L’archéologie prise dans l’étau de la guerre en Israël et Palestine.

Nous faisons écho à deux articles du quotidien La Croix, sur l’enjeu que constituent les recherches archéologiques pour l’avenir, et d’Israël, et de la Palestine. Ils sont parus dans l’édition du 17 juin 2025.

Cisjordanie : comment l’archéologie biblique de Samarie devient une arme politique israélienne.

Julie Connan, envoyée spéciale de la Croix, a été enquêter à Sebastia (Cisjordanie occupée). C’est aujourd’hui un village mais il est sur le site de l’antique cité de Samarie.

“Son patrimoine et son histoire sont riches : sur cette colline de 465 mètres qui domine toute la vallée se dressaient une antique acropole et, selon la tradition, le palais d’Hérode (73 à 4 avant J.-C.).”

L’article cite Laura Vié, archéologue à l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo) à Jérusalem :

C’est un grand site depuis l’âge de bronze et une région biblique. La ville a été refondée au IXe siècle avant notre ère, puis conquise par Alexandre le Grand, refondée par les Romains, en l’honneur de l’empereur Auguste. C’est à cette période que la ville a été florissante : vous aviez un forum, une basilique romaine, dont le plan a donné la basilique chrétienne, des temples, un théâtre… La ville romaine typique, comme on peut en trouver en Gaule, en Italie, partout autour de la Méditerranée.”

Des fouilles continues ont été menées sur le site jusqu’en 1967. A ce moment ont été dégagés un amphithéâtre et des écuries. La guerre des Six Jours amène l’occupation de toute la région par Israël. Lors des accords d’Oslo en 1993, le chantier archéologique reste sous contrôle israélien, avec l ‘argutie de la division de la Cisjordanie en zones :

“Les vestiges sont en zone C (contrôle administratif et sécuritaire israélien), alors que le village et le parking visiteurs sont en zone B (contrôle administratif théorique palestinien).”

En fait il est interdit à la municipalité palestinienne d’accéder aux sites archéologiques. Le maire, Mohammad Azem, précise : “Résultat : les archéologues israéliens viennent en permanence à Sebastia et les archéologues palestiniens et internationaux ne viennent plus.”

Une colonie israélienne a été installée à proximité, “sur des terres agricoles confisquées aux villageois”. L’article de Julie Conan, citant Laura Vié, poursuit  : “L’intérêt est religieux et politique.  Il y a la question des racines, mais aussi la question de ‘légitimer la présence juive’, sur ces lieux, pour dire : ‘Regardez, ce sont nos ancêtres, nous étions là avant, c’est la terre que Dieu nous a donnée, il est donc normal que nous nous installions là’.”

Il s’agit là  d’une politique systématique du gouvernement israélien, qui est mise en œuvre sur d’autres sites archéologiques, comme celui de Shilo.

Sur place, Israël a relancé des fouilles, mais à destination exclusive des colons israéliens. Car les confiscations de terres et la création de routes qui évitent le village palestinien ont conduit à une annexion de fait du périmètre archéologique, désormais inaccessible aux Palestiniens. Ce qui est, dénonce l’ONG israélienne anti-colonisation La Paix maintenant, une violation du droit international.

Lire ici l’article complet (réservé aux abonnés).

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Fadel Al Utol, “l’archéologue sans diplôme”, gardien des mémoires enfouies de Gaza.

L’article de Marianne Meunier (envoyée spéciale à Genève) raconte la belle histoire d’un jeune Palestinien qui a décidé de se mettre à l’école, sur le tas, des archéologues venus mener des fouilles dans la zone de Gaza en 1995. Il devient ainsi comme l’apprenti de Jean-Baptiste Humbert (1), dominicain et archéologue de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem (Ebaf). Fadel Al Utol, tout juste adolescent, se découvre alors une vocation. Les chantiers de fouilles lui font découvrir l’épaisseur de l’histoire qui s’est écrite à Gaza, et les civilisations qui s’y sont succédé, Égypte pharaonique, Grèce, Byzance, empire ottoman. Il en est conforté dans son attachement à sa terre et se donne comme projet de faire rayonner autour de lui cette richesse. Il entend ainsi contribuer à défendre l’identité palestinienne.

Il est “sans diplôme”, certes, mais l’Ebaf apprécie la persévérance et la perspicacité de ce collaborateur. Il est ainsi admis à suivre en France des stages avec le Musée du Louvre, l’Institut national du patrimoine (INP). En trente ans, il devient le meilleur connaisseur des sites anciens du petit territoire palestinien. L’ONG française Première Urgence internationale l’emploie depuis 2017, avec une quarantaine d’autres Palestiniens de Gaza, dans le cadre du programme Intiqal coordonné par René Elter. Ce qui lui permet de vivre de son travail archéologique, “le dispensant des multiples emplois complémentaires qu’il exerçait jusqu’alors.”

Malgré son attachement à Gaza, il  décide de fuir la guerre qui se déchaîne en 2023, pour sauvegarder la vie de ses enfants. Réfugié, il trouve asile en Suisse, et non pas en France, comme on aurait pu le penser. “En attendant un retour sur sa terre, il espère travailler sur les antiquités palestiniennes qui, ne pouvant rentrer dans l’enclave depuis une exposition en 2007, sont stockées au port franc de Genève.”

Lire ici l’article complet (réservé aux abonnés).

Rappelons l’exposition  Trésors sauvés de Gaza – 5000 ans d’histoire, produit d’une collaboration entre L’Œuvre d’Orient et l’Institut du monde arabe, qui se tient

du 3 avril au 2 novembre 2025

à l’Institut du monde arabe,
1, rue des Fossés-Saint-Bernard
Place Mohammed-V, 75005 Paris

(1) On trouvera plus de détails sur Jean-Baptiste Humbert et les fouilles de l’Ebaf à Gaza dans le livre du professeur Christophe Oberlin, “Chrétiens de Gaza”, éditions Erick Bonnier, 2017, collection Encre d’Orient, recensé sur ce site.

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Cela ne doit pas détourner l’attention des massacres qui se poursuivent à Gaza où, comme l’analyse La Croix,  “l’aide humanitaire s’est transformée en un piège mortel” : https://www.la-croix.com/international/gaza-la-population-en-quete-d-aide-meurt-toujours-sous-les-tirs-de-larmee-israelienne-20250618

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