Depuis sa sortie au cinéma le 8 septembre dernier, le film Des hommes et des dieux est en tête du box office. Le 17 septembre, la Commission du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) chargée de la sélection d’un film français pour l’attribution de l’Oscar du meilleur film étranger lors de la prochaine cérémonie des Oscars (2011) l’a choisi pour représenter notre pays. Récompensé par le Grand Prix du Festival de Cannes, le film évoque les derniers mois des moines cisterciens de Tibhirine, en Algérie, avant leur enlèvement en 1996. Le Père Christian Salenson, directeur de l’Institut de Science et de Théologie des Religions (ISTR) de Marseille revient sur la portée théologique des écrits de Christian de Chergé.
“Lorsque le film Des hommes et les dieux a été projeté lors du Festival de Cannes, il a connu un accueil enthousiaste et a « bouleversé les plus blasés des critiques et un parterre international où tous n’avaient pas fait vœu de pauvreté ! », écrit non sans humour Jérôme Garcin, allant jusqu’à émettre l’hypothèse que « ce soir-là sous les robes longues et les smokings, il y a eu quelque troublantes conversions ». Comment et pourquoi ces hommes simples et aguerris, perdus dans l’Atlas algérien ont-ils un tel rayonnement qui au fil des années ne cesse de s’étendre, y compris loin des sphères chrétiennes. Ils brillent comme un signe des temps pour la société et pour l’Église. La République embarrassée par une pluralité culturelle et religieuse qu’elle a du mal à comprendre, se montre souvent bien maladroite dans ses décisions, parfois même au détriment de la liberté religieuse et de la fraternité inscrite dans sa devise. L’Église, elle, s’est solennellement engagée lors du concile à avancer sur ce chemin de la rencontre des autres religions et elle reçoit là, à travers ces frères moines, le signe d’une extraordinaire fécondité !
Christian de Chergé (1), mystique et théologien, était le prieur de cette communauté. Étroitement lié à ses frères dont il est le gardien, il apporte à cette communauté la réflexion théologique et spirituelle dont elle a besoin pour tracer ce chemin original. Il ne serait rien sans ses frères. Tout a commencé pour lui par une rencontre, durant la guerre d’Algérie, avec Mohammed, le garde-champêtre, cet homme illettré devenu son ami, qui a libéré sa foi et qui a donné sa vie pour lui, « comme le Christ ». Cet homme illettré ne se payait pas de mots ; incapable de trahir les uns pour les autres, ses frères ou ses amis, c’est sa vie qu’il mettait en jeu malgré la charge de ses dix enfants » (2). Christian reçoit dans la rencontre avec Mohammed le musulman sa vocation à devenir moine catholique en Algérie en lien étroit avec les musulmans et avec l’islam. Par certains aspects, cet événement n’est pas sans rappeler la conversion de Louis Massignon (a). Sans comparer des hommes et des époques, l’un comme l’autre, à partir d’un événement fondateur, furent définitivement engagés dans un rapport positif à la foi musulmane. « Et puis a commencé alors un pèlerinage vers la communion des saints où chrétiens et musulmans partagent la même joie filiale. Car je sais pouvoir fixer à ce terme de mon espérance au moins un musulman, ce frère bien-aimé, qui a vécu jusque dans sa mort l’imitation de Jésus-Christ » (3).” Lire le texte de Christian Salenson