La demande de mandats d’arrêt émise par le Procureur auprès de la CPI. Un communiqué de la plateforme des ONG françaises pour la Palestine.

Nous présentons dans une actualité qui est dominée par la guerre et la destruction une perspective plus large qui soulève une tempête de controverses. C’est la requête de mandats d’arrêt déposée par le Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) à l’encontre des dirigeants palestiniens de Gaza, membres du Hamas et du Djihad islamique, et des dirigeants israéliens, le Premier ministre et le ministre de la Défense.

  • D’abord un communiqué à ce propos de la plateforme des ONG françaises pour la Palestine, à laquelle appartient CDM.
  • Puis une analyse de la conjoncture qui résulte de cette requête

La demande de mandats d’arrêts par le procureur de la CPI est une étape majeure dans la lutte contre l’impunité

21 mai 2024

La Plateforme des ONG françaises pour la Palestine salue la requête du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) de délivrer des mandats d’arrêt pour des crimes graves commis en Palestine et en Israël depuis le 7 octobre. Elle appelle la France à s’assurer que les auteurs de crimes soient confrontés à la justice.

La Plateforme des ONG françaises pour la Palestine salue la requête du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) de délivrer des mandats d’arrêt à l’encontre du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, du ministre de la défense israélien Yoav Gallant, et de trois responsables du Hamas, pour des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en Palestine et en Israël depuis le 7 octobre 2023. Les juges de la CPI doivent désormais décider s’il convient de délivrer ces cinq mandats d’arrêt.

La Plateforme des ONG françaises pour la Palestine salue la déclaration du ministère français des Affaires étrangères, selon laquelle la France “soutient la Cour pénale internationale, son indépendance, et la lutte contre l’impunité dans toutes les situations” [1]. Elle appelle la France à soutenir explicitement ces demandes de mandats d’arrêt (comme cela a été le cas pour le mandat à l’encontre de Vladimir Poutine), à coopérer avec la CPI afin de s’assurer que les auteurs de crimes soient confrontés à la justice et à soutenir la Cour contre les pressions qui ont lieu et risquent de se poursuivre à son encontre. Si des mandats d’arrêt sont délivrés à l’encontre de ces cinq responsables, la France devra prendre les mesures nécessaires pour procéder à leurs arrestations s’ils se rendent sur le territoire français.

“La décision de Karim Khan est historique, et montre une volonté d’appliquer le droit international de façon impartiale. Il s’agit d’une étape majeure dans la lutte contre l’impunité dont jouissent les autorités israéliennes, a déclaré François Leroux, président de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine. Cette décision est le résultat d’un travail de longue haleine des organisations de la société civile pour documenter les violations des droits humains et du droit international en Palestine.”

Contact presse :

  • Pierre Motin, responsable plaidoyer, Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, 07 66 15 39 26 p.motin@plateforme-palestine.org

Note :

-o-

L’émission de mandats d’arrêt contre les protagonistes de la guerre à Gaza demandée par le Procureur de la CPI

  • Il faut d’abord situer cette procédure par rapport à celle qui a été introduite par l’Afrique du Sud devant le Cour Internationale de Justice (CIJ). Celle-ci a été instituée par l’Organisation des Nations Unies en 1945 pour régler les différends entre les Etats membres. Elle peut rendre des avis consultatifs ou être saisie par des Etats membres à l’encontre d’un autre Etat.

On peut lire sur le site de l’Agence Media Palestine l’état actuel de la procédure opposant l’Afrique du Sud à Israël en suspicion de crimes de guerre et contre l’humanité : https://agencemediapalestine.fr/blog/2024/05/21/afrique-du-sud-israel-compte-rendu-des-audiences/. On y trouvera en particulier les plaidoieries des avocats de l’Afrique du Sud et d’Israël proconcées lors des audiences des 16 et 17 mai 2024.

  • Bien que la CPI ne soit pas un organe des Nations Unies, elle a conclu un accord de coopération avec l’ONU. Créée en 2002 et basée à La Haye, la CPI est “une juridiction pénale qui peut poursuivre des individus pour crimes de guerre ou crimes contre l’humanité”. Elle a la charge d’établir des responsabilités pénales individuelles et non pas celles des Etats. Les deux procédures ne font donc pas double emploi. Voici le lien vers la déclaration du Procureur de la CPI concernant les poursuites de dirigreants palestiniens et israéliens et l’explicitation des compétences respectives de la CIJ et de la CPI : https://news.un.org/fr/story/2024/05/1145696

On rappelle qu’il s’agit d’une requête de l’accusation à la Cour Pénale Internationale, que celle-ci n’est pas tenue de suivre. Puisque les juges qui la composent sont de différentes nationalités, il n’est pas exclu qu’ils agissent en fonction de politiques nationales, au-delà des qualifications juridiques des actes incriminés. La requête pourrait ainsi ne pas avoir de suite. On sait aussi que seuls les Etats qui ont ratifié le traité portant création de la CPI peuvent exécuter les demandes d’arrestation, si ces personnes entrent sur leur territoire. Or ni Israël ni les Etats-Unis n’ont ratifié ce traité.

  • Des remarques intéressantes sont pourtant à faire à partir de cette initiative. La première est qu’il s’agit d’une reconnaissance de fait d’un Etat palestinien  indépendant et souverain dans son implantation à Gaza, à travers la mise en cause de ses principaux dirigeants, sur place et en exil. Mais, à l’opposé, cela rabaisse encore le statut de ce que l’on appelle l’Autorité palestinienne, siégeant à Ramallah en Cisjordanie, entiètrment dépendante de l’occupation israélienne. A son propos, le gouvernement israélien s’exprime de manière constante pour lui dénier toute possibilité de devenir même l’embryon d’un Etat palestinien. Voir la déclaration de Benjamin Netanyahu le 18 janvier 2024, rapportée sur le site du Huffington Post : Netanyahu s’oppose à la création d’un État palestinien à la fin des combats. Les divisions qui minent le mouvement palestinien de l’intérieur ne peuvent qu’en être exacerbées.

D’un point de vue historique plus large, l’étude faite sur le site de l’Union Juive Française pour la Paix (Ujfp) sur le slogan “Palestine libre de la mer au Jourdain” est éclairante. Loin d’être une revendication d’abord du Hamas, le slogan a été le projet d’un Etat d’Israël éliminant toute présence arabe sur la Terre sainte “de la mer au Jourdain” : “Palestine libre, de la mer au Jourdain”, l’histoire d’un slogan.

  • Une seconde est la sévérité des accusations qui sont portées, en premier lieu, contre les dirigeants palestiniens de Gaza. Etant les premiers mis en cause, on conçoit qu’ils rejettent radicalement les accusations qui sont portées contre eux. Pourtant la précision des témoignages recueilli par le Procureur de la CPI ne peut que les décrédibiliser et fragiliser leur position, y compris par rapport à leurs soutiens institutionnels.

Comment entre autres la Turquie et le Qatar qui ont pris fait et cause en leur faveur réagiront-ils à des accusations aussi circonstanciées ? Sans oublier leur vulnérabilité face à des assassinats “ciblés” dont les responsables palestiniens résidant à Gaza sont menacés chaque jour par l’armée israélienne, mais aussi partout dans le monde par les services spéciaux de divers Etats, dont Israël et ses correspondants. C’est comme une indication, pour eux, que leurs jours sont comptés. Et cela peut les conduire éventuellement à adopter des attitudes suicidaires.

  • Enfin il faut remarquer la condamnation abrupte par les Etats-Unis de la démarche du Procureur. Voir par exemple l’article du quotidien en ligne The Guardian du 21 mai 2024 : Biden attacks request by ICC prosecutor for Netanyahu arrest warrant. Cela témoigne d’une gêne de l’administration Biden ainsi obligée de réaffirmer un soutien indéfectible à l’égard de la politique d’Israël à Gaza et dans les Territoires occupés, au moment même où elle tente de prendre ses distances par rapport au gouvernement israélien actuel.

Cela la met en porte-à-faux par rapport à une opinion démocrate dont une partie soutient les protestations aux Etats-Unis contre les massacres à Gaza et en Cisjordanie. Voir également dans The Guardian du 20 mai 2024 : Biden wants progressives to believe he’s reining in Israel. He isn’t. Au point que Joe Biden se voit accusé de tenir un double langage, son discours contredisant sa poursuite des livraisons d’armement à Israël sans aucune restriction, sinon passagère, et la vision à laquelle il se cramponne de deux Etats vivant en paix apparaissant de plus en plus loin de la réalité du terrain.

  • Et cependant jamais le poids de l’administration américaine n’a été aussi déterminant au Moyen-Orient, dans la mesure où aucun autre acteur n’a autant d’influence économique et de moyens militaires dans la région. Les réactions de la Russie, de la Turquie, même de la Chine ont bien peu de portée réelle, pour ne rien dire de l’Iran secoué par la mort de son chef d’Etat, ni de l’inexistence de l’Union Européenne. Et la récente réunion de la ligue arabe à Manama, au Bahreïn, le 16 mai 2024,  débouche aussi, en l’absence de moyens, sur un aveu d’impuissance. Voir l’article du quotidien Le Monde en ligne le 17 mai, Les pays arabes appellent à déployer des forces de paix sous mandat de l’ONU dans les territoires palestiniens occupés.

JBJ

Retour à l’accueil