“Il n’existe pas de solution simple aux problèmes du Proche-Orient. Mais deux conditions sont nécessaires pour que la région s’engage dans une autre voie : la fin des guerres et des oppressions, de l’Irak à la Palestine ; la fin des régimes impopulaires et antidémocratiques. C’est peu dire que l’Occident porte, sur ces deux terrains, une responsabilité. Et ce n’est pas la complaisance dont la France fait preuve à l’égard du régime égyptien ou de celui de la Tunisie (il faut lire les déclarations du porte-parole du Quai d’Orsay sur les manifestations dans ce pays pour mesurer la novlangue qui caractérise parfois notre diplomatie) qui y contribuera.”
L’attentat contre une Eglise copte à Alexandrie le 31 décembre a suscité des condamnations unanimes. Y compris des instances musulmanes, contrairement à ce qu’écrit Vincent Giret dans l’éditorial du 3 janvier de Libération, « Survie » : « Seules quelques voix isolées dans le monde musulman ont osé protester. » D’Al-Azhar au Hezbollah, de l’Arabie saoudite aux Frères musulmans, des sunnites aux chiites, peu de voix ont manqué. Il n’y a, en revanche, pas eu de grandes manifestations, mais pour une raison simple : les manifestations sont de facto interdites en Egypte comme dans la plupart des pays arabes, que ce soit sur les attentats contre les coptes ou sur la Palestine. Sans trop développer (Le Monde diplomatique du mois de février reviendra plus en détails sur les chrétiens d’Orient), je voudrais faire quelques remarques générales sur la signification de cet attentat dans l’évolution de la région :
Les chrétiens d’Orient ne constituent pas une « ethnie » : rien ne les différencie de leurs compatriotes, ni la langue (à quelques exceptions près), ni la culture, ni la plupart des traditions. Ils sont une partie intégrante de l’Orient arabe et ils ont contribué de manière importante aux mouvements de renaissance du XIXe siècle, à la création du nationalisme arabe. L’affaiblissement de ce nationalisme, auquel l’Occident a largement contribué, a favorisé l’émergence d’un discours islamiste, aux tendances multiples, qui a amené chaque minorité à s’organiser sur un mode confessionnel (même s’il faut rappeler que, en Palestine par exemple, nombre de chrétiens ont voté pour le Hamas, y compris à Bethléem et que des non musulmans militent au sein du Hezbollah qu’ils considèrent comme un mouvement de résistance) ;
leur situation diffère grandement selon les pays. Au Liban, ils sont un acteur important de la vie politique et économique ; en Palestine, ils subissent l’occupation qui, jointe à la crise économique et sociale, pousse un grand nombre à émigrer ; en Irak, ils sont victimes de l’effondrement de l’Etat provoqué par la guerre américaine ; en Syrie, ils vivent sous la protection du régime. Le cas de l’Egypte est un peu à part : d’un côté, le régime se présente comme défenseur des chrétiens, de l’autre il cherche à gagner une légitimité musulmane et il manipule à son profit les tensions confessionnelles pour se présenter comme garant de la stabilité. Lire la suite de l’article d’ Alain Gresh sur le site du Monde Diplomatique