La Cimade, témoignage d’un bénévole d’Aulnay-sous-Bois

Le Comité Inter-mouvement Auprès des Évacués (Cimade) a été créé par des protestants en 1939 pour venir en aide aux personnes évacuées d’Alsace-Lorraine au début de la 2ème guerre mondiale.

Au fil du temps, elle est venue en aide aux exilés antinazis, aux Espagnols fuyant le franquisme, aux juifs français et étrangers, à ceux qui fuyaient les régimes communistes d’Europe de l’Est, aux Hongrois notamment, aux rapatriés d’Indochine, aux boat people, aux travailleurs algériens, aux harkis, aux Chiliens et Argentins fuyant la dictature, aux Tamouls, etc.

Aujourd’hui, le projet de la Cimade peut se résumer d’une part à la recherche de droits pour les étrangers sans droits, pour les migrants, mais aussi, d’autre part, à la lutte pour et l’aide à la reconnaissance de ces droits tant individuels que collectifs.

La Cimade, dans un de ses documents, résume comme suit les lignes de force de son action :

  • « être avec », être à côté des « mis à l’écart », autrement dit « agir en solidarité avec »
  • défendre la dignité et les droits des étrangers
  • résister contre les pratiques et les lois conduisant à l’exclusion, à l’humiliation et au déni des droits fondamentaux
  • témoigner, interpeller, proposer, rechercher un langage de sens pour s’adresser aux pouvoirs publics, aux églises, à l’opinion publique.

Revenons un instant sur le pourquoi de l’action de la Cimade. Au commencement, ce qui motivait l’engagement de ses membres ce n’était pas la référence aux « Droits de l’Homme », ni à la 4ème Convention de Genève sur les réfugiés, car ceux-ci n’étaient pas encore formalisés. C’était, de la part de chrétiens essentiellement protestants qui composaient les équipiers de la Cimade, la prise au sérieux du message de l’Évangile.

Avec le temps, la Cimade n’a pas voulu devenir un service diaconal des Églises et a choisi de rester indépendante, dans le respect de la conviction de chacun de ses membres, dont la diversité s’est accrue. On y trouve des protestants mais aussi des catholiques, des musulmans ou des agnostiques.

Ceci étant, le maître-mot de la Cimade, « l’humanité passe par l’Autre », est parfaitement conforme à ce que je crois en tant que chrétien, à savoir que la construction du Royaume se fait en travaillant à plus d’humanité.

Des droits pour les sans-droits

Venons-en à l’action de la Cimade à Aulnay-sous-Bois.

Nous recevons des migrants qui viennent en Europe et en France pour échapper au sort qui les attend dans leurs pays d’origine. Sans parler ici des demandeurs d’asile, la misère, l’absence de perspective d’avenir et aussi l’attraction des lumières de la ville européenne sont les principales causes de ces départs. Ils partent pour de longues années : 5 ans, 10 ans, voire plus. J’en ai connu qui étaient en France depuis plus de 20 ans, sans avoir eu la possibilité de revoir famille, enfants, amis et pays.

D’où viennent-ils ? De 75 pays, à 80% d’Afrique, à 25% d’Afrique du Nord.

Certains d’entre eux, arrivés avec un visa de tourisme ou un passeport d’emprunt, sont venus en avion mais cela ne doit pas faire oublier ceux qui ont traversé la Méditerranée sur des bateaux de fortune, ni ceux qui sont venus à pied depuis la Turquie ou la Russie. Certains n’ont mis que quelques jours ou quelques semaines à faire le voyage quand d’autres ont mis plusieurs années.

Tous ont mis leurs économies et celles de leurs familles dans ce voyage et, surtout, ont manifesté un courage et une détermination qu’il faut respecter.

Les différentes permanences qui se tiennent dans les locaux d’Aulnay, les mardi, mercredi et samedi ont reçu environ 3000 personnes en 2018. Ce chiffre serait plus élevé si nous avions plus de permanences…

Leur principal problème est d’obtenir des papiers, c’est à dire une autorisation de séjourner en France et d’y travailler. En effet, en dehors, dans certains cas, des demandeurs d’asile, les migrants ne touchent aucune aide sociale. Ils sont venus pour travailler, mais ils ne le peuvent que très difficilement, et trop souvent « au noir ».

De ce fait, leur précarité est grande. Ils vont de squats en abris temporaires et vivent parfois dehors dans la rue.

Les lois régissant les droits des étrangers sont inscrites dans le Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile, le CESEDA. Ce code est régulièrement modifié, ce qui ne veut pas dire simplifié.

Notre travail essentiellement administratif et juridique consiste à les aider à obtenir ces fameux « papiers », car, dans un certain nombre de cas, à la lumière du CESEDA et de ses annexes, ils ont droit à des titres de séjour. Mais, lorsque nous ne pouvons rien faire sur le plan jurico-administratif, nous avons aussi un travail d’écoute, de manifestation d’empathie.

Malheureusement, quelle que soit la couleur des gouvernements, tout est fait pour diminuer, en théorie et en pratique, leurs possibilités de « régularisation ». Les délais administratifs de traitement des dossiers sont de plus en plus longs. Est-ce un manque de personnel ou la volonté de faire baisser les statistiques ? À vous d’en juger !

La Cimade et d’autres associations dénoncent cet état de fait qui maintient dans des conditions de marginalité indignes des dizaines voire des centaines de milliers de personnes.

Nous sommes une vingtaine de bénévoles à assurer des permanences à Aulnay.

Personnellement, cela m’apporte beaucoup et, même si je rentre souvent désespéré de mon impuissance pour les aider à résoudre leurs problèmes, j’y retourne toujours avec plaisir, voire enthousiasme. La rencontre avec toutes ces femmes et ces hommes – j’en ai reçu plusieurs centaines l’année dernière – est souvent pour moi source d’émerveillement. Par leur volonté de vivre, de se battre, de réussir, ils sont de beaux témoignages de la grandeur de l’homme créé à l’image de Dieu.

Rédigé le 6 janvier 2019

Bernard Flichy, bénévole Cimade, Aulnay-sous-Bois