Éclairages sur la Syrie : l’émir Abdelkader à Damas en 1860, la guerre en Ukraine et la guerre en Syrie.

Un acte de vandalisme récent a incité Xavier Godard à écrire une note sur la haute figure de l’émir Abdelkader l’Algérien, à la fois spirituelle et politique. En même temps la guerre en Ukraine fait prendre une nouvelle conscience de ce qu’est la guerre en Syrie, comme en témoigne une déclaration du Secrétaire général de l’ONU António Guterres, appelant en particulier à ne pas laisser impunis les crimes qui ont été commis.

La statue de l’Emir Abdelkader qui devait être installée à Amboise le 5 février 2022 en signe de rapprochement mémoriel franco-algérien a été vandalisée la veille de son inauguration, traduisant une fois de plus la bêtise et l’ignorance de ces activistes, comme l’ont signalé Christian Delorme et Ahmed Bouyerdene dans un article du journal Le Monde du 11 février 2022. C’est l’occasion de rappeler en quelques mots l’action d’Abdelkader à Damas en 1860, protégeant les chrétiens contre les massacres en cours de la part de druzes et de musulmans1. Abdelkader, figure très respectée de la lutte contre la colonisation en Algérie (y compris de la part des officiers qu’il avait combattus et qui admiraient son génie militaire et l’humanité dont il témoignait envers envers les prisonniers) avait été été détenu en France à Ambroise, contrairement à des promesses non respectées de sauvegarde de sa liberté, puis il avait été libéré en 1852 et exilé à Damas à partir de 1855, la Syrie étant alors une province de l’empire ottoman.

Les tensions entre druzes et chrétiens, exacerbées par un décret turc en 1856 établissant l’égalité de statut en substitution à celle de dhimmi pour les chrétiens et les juifs, entraina un cycle de violences intercommunautaires en 1860, sur fond de rivalité entre l’Angleterre (soutien des druzes) et la France (soutien des chrétiens) et de passivité turque. Dans un engrenage de provocations les druzes puis les musulmans entreprirent de massacrer les chrétiens à Damas.

C’est alors que Abdelkader avec ses proches, sortant de sa retraite, engagea des actions fortes pour s’opposer à ces massacres et protéger les chrétiens: accueil de réfugiés dans sa résidence, accueil étendu à son quartier protégé par sa garde, interposition (non violente) sur le terrain, persuasion des émeutiers au nom du Coran : son action était en effet guidée par une foi très forte empreinte de mysticisme (d’où le sous-titre de chapitre dans le livre de Bouyerdene : “Une éthique à l’épreuve des faits”). Cette action lui valut une reconnaissance officielle marquée de la part de la France.

Ce témoignage est toujours actuel dans une situation aussi complexe que celle de la Syrie d’aujourd’hui. A noter qu’une exposition sur Abdelkader est annoncée au Mucem (Musée des civilisations et de la Méditerranée) à Marseille du 6 avril au 22 août 2022.

 

1 Voir le livre de A. Bouyerdene, Abd El Kader, L’harmonie des contraintes, éditions du Seuil, 2008. Ou l’article de A. Bouyerdene dans Paroles d’Algérie, actes de l’Université CDM à Marseille, 2016.

Xavier Godard
Administrateur de CDM

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“Il ne doit y avoir aucune impunité” en Syrie, a affirmé le Secrétaire général de l’ONU

Les onze années de combats brutaux en Syrie ont eu un coût humain “déraisonnable”, soumettant des millions de personnes à des violations des droits humains à une “échelle massive et systématique”, a déclaré le chef de l’ONU António Guterres dans un communiqué du 11 mars 2022, à l’occasion d’un nouvel anniversaire tragique.

“La destruction que les Syriens ont endurée est si étendue et si meurtrière qu’elle a peu d’équivalents dans l’histoire moderne”.

“Nous ne devons pas perdre espoir”

M. Guterres a noté que la destruction lente mais systématique des infrastructures de base dans tout le pays, depuis que la guerre civile a commencé en 2011 dans le sillage du “Printemps arabe” des soulèvements populaires à travers le Moyen-Orient, a “approfondi la crise économique” et maintenant, les besoins humanitaires sont à leur plus haut niveau depuis le début du conflit.

“Des millions de déplacés internes et de réfugiés luttent pour survivre dans les circonstances les plus difficiles”, a-t-il souligné.

“Nous ne devons pas perdre espoir, nous devons agir maintenant. Nous devons faire preuve de courage et de détermination pour aller au-delà des engagements rhétoriques en faveur de la paix et faire tout ce qui est nécessaire pour parvenir à une solution politique négociée, conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité”, a précisé le Secrétaire général.

Selon lui, cette résolution, qui fournit une feuille de route pour un processus de paix vers une nouvelle Constitution et une solution qui répondrait aux aspirations de tous les Syriens, créerait les conditions nécessaires pour permettre aux réfugiés de rentrer, en toute sécurité et dignité ; s’attaquerait aux menaces terroristes ; et, dans le même temps, respecterait la “souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance de la Syrie”.

“Nous devons assurer un plus grand accès humanitaire pour répondre aux besoins des personnes dans tout le pays”, a déclaré M. Guterres, ajoutant que “les livraisons à travers les lignes de front et à travers les frontières sont essentielles pour atteindre des millions de personnes dans le besoin” et que “l’aide au relèvement rapide renforce la résilience tout en répondant aux besoins immédiats pour sauver des vies”.

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