L’attentat du nouvel an à Alexandrie n’est pas le premier qui atteint des Coptes. Et le gouvernement semble bien atone…Comme une traînée de poudre, leur colère s’est répandue d’Alexandrie au Caire. « Cet attentat est de la faute du gouvernement. Au lieu de nous protéger, il nous a abandonnés », lance Liliane, les yeux rouges, marqués par le chagrin. À ses côtés, un millier d’autres chrétiens manifestent le dimanche 2 janvier dans la capitale égyptienne, devant le ministère des Affaires étrangères. Face à un mur de jeunes soldats, retranchés derrière leurs boucliers, la foule, vêtue de noir, s’en prend aux autorités, à qui elle reproche de ne pas avoir pris suffisamment au sérieux les menaces qui visent la communauté copte.
Certes, il n’y a pas eu de revendication officielle au lendemain de l’attentat perpétré dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier devant une église d’Alexandrie, alors que les fidèles sortaient de la messe, qui a fait 21 morts et 79 blessés. Mais les menaces proférées contre leur communauté par un groupe irakien lié à al-Qaida il y a deux mois accusent, du point de vue des Coptes, la nébuleuse terroriste.
Le président égyptien, Hosni Moubarak, qui avait ordonné le renforcement des mesures de sécurité aux abords des églises voici deux mois, a cru bien faire en soulignant que l’attentat était vraisemblablement commandité depuis l’étranger et qu’il n’avait pas visé les chrétiens mais cherchait plutôt à « déstabiliser le pays » dans son ensemble.
Ses paroles ont accentué encore plus la fureur des chrétiens qui dénoncent « l’hypocrisie » du régime. « Six Coptes ont été assassinés lors de la messe de Noël l’an dernier, mais les criminels sont encore dans la nature ! Comment voulez-vous qu’on fasse confiance à notre gouvernement ? En n’arrêtant pas les coupables, cela pousse d’autres à faire de même », s’énerve Michel Ezzat, un chrétien du Caire.
Le 2 janvier, la situation entre les deux communautés a failli dégénérer. Des Coptes ont tenté d’encercler Ahmed al-Tayeb, le cheikh dirigeant al-Azhar, l’un des principaux responsables religieux du pays, alors qu’il sortait de la cathédrale Saint-Marc, au Caire, où il était venu présenter ses condoléances au pape des Coptes orthodoxes, Chenouda III. Fort heureusement, d’autres ont gardé la tête froide. Dans le quartier de Shoubra, connu pour sa mixité entre les communautés, des manifestations ont été organisées le 3 janvier mais, cette fois-ci, Coptes et musulmans se sont ligués contre « les forces de sécurité » et le « terrorisme ». Parmi eux, Mohammed, un boulanger, venu apporter son soutien aux chrétiens. « Je comprends leur colère. Hier, j’ai vu que la police tentait de dissuader les gens de manifester en les frappant, c’est une mauvaise attitude. Notre gouvernement doit arrêter d’utiliser la violence. »
Déplorant le sentiment d’impunité des crimes qui les visent, les Coptes, qui représentent 10 % de la population, soit près de 10 millions de personnes, se sentent de plus en plus isolés dans un pays où l’islamisme gagne du terrain à travers les médias et à travers l’école notamment. « L’unité nationale » entre Coptes et musulmans, célébrée traditionnellement par les autorités égyptiennes, est de moins en moins crédible face à la multiplication des affrontements interconfessionnels (voir encadré page de droite). Le résultat est le renforcement des postures identitaires. Désormais, pour les chrétiens, toute occasion pour se différencier est bonne à prendre. Dès leur plus jeune âge, ils se font systématiquement tatouer une petite croix à l’intérieur du poignet. Et, depuis l’attentat, dans certaines églises, seules les personnes portant ce signe peuvent entrer. Lire la suite de l’interview de Marion Touboul avec Jean Mercier