La colonisation israélienne de Jérusalem-Est : des sociétés françaises impliquées dans la construction du tramway

En juin 2018, un rapport publié par un certain nombre d’associations et de syndicats en France ainsi qu’une ONG palestinienne « Al Haq » dénonçait la participation de sociétés françaises dans la construction du tramway. Sociétés françaises qui se sont rendues complices de la colonisation à Jérusalem-Est et des violations des droits de l’homme et du droit international.

Ce rapport met en lumière la responsabilité de trois entreprises françaises et de l’État français :

  • la société EGIS RAIL, branche du groupe GIS, filiale à 75% de la Caisse des dépôts et consignations
  • la société SYSTRA, filiale conjointe de la SNCF et de la RATP qui détiennent chacune 42% des parts de son capital
  • ALSTOM, déjà acteur de la première phase de construction en 2007 et partie prenante de la seconde phase d’appel d’offres.

La réalisation d’un tel réseau de tramway construit depuis des années, doit relier Jérusalem-ouest et les colonies illégales implantées à Jérusalem-Est en dépit de tout respect du droit international.

Cette violation du droit international (voir les conventions de Genève et la dernière résolution du conseil de sécurité de l’ONU N° 2334 du 23 décembre 2016) engage également le gouvernement français car il est actionnaire dans deux des trois entreprises citées. Il est donc responsable de ces violations à trois niveaux :

  • dans l’obligation de droit international qui précise « protéger, respecter, réaliser les droits de l’homme, ne pas reconnaître comme licite une situation créée par une violation grave du droit international ni prêter aide ou assistance au maintien de cette situation, coopérer pour y mettre fin »
  • dans l’obligation de protéger contre les violations des droits de l’homme par des tiers, (ici les entreprises citées).
  • et enfin dans l’existence d’un lien particulier entre l’État et les entreprises concernées, en tant que tuteur des établissements public tels que la SNCF, la RATP et la Caisse des dépôts et consignations qui sont maisons-mères des entreprises SYSTRA et EGIS. L’avis du groupe de travail des Nations Unies en Juin 2014 est formel quant à l’obligation de l’État de prendre des mesures additionnelles pour protéger contre les atteintes aux droits humains fondamentaux par les entreprises possédées ou contrôlées par l’État (voir l’avis du MAE : http://www.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/conseils-par-pays/israel-territoires-palestiniens/)

En juin 1967, le gouvernement Israélien déclarait, en violation du droit international, Jérusalem « réunifiée » comme sa capitale « éternelle et indivisible ». Or cette annexion n’a jamais été reconnue par la communauté internationale et elle a été déclarée non valide par l’ONU (cf. Charte des Nations-unies et résolutions 242 du Conseil de sécurité de l’ONU).

Il extrêmement utile, pour la compréhension de ce qui fait ou non la violation du droit international et des droits de l’homme, de rappeler les principales résolutions du conseil de sécurité de l’ONU sur la question de Jérusalem, auxquelles le lecteur voudra bien se référer :

  • résolution 252 du 21 mai 1968
  • résolution de267 du 03 juillet 1969
  • résolution 298 du 25 septembre 1971
  • résolution 446 du 22 mars 1979
  • résolution 476 du 30 juin 1980
  • résolution 478 du 20 août 1980
  • résolution 2334 du 23 décembre 2016

Nous avons connaissance que la première partie de la construction du tramway a été mise en place en 2011 et relie une colonie – Pisgat Ze’ev au nord – au centre-ville de Jérusalem-Ouest. Cette ligne traverse un quartier palestinien – Shu’afat – puis dessert trois colonies tout en longeant un quartier palestinien – Sheikh Jarrah – puis pénètre jusqu’à la porte de Damas et continue sur 13,8km de long dont 5, 8 km construits illégalement sur des terres palestiniennes. Cette première ligne comporte 24 stations dont 3 seulement en territoire palestinien.

La deuxième partie de construction doit intégrer une extension de la première ligne puis deux autres lignes supplémentaires et plus tard encore deux autres lignes sont prévues qui relieront toutes les colonies entre elles avec Jérusalem-Ouest tout en étant construites sur le territoire palestinien annexé et occupé illégalement.

Des procédures judiciaires ont été menées à l’encontre de Alstom, de Véolia et de l’État français entre 2007 et 2015 par l’AFPS (Association France-Palestine Solidarité) et l’OLP. Malgré de nombreuses étapes dans la procédure judiciaire, le tribunal n’a pas reconnu d’obligations directes à la charge des entreprises privées quant au respect des Conventions de Genève et des Conventions de la Haye… Cependant aux termes de ces procès et actions de la société civile, à l’époque, Transvev, fliale de Véolia, a cédé toutes ses participations à des investisseurs israéliens.

Depuis, et à la suite d’une mobilisation qui n’a jamais cessé, la filiale commune de la SNCF et de la RATP – SYSTRA – s’est retirée en juin 2018.

Quant à ALSTOM, déjà acteur majeur dans la première phase de construction et présent dans la deuxième phase, son retrait a été annoncé en mai 2019 par deux sociétés israéliennes partenaires. L’argument d’Alstom étant que « l’appel d’offres et le projet lui-même sont ostensiblement nuisibles, ou pourraient potentiellement nuire aux droits de l’Homme. Et que la participation à cette offre serait contraire au droit français.

Il reste encore une entreprise impliquée dans cette seconde phase et la responsabilité de l’État français est engagée puisque la caisse des dépôts et consignations est l’actionnaire majoritaire.

C’est pourquoi il nous faut continuer de dénoncer toutes les atteintes aux droits de l’Homme, toutes les violations constantes au droit international dans cette région du monde.

Nous ne pouvons pas nous contenter de dresser un constat accablant, il nous faut également protester et œuvrer à faire appliquer et respecter les principes et obligations internationales, et soutenir comme le demande le rapport sur le tramway, le processus aux Nations-Unies pour l’élaboration d’un traité international sur les droits humains et les entreprises transnationales et autres entreprises.

Marilyn Pacouret

 

Notes de la rédaction :

Le rapport « Tramway de Jérusalem : des entreprises françaises contribuent à la colonisation israélienne du territoire palestinien occupé », signé par l’Association France Palestine Solidarité, CFDT, CGT, FIDH, Al Haq, LDH, Solidaires, Plateforme des ONG pour la Palestine a été publié sur le site de la Plateforme des ONG pour la Palestine dont Chrétiens de la Méditerranée est membre observateur.

À l’occasion de notre Université d’Hiver sur Jérusalem (décembre 2018), nous avions publié un article « Le tramway de Jérusalem, symbole d’union et/ou de colonisation ? ». Le texte est disponible ICI.

 

Illustration : Tramway de Jérusalem, rue de Jaffa, Wikipédia