Titre
Un paese di CalabriaRéalisateur
Shu Aiello et Catherine CatellaPays
Type
filmAnnée
08/02/2017Date de publication
9 décembre 2017Un paese di Calabria
En ouverture, la mer éolienne qui bat, un paysage aride dégringolant avec ses chèvres vers elle et au sommet des collines, blotti, le village de Riace, qui se mettait ainsi à l’abri des guerres, jadis. Une très vieille femme erre dans ses rues vides bordées de maisons en ruine… qui appelle-t-elle ? Sur le rivage, des pas et, soudain, toutes les voix de ce film surgissent, les unes après les autres. Celle du Kurde Baïssam échoué là en 1998. Il raconte l’accueil dans un village déserté de 900 habitants qui ressemblait à sa Turquie et où il est resté, faisant venir sa famille. Le maire, Domenico, qui tout jeune a choisi le parti des faibles dans cette région opprimée par la mafia, la « malavita » la plus dure d’Italie, décide alors de créer l’association « Città futura » (un clin d’œil à Gramsci) pour retaper, à l’aide de cette main d’œuvre venue de la mer, un village qui meurt.
Il obtient une subvention de l’Etat pour cette entreprise qui vise d’abord le tourisme, puis au fil des années, loge les flots d’émigrés toujours croissants. Ceux qui restent créent leur emploi, ceux qui veulent aller ailleurs reçoivent une allocation journalière de l’Union Européenne pour se former à l’intégration. Et l’institutrice retrouve un emploi permanent, le curé, converti à l’accueil, ouvre son église aux prières dans toutes les langues. Car ici la ferveur, qui culmine le jour de la fête de St Côme et St Damien, venus de Syrie eux aussi, est avant tout populaire et communautaire. Elle donne lieu à de belles scènes où le naturel des villageois montre à quel point les réalisatrices ont su se faire adopter dans un pays pourtant farouche et silencieux.
En voix off, la réalisatrice, issue d’un village proche, raconte l’histoire de sa grand-mère, Rosa Maria dont le mari Antonio a émigré à Nice et qu’elle a rejoint avec leur enfant – une histoire qui a été élargie à d’autres trajets de vie de la région. Ces familles italiennes qui sont parties un peu partout dans le monde, qui ont connu la douleur des séparations, ne sont-elles pas à même de comprendre ceux qui arrivent sur la mer contemporaine ? Des migrants maintenant beaucoup plus traumatisés, pour avoir stagné dans les camps libyens, que du temps de Baïssam.
Rien n’est si simple, cette renaissance dont la mafia prend ombrage, est le fruit d’une alchimie complexe de générosité – on sait qu’elle est naturelle en Italie du Sud – mais aussi d’intérêt et d’inventivité. Ce film dit tout cela, et la joie des habitants de Riace devenus 2100, 20 ans après. Certes on n’y fait pas fortune, mais on a su créer une micro-économie et d’autres villages font de même.
Le film s’achève sur la grande affaire des élections municipales et le père du maire, fier des valeurs choisies par son fils souhaite qu’il puisse accomplir un troisième mandat. L’inquiétude gronde car il y a une liste d’opposants ! Que l’on se rassure, il ne s’agit que de querelles internes car tous sont unanimes pour continuer la politique d’accueil qui a réanimé leur pays.
Après la fête de la victoire, à laquelle une foule bigarrée de nationalités participe, le film se clôt sur la mer, bien sûr, la mer, toujours recommencée…
Partir, c’est l’aventure humaine, il n’y a rien de plus à dire.
On peut voir sur le site du film[1] comment le faire venir dans une salle de cinéma ou dans une salle privée. A Aix-en-Provence, l’initiative est venue du collectif AGIR, regroupement de 23 associations qui œuvrent pour l’accueil des migrants. Un film profond, simple et touchant qu’il est urgent de faire circuler[2] !
Pascale Cougard
[1] https://www.unpaesedicalabria.com/
[2] Ce film a obtenu de nombreux prix et distinctions