Deux numéros récents de l’hebdomadaire “La Vie” recoupent tout spécialement les intérêts de CDM dont témoigne notre site. Ils présentent, l’un un dossier substantiel sur “Théologie et résistance en Palestine” (n° 4138-4139, 19 décembre 2024) et l’autre, le projet Med 25, porté par le diocèse de Marseille, embarquant des jeunes dans une odyssée maritime en Méditerranée à la rencontre des populations riveraines, “Le pari de la paix en Méditerranée” (n° 4140, 2 janvier 2025).
NB. Le n° 4138-4139 de “La Vie” donne aussi, p.96, une recension par Julien Motte du livre de Patrick Gérault, président d’honneur de CDM, “Le baobab du coeur”, un roman au centre duquel se trouvent les questions des rencontres de cultures et de la migration depuis l’Afrique.
Théologie et résistance en Palestine
Cet article d’Anne Waeles (art. cit. pp. 88 à 90) montre le surgissement d’une théologie de la libération palestinienne dans le contexte de la Seconde Intifada, à partir de 1987. Il apparaît alors que la condition de la Palestine rejoint celle des communautés chrétiennes où sont nés de tels mouvements, en Amérique latine et en Afrique. Les contextes sont semblables, marqués par la sujétion à un pouvoir colonial (ou post-colonial), la violence militaire et policière, la pauvreté, le mépris, et, en face, une réaction d’espérance évangélique et non-violente face à des conditions de vie indignes. Naïm Ateek, prêtre anglican à la cathédrale Saint-Georges de Jérusalem, est l’un des pionniers du mouvement qui aboutit alors à la fondation de Sabeel (“Le chemin” en arabe).
Ce centre de théologie de la libération est œcuménique dès son origine, le nombre de confessions différentes entre lesquelles se répartissent les chrétiens de Palestine donnant une importance particulière à la nécessité de l’harmonie et de l’entente entre elles.
Anne Waeles relève que la résistance non-violente qu’inaugure Sabeel se heurte, dès qu’elle apparaît, à un courant qui traverse de nombreuses Eglises hors de la Palestine et d’Israël, et qui penche au nom même de la foi chrétienne dans le sens d’un soutien absolu à l’Etat d’Israël. C’est au sein des Eglises que doit se faire une prise de conscience : l’injuste oppression des chrétiens de Palestine doit être perçue comme une structure de péché dont les Eglises ont à se libérer. Car il existe, dans le courant évangélique, un sionisme chrétien qui pousse ce soutien à l’extrême et voit dans l’Etat d’Israël l’acteur déterminant du second avénement du Christ. Sabeel s’emploie à réfuter ce que l’on appelle le sionisme chrétien, au plan biblique et au plan théologique, et ainsi à plaider la cause des chrétiens de Palestine au nom de la justice. Pourtant le sionisme chrétien ne cesse d’accroître son influence, surtout aux Etats-Unis.
L’auteur relève alors l’étape déterminante qui est franchie avec le document Kairos Palestine, publié à Bethléem en décembre 2009. Il tire une part de son inspiration du mouvement des Noirs d’Afrique du Sud, en résistance non-violente à un apartheid blanc ayant également une composante chrétienne. Elle dégage le thème majeur selon lequel l’oppresseur est lui-même lié par l’oppression qu’il exerce. Le mouvement de libération ne peut se faire que par une conversion de l’oppresseur aussi bien que de l’opprimé, pour que puisse s’établir une relation nouvelle, inspirée par l’Evangile.
L’article conclut sur l’impossibilité où se trouve cette théologie de la libération palestinienne, d’abord de se faire entendre des Eglises d’Occident, et ensuite de contrer l’expansion des positions sionistes et pro-israéliennes au sein des mêmes Eglises. Il en résulte désillusion, perte de la foi même chez certains militants chrétiens. De nouvelles voies sont à chercher, moins théoriques, plus populaires, faisant davantage appel à l’expérience et surtout à celle des femmes. Anne Waeles cite dans ce sens un ouvrage collectif encore en cours de réalisation, coordonné par le théologien John Munayer et intitulé “Palestinian Theology Amidst Genocide” (La théologie palestinienne affrontée au génocide).
Rappelons que Sabeel, mouvement palestinien, a vu se développer des associations de soutien en divers pays, dont “Friends of Sabeel in North America” (Fosna) en Amérique du Nord et “Les Amis de Sabeel France”, association avec laquelle Chrétiens de la Méditerranée collabore de manière constante depuis sa fondation. Nous avons contribué à faire connaître l’ouvrage du pasteur Munther Isaac, “L’autre côté du mur”, traduit par Laurent Baudoin et les Amis de Sabeel France. Ce livre, auquel “La Vie” a aussi consacré un dossier, est hautement significatif de la logique non-violente de la théologie de la libération palestinienne, aussi bien que d‘un affrontement aigu entre cette théologie et celle que développe le sionisme chrétien.
Le pari de la paix en Méditerranée
Les Rencontres méditarranéennes de 2023, qui se sont conclues par la venue du pape François à Marseille les 22-23 septembre, ont fait se retrouver 70 jeunes et 70 évêques pour collaborer autour du refus du fatalisme et de l’engagement pour la paix. Elles avaient été lancées dès 2020 à Bari (Italie) et s’étaient à nouveau tenues chaque année, jusqu’à Tirana en 2024. Le diocèse de Marseille a élaboré pour l’année jubilaire 2025 un projet intitulé Med 25, se développant dans la même ligne mais avec une plus grande ampleur, “en embarquant sur un bateau 200 jeunes de 20 à 35 ans qui se relaieront pendant huit mois pour aller à la rencontre des populations des cinq rives”, de l’Afrique du Nord, du Proche Orient, de la Mer Egée, des Balkans, de l’Europe latine, avec un prolongement dans la Mer Noire.
Alexis Leproux, vicaire épiscopal de Marseille, chargé au sein du diocèse des relations méditerranéennes, est responsable de l’organisation de ces Rencontres, avec diverses collaborations, dont l’association qui gère le bateau “Bel espoir” où se déroulera ce parcours exceptionnel, et de navigation, et de développement humain et spirituel. L’hebdomadaire “La Vie” en est aussi partie prenante et “Chrétiens de la Méditerranée” soutient la démarche à la mesure de ses moyens.
Dans un entretien qui suit cette présentation, Véronique Durand fait préciser par Alexis Leproux de quelle manière il envisage cette odyssée, au coeur d’une mer et sur des rivages affectés par des conflits violents, marqués par les drames que connaissent les nombreux réfugiés. Il affirme que la dialogue n’en est que plus nécessaire dans de telles conditions et cite les partenaires d’un dialogue dépassant les conflits à rencontrer dans les ports où les voyageurs feront escale (“La Vie”, article cité, pp. 7-8).
L’association des lecteurs de “La Vie” est aussi parmi les partenaires de CDM.