"Entre citoyenneté et religion, où en sont les révolutions égyptiennes et tunisiennes ?" : Intervention de Georges Sarwat Fahmi

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Voici le texte de l’intervention de Georges Sarwat Fahmi, chercheur à Arab Forum for Alternatives (AFA) au Caire, en Égypte, lors de l’important colloque organisé par Chrétiens de la Méditerranée à l’Institut du monde arabe le 19 janvier 2013, sur le thème “Entre citoyenneté et religion, où en sont les révolutions égyptiennes et tunisiennes ?”

Plus de deux cents personnes ont participé à ce colloque, où étaient présents six acteurs des révolutions concernées, venus d’Egypte et de Tunisie. Les contributions des différents intervenants sont – ou seront – publiées sur notre site avant d’être rassemblées en une seule parutio

 

“Avant de commencer mon intervention, j’aimerais vous parler d’un roman de Naguib Mahfouz, L’amour au pied des Pyramides. Sans entrer dans les détails, Mahfouz raconte l’histoire d’un couple amoureux, qui n’arrive pas à louer un appartement. A la fin du roman, le couple s’embrasse devant les pyramides, et il se fait arrêter par les policiers, parce que c’est interdit de s’embrasser sur la place publique. Les policiers leur demandent soit de se rendre au poste soit de payer, il décide de payer. Un film a été tiré de ce roman et les fins respectives ne concordent pas. Dans le film le protagoniste se rend au commissariat mais refuse de payer. Je pense que l’Egypte fait toujours face à cette question: faut-il choisir entre la liberté avec la corruption, ou décider de refuser les lois injustes ?

 

Le vrai problème aujourd’hui est que, quand Moubarak est parti, on croyait que les idées allaient se transformer en règles. Or, ceci n’est pas advenu, les idées ne sont pas encore devenues des règles. La jeunesse a alors essayé de bouger les choses.

Les jeunes coptes et les jeunes des frères musulmans ont essayé de changer les règles. Les jeunes des frères musulmans ont commencé à se réunir en mars 2011 pour réformer les frères musulmans en interne, ses structures. Ils souhaitaient qu’il y ait plus de pluralisme au sein des frères musulmans, pluralisme politique aussi, où l’on peut faire partie des frères musulmans et voter pour le parti politique de son choix. Ces jeunes ont d’ailleurs aussi appelé à ce que la politique soit séparée du religieux. Pour le religieux il y a les frères musulmans, et pour les activités politiques il y a le Parti Justice et Liberté. Certains sont partis de la confrérie parce qu’ils obtenaient trop de réticence face à leurs idées et ont créé un nouveau groupe, mais d’autres essaient toujours de les modifier de l’intérieur.

 

Avec les jeunes coptes, on a quelque chose d’assez similaire, leur mouvement des « jeunes de Maspero », est constitué de jeunes coptes qui ont l’habitude de protester contre la violence faite contre l’Eglise, devant le bâtiment officiel de la télévision Maspiro, avec des sit-in devant, d’où leur nom. Petit à petit, ils se sont intégrés à tous les jeunes égyptiens. Ils ont aussi commencé à avoir des tensions avec la hiérarchie orthodoxe. Ils ont, comme les jeunes frères musulmans, le rêve de réformer la relation Eglise/Etat.

 

Il y a donc plusieurs points communs entre ces deux groupes de jeunes. Ils veulent tous être traités comme citoyens égyptiens et non pas comme des religieux ou comme une minorité. Ils veulent tous que l’Etat de droit soit respecté. Ils souhaitent réformer leur institution de l’intérieur. Et ils veulent clairement une séparation entre le religieux et le politique.

 

A l’Arab Forum for Alternatives, nous sommes intéressés par la transition démocratique, et les groupes des jeunes au sein des différentes communautés. Après avoir fait ce bilan précité, aujourd’hui nous avons un projet qui met en jeu tous les acteurs, jeunes salafistes, coptes et frères musulmans. On pense que la balance du pouvoir dans chaque communauté n’est pas en faveur des jeunes. Il faut que ça change, qu’ils se renforcent les uns les autres.”

Georges Fahmi est chercheur à Arab Forum for Alternatives (AFA) au Caire, en Égypte. Il est également doctorant à l’Institut Universitaire Européen (IUE) de Florence, en Italie. Sa thèse s’intitule : L’institutionnalisation de la religion: les autorités religieuses islamiques et le soutien à la démocratisation au Moyen-Orient – Une étude comparative de l’Egypte et de la Turquie. Georges Fahmi a obtenu son BA et MA du département de sciences politiques, à l’université du Caire, en Egypte. Ses intérêts de recherche incluent : la relation religion-Etat au Moyen-Orient, la démocratisation, les mouvements religieux musulmans et coptes en Egypte.