Intégrismes et confusions médiatiques

Il y a quelques temps, TF1 diffusait le reportage Harry Roselmack avec les fondamentalistes musulmans, où le journaliste décrivait le mode de vie des salafistes de Marseille. L’émission a été vivement critiquée, notamment par des musulmans qui la voyaient comme une nouvelle vision caricaturale. Si certaines des critiques étaient sans doute légitimes, l’immersion de Harry Roselmack chez les salafistes a tout de même marqué deux évolutions importantes dans le paysage médiatique français. Elle a opéré une double désidentification, en distinguant de l’islam en général le salafisme, présenté comme une voie largement minoritaire en France, et en distinguant ce même salafisme de la violence à laquelle il est souvent assimilé. On pouvait voir sur TF1 une vive critique du terrorisme religieux par un religieux à la barbe longue et à l’habit blanc.

Un heureux hasard de calendrier nous a permis de découvrir quelques semaines plus tard l’intégrisme chrétien bordelais sur le service public, dans l’émissionLes Infiltrés. On ignore si c’est Dieu qui exauça la demande d’équité de la part de musulmans blasés, mais certains parmi eux se réjouirent de voir qu’on pouvait aussi dénoncer les autres intégrismes. Il est bien sûr indispensable de le faire, mais un point gênant demeure : les mécanismes journalistiques, parfois fort douteux, sur lesquels reposait ce dernier reportage sont les mêmes que ceux qui produisent des émissions dont les musulmans se plaignent. Ils procèdent par rapprochements caricaturaux et identifications de notions et de comportements hâtivement placés dans des catégories considérées comme représentant le bien et le mal.

Si l’émission sur l’islam essayait de désidentifier, comme il arrive rarement à la télévision, traditionalisme et violence, l’émission sur cette centaine de chrétiens intégristes alimentait précisément cette confusion, comme le font la plupart des programmes sur l’islam. Indépendamment des points précis sur lesquels chacun des deux reportages pourrait être critiqué, ces proximités révèlent deux constats. D’une part, du point de vue de la réalisation de l’information, on voit dans quelle mesure le véritable problème demeure ici le caractère partiel, anecdotique et démagogique du traitement de l’information religieuse dans nos médias, souvent incapable de présenter décemment la complexité du phénomène religieux. D’autre part, du point de vue de la réception, ces confusions témoignent de la nécessité d’apprendre à décrypter les données médiatiques, surtout quand elles sont moins objets d’information que de consommation.

Lire et décoder les médias ne va pas de soi, encore moins quand ils traitent de sujets confrontant le public à son manque de culture religieuse.

Selami Varlik, membre du Conseil d’Administration du GAIC, doctorant en philosophie

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