Chaque nouvelle année fournit l’occasion, le premier janvier, d’un appel à la Paix adressé par le Saint Père à toutes les communautés chrétiennes et à tous les hommes de bonne volonté. Cette année Benoît XVI a choisi, comme thème de sa réflexion, « La liberté religieuse ». Il a insisté sur le rôle des fondamentalismes, en particulier religieux, comme obstacles à la paix civile ou internationale. C’est pourquoi je voudrais proposer une réflexion sur un événement récent qui, en Algérie, s’est inscrit en opposition avec cette action des extrémismes religieux. Cette évolution a aussi des conséquences pour la France puisque les influences des positions de l’islam au Maghreb se font, tôt ou tard, ressentir en France.
Il s’agissait de restaurer la basilique Notre Dame D’Afrique, ébranlée par les tremblements de terre et atteinte par les vents et les brumes de la mer. Cette opération de restauration a été conduite sur trois ans de 2007 à ces dernières semaines. On sait que certains fondamentalistes, s’appuyant sur des positions du Moyen Age, affirment que, dans un pays où règne la Loimusulmane, les chrétiens n’ont pas le droit de construire de nouvelles églises, voire même de réparer celles qui existent déjà. On sait, aussi, par ailleurs, qu’en France, la lecture stricte de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat rend impossible l’engagement de fonds publics dans le maintien des édifices du culte qui ne sont pas propriétés de l’Etat.
Or, sur ce chantier, tant du coté de l’Etat algérien que du côté de l’Etat français, on a pu constater un dépassement des positions fondamentalistes. Coté algérien, la Wilayad’Alger s’est engagé la première sur une somme conséquente pour cette restauration d’un sanctuaire chrétien et a accepté d’assumer la maîtrise déléguée des travaux au nom de notre Association diocésaine. Coté français, et malgré les difficultés résultant de la loi sur la laïcité, l’Etat, et les collectivités locales de la ville de Marseille, du département des Bouches du Rhône, et de la Région Provence Côte d’Azur, se sont engagés dans une opération de partenariat avec la wilaya d’Alger pour cette restauration. Pour les uns comme pour les autres, cette basilique Notre Dame d’Afrique a été, en effet, considérée, d’abord, à partir de la symbolique de Paix qu’elle incarne, entre les deux rives de la Méditerranée, laissant en marge les restrictions liées au caractère cultuel de son usage.
C’est ainsi que, le 13 décembre dernier, pour la célébration de la fin des travaux, on pouvait voir, dans la basilique, – autour de l’Archevêque d’Alger et du Nonce apostolique,- du coté algérien, le Ministre d’Etat, représentant le chef de l’Etat, ainsi que le Ministre des Affaires religieuses, le Wali d’Alger, et le maire algérien du quartier et, du coté français, l’ambassadeur de France, le maire de Marseille, les présidents de la Région Paca et du département des Bouches du Rhône. La présence d’une majorité d’amis algériens musulmans de l’Eglise dans la basilique, pour cette célébration, exprimait aussi l’adhésion à ce projet d’un bon nombre de personnes de la communauté musulmane.
Nous avons bien conscience des problèmes que pose, en ce moment, en Kabylie, l’ouverture de nouveaux lieux de culte par les néo-chrétiens ou des problèmes similaires qui se posent en France pour le culte musulman. Mais il faut aussi faire connaître les lieux et les moments où les blocages traditionnels ont pu être dépassés pour créer ensemble un signe de paix comme l’est cette basilique au dessus du quartier populaire de Bab el Oued, un sanctuaire construit, d’ailleurs, à l’époque comme une réplique algéroise de la basilique de Fourvière.
Il est clair que les fondamentalismes posent, aujourd’hui, des questions pour la paix dans les sociétés et entre les sociétés. Le drame récent de l‘Irak le prouve. Mais il faut aussi voir les lieux et les moments où des verrous peuvent sauter et permettre à des hommes et des femmes, de culture et de religion différentes, de construire ensemble un symbole d’avenir commun. Il est vrai, comme l’ont fait remarquer plusieurs orateurs officiels, que depuis le siècle dernier, à l’époque coloniale, sur le fond du mur de l’abside de ce sanctuaire, est inscrite, en grosses lettres bien visibles, cette invocation chargée de sens : « Notre Dame d‘Afrique priez pour nous et pour les musulmans ».
Comment multiplier, au cours de cette année 2011, comme chrétiens, musulmans ou agnostiques, ces gestes qui font venir la Paix ?
Henri Teissier, archevêque émérite d’Alger