que poursuivra toute leur vie l’image de leur frère insulté et malmené par les impressionnants guerriers. Quant à l’enfant arrêté, il subit un double traumatisme : l’humiliation et la souffrance physique infligées sur le moment, puis durant les jours voire les semaines que durera sa détention. Mais il est une blessure qui l’affectera psychiquement parlant, plus sournoisement et plus durablement : le spectacle que lui offre, au moment de son arrestation, l’humiliation de ses parents, réduits à l’impuissance, à l’impossibilité de le secourir…

De même que de tels raids nocturnes ne sont qu’une des formes d’arrestations d’adultes et d’enfants palestiniens, de même ces militaires que certains disent appartenir à « l’armée la plus morale du monde » se manifestent d’autres manières, également criminelles au regard du droit international. Par exemple en démolissant, à Jérusalem-Est et dans maints villages de Cisjordanie, des écoles et des maisons “construites sans permis” – un permis préalable que les autorités d’occupation n’accordent jamais -, ou pour d’autres maisons, à titre de punition collective contre une famille dont un membre a été condamné par un tribunal militaire.

Christiane Gillmann

Sources : Addamir, Hamoked, Military Court Watch, Middle East Eye

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