Israël-Palestine, déclaration du Conseil Œcuménique des Églises et droit au retour des exilés palestiniens.

Le Conseil Œcuménique des Églises nous alerte sur certains événements survenus dans les derniers mois en Israël-Palestine, “signe d’une aggravation de la situation” qui “fait obstacle à l’instauration d’une paix juste entre les peuples de Terre Sainte”. Datée du 17 novembre 2021, cette déclaration reste d’une actualité brûlante, au vu de l’évolution la plus récente de la situation, comme le soulignent les Amis de Sabeel-France, qui nous transmettent ce document. Voir sur ce site l’article de Me Maurice Buttin “Le bla-bla-bla des dirigeants occidentaux face aux expulsions de Palestiniens.

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Quand Jésus fut près de la ville et qu’il la vit, il pleura sur elle, en disant :
“Si seulement tu comprenais toi aussi, en ce jour, comment trouver la paix !
Mais maintenant, cela est resté caché à tes yeux !” (Luc 19, 41-42)

En réaction à une série d’événements récents en Palestine et en Israël, des responsables d’Églises et des partenaires de la région ont fait part de leurs préoccupations concernant les colonies et les activités des colons soutenues par les autorités à l’intérieur de la vieille ville et sur les lieux saints, les changements dans le statu quo, les menaces pour l’identité pluri-confessionnelle de Jérusalem, le déplacement de Palestiniens de leurs maisons et les limitations des activités culturelles des communautés palestiniennes.

Ces événements sont le signe d’une aggravation de la situation dans la région et le symbole de toutes les manières dont l’occupation militaire actuelle des territoires palestiniens fait obstacle à l’instauration d’une paix juste entre les peuples de Terre Sainte. Ajoutons à cela la pandémie de COVID-19 et les réactions qui ont entraîné de nouvelles limitations du champ d’action de la société civile dans la région.

Des organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme accusées de “terrorisme”

Tout comme certaines organisations internationales de la société civile, la société civile palestinienne est depuis longtemps la cible de mesures qui réduisent sa marge de manœuvre. Tout récemment, le ministre israélien de la Défense a désigné six organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme et de la société civile – y compris des organisations œuvrant pour les droits des enfants et des femmes – comme organisations terroristes, alors qu’aucune preuve n’a été apportée pour justifier cette décision. La plupart des organisations israéliennes de défense des droits humains ont condamné cette mesure.

Cette accusation sans fondement est une attaque contre le mouvement palestinien des droits de l’homme et les droits de l’homme partout dans le monde. Faire taire ces voix est incompatible avec les principes de la démocratie, des droits de l’homme et du droit humanitaire international. La législation antiterroriste ne doit pas être utilisée pour porter atteinte aux libertés civiles ou limiter les activités légitimes des organisations de défense des droits humains.

Colonies juives en Cisjordanie occupée et déplacement forcé de Palestiniens à Jérusalem

Autre fait inquiétant, les autorités israéliennes ont des projets de construction de plus de 3.100 nouveaux logements dans les colonies juives de Cisjordanie occupée. Un comité de planification a donné son approbation finale pour 1 800 logements et son approbation préliminaire pour 1 344 autres. Cette expansion est contraire au droit international et à la quatrième Convention de Genève et sape davantage les espoirs de mettre fin à l’occupation et d’offrir un avenir juste et pacifique aux deux peuples.

En outre, environ 300 résidents palestiniens de 28 familles sont toujours menacés d’expulsion et de déplacement forcé de leurs maisons dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est où ils vivaient depuis 1956 en vertu d’un accord entre l’Office de Secours et de Travaux des Nations unies (UNRWA) et le Royaume hachémite de Jordanie.

Attaques contre la récolte des olives

La saison de la récolte des olives est toujours difficile pour de nombreuses familles palestiniennes car elles sont souvent victimes de harcèlement et de vandalisme de la part des colons israéliens. À ce jour, alors que la récolte des olives est toujours en cours, 28 incidents ont été recensés au cours de cette saison de récolte. Au total, 1415 arbres ont été endommagés ou détruits et des centaines de kilos d’olives ont été volés. Lors d’un incident violent notoire, des colons israéliens ont attaqué des membres de la communauté palestinienne d’Awarta et des volontaires de Rabbins pour les Droits Humains avec des bombes au poivre.

Interdiction d’évènements religieux

Une mesure supplémentaire contribuant au rétrécissement de l’espace de la société civile a été la décision du ministre israélien de la sécurité publique d’interdire un événement culturel religieux à Jérusalem-Est. Cet événement avait pour but d’améliorer le bien-être psychosocial des enfants palestiniens et de renforcer leurs capacités d’adaptation. Le ministre a cherché à justifier cette action par le fait que l’Autorité Palestinienne finance ces événements, ce que les organisateurs nient, et aucune preuve n’a été fournie pour étayer cette affirmation.

Le Programme œcuménique d’accompagnement en Palestine et en Israël (EAPPI) et COVID-19

En l’absence de visiteurs internationaux, de pèlerins et d’accompagnateurs œcuméniques, les attaques de colons en Cisjordanie ont considérablement augmenté. Selon les partenaires de l’ONU, EAPPI (Programme œcuménique d’accompagnement en Palestine et en Israël) a été la seule présence protectrice internationale constante en Cisjordanie. Jusqu’à la pandémie de COVID-19, EAPPI avait le plus grand nombre d’observateurs sur le terrain parmi toutes les organisations internationales travaillant en Palestine et en Israël. Israël ayant récemment rouvert ses frontières, le retour des accompagnateurs œcuméniques internationaux est prévu.

Nous prions également et encourageons l’augmentation du nombre de pèlerins et de visiteurs en Terre Sainte, pour qu’ils servent de témoins chrétiens et pour améliorer l’économie palestinienne afin d’aider le peuple à rester déterminé et à se relever après deux années de crise économique.

Prier et agir pour une paix juste en Terre Sainte

Le comité exécutif du Conseil œcuménique des Églises, réuni à Bossey, en Suisse, du 12 au 17 novembre 2021, en appelle à nouveau à la conscience du monde face à l’occupation militaire ininterrompue des territoires palestiniens et sur la marginalisation et la contestation permanentes des aspirations légitimes des Palestiniens à une dignité humaine et aux mêmes droits pour tous. Une paix juste et durable en Terre Sainte ne peut être construite par la violence et l’injustice. Nous appelons à nouveau tous les chrétiens et toutes les personnes de bonne volonté à prier et à agir pour entretenir l’espoir de la paix, de la justice, de la dignité et des droits pour les Palestiniens comme pour les Israéliens, et d’une solution pacifique à la situation dans la région conformément au droit international.

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La reconnaissance d’un “droit au retour” des exilés palestiniens chassés de leurs habitations et de leurs propriétés en 1948 et au fil des années est une des conditions de l’établissement d’une paix juste en Israël-Palestine. L’État d’Israël n’a jamais voulu même l’étudier.

Pourtant, en 2005, un rapporteur spécial des Nations unies, Paulo Sérgio Pinheiro, définissait des “principes” sur la restitution des logements des personnes expulsées ou déplacées. Précis et détaillés, ils méritent d’être relus à la lumière de la passivité persistante de la communauté internationale sur les droits des Palestiniens. La revue en ligne Orient XXI les rappelle dans une étude signée de l’historien israélien Ilan Pappe, de l’anthropologue palestinien Uri Davis et de Tamar Yaron, Canadienne juive établie dans un kibboutz en Israël.

Voir la totalité de l’article intitulé “Le droit au retour, clef pour la paix en Palestine”:
https://orientxxi.info/magazine/le-droit-au-retour-clef-pour-la-paix-en-palestine,4032

Nous en citons ici un extrait envisageant la réponse efficace à deux arguments majeurs de la propagande israélienne contre le droit au retour.

“Le premier de ces arguments affirme que les Palestiniens n’ont pas été expulsés en 1948, mais qu’ils ont fui, ou, plus cyniquement selon le discours dominant israélien, qu’ils ont ‘quitté volontairement’ leurs domiciles et donc qu’Israël n’est pas dans l’obligation de permettre leur retour. Toutefois, les principes [de Pinheiro] ne font pas de distinction entre les réfugiés qui sont partis, ceux qui ont fui une situation de violence ou ceux qui ont été expulsés de force de leur foyer. Ils sont clairs sur ce point :

Les États peuvent présumer que les personnes qui ont fui leur foyer pendant une période marquée par des violences ou une catastrophe l’ont fait pour des raisons en rapport avec ces violences ou cette catastrophe et ont donc droit à la restitution de leur logement, de leur terre et de leur propriété.

Le deuxième argument avancé par Israël (principalement par les sionistes libéraux) est que l’on ne peut résoudre un mal en en créant un nouveau, c’est-à-dire en expulsant les personnes qui habitent désormais les maisons des réfugiés. Le document Pinheiro aborde la question de l’expulsion :

Les États devraient veiller à ce que les occupants secondaires soient protégés contre l’expulsion arbitraire ou l’expulsion forcée illégale. Les États veillent à ce que, lorsque l’expulsion de ces occupants est considérée comme justifiable et inévitable aux fins de la restitution des logements, des terres et des biens, il y soit procédé de manière conforme aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, afin que les occupants secondaires bénéficient des garanties d’une procédure équitable, y compris la possibilité d’être dûment consultés, d’un préavis suffisant et raisonnable et d’un recours juridique, y compris la possibilité d’obtenir réparation.

(…)

L’Assemblée générale des Nations unies devrait adopter une résolution appelant Israël à respecter, protéger et promouvoir les droits des réfugiés palestiniens à retourner dans leurs foyers et leurs propriétés, comme le stipule la résolution 194 des Nations unies et conformément aux principes de Pinheiro.”

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