Les Amis de Sabeel France ont traduit cet article de Friends of Sabeel of North America (FOSNA), publié par Jonathan Kuttab, de FOSNA, le 3 août 2024. Il réagit à la conférence de Christians United for Israël (Chrétiens unis pour Israël, CUFI). L’enjeu est d’aller à l’encontre d’un mouvement très représentatif du sionisme chrétien, qui interprète la notion biblique de peuple élu en termes de volonté de Dieu sur l’État contemporain d’Israël et préconise un contrôle total de cet État sur l’ensemble du territoire de la Palestine. Cela, déniant leurs droits humains à ceux de ses habitants qui ne sont pas juifs.
On trouvera ici la totalité de l’article, dont voici quelques extraits.
“Je suis sûr qu’il y avait parmi les participants de CUFI des chrétiens bien intentionnés qui pensaient qu’ils accomplissaient la volonté de Dieu, et que soutenir, donner et faire pression en faveur d’Israël était de leur devoir de chrétiens. Certains prétendront que ce genre de
manifestation ne changera aucunement les mentalités et les opinions des adhérents de CUFI et que, plutôt que de les amener à repenser leur théologie, cela ne fera que les confirmer dans leurs vues et leur fera même croire qu’ils sont attaqués voire opprimés. Pourtant, il ne fait aucun doute pour moi que la théologie développée par John Hagee et son sionisme chrétien est hérétique et nuisible. Les tentatives visant à faire de cette théologie une arme et à la
transformer en activisme politique en faveur d’Israël sont un mal qu’il nous faut affronter et contester. La question n’est en effet pas de savoir si une théologie est pro-israélienne ou propalestinienne, mais si elle reflète ou non les valeurs du Royaume de Dieu.
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Les partisans de CUFI adhèrent, comme beaucoup de sionistes chrétiens, à un système théologique selon lequel l’État moderne d’Israël serait en quelque sorte un prolongement de l’histoire des Israélites dont on lit l’histoire dans les Écritures hébraïques, notre Ancien Testament. Selon cette théorie, les Israéliens de notre temps sont le peuple élu de Dieu, qui leur donne cette terre pour qu’ils la gouvernent et la dominent dans le cadre de son plan pour la fin des temps. Ils croient même qu’il est du devoir des chrétiens de soutenir l’État d’Israël dans sa quête d’un contrôle total du pays. Ils interprètent la promesse de Dieu à Abraham dans Genèse 22 ‘Je bénirai ceux qui te béniront et je maudirai ceux qui te maudiront. Toutes les nations de la terre seront bénies par ta descendance’ comme faisant référence aux nations modernes qui soutiennent (ou s’opposent) à l’État d’Israël de notre temps. À ce titre, CUFI soutient les colonies israéliennes dans les territoires palestiniens, s’oppose aux droits humains des Palestiniens, et est favorable à l’envoi de plus en plus d’armes à Israël. Ils croient également que de telles actions sont en phase avec la seconde venue de Jésus et la bataille d’Armageddon, et pourraient même hâter celles-ci. Leurs spéculations théologiques sont en contradiction non seulement avec les croyances chrétiennes traditionnelles, avec une exégèse responsable des textes bibliques et une saine moralité, mais aussi avec le droit international, avec les fondements même de l’humanité et tout simplement avec toute saine logique.
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Quand on en vient à Israël-Palestine, les conséquences de ces théologies sont très claires :
Pour commencer, et contrairement au message d’amour et de paix du Christ (que Sabeel, les Mennonites, les Quakers et d’autres chrétiens traduisent par un engagement en faveur de la non-violence et l’opposition à toute guerre), CUFI défend fièrement une position qui glorifie la guerre et la destruction au nom de Dieu. Son eschatologie est basée sur une compréhension de l’Armageddon selon laquelle la grande majorité des Juifs rassemblés en Israël seront tués, tandis que seul un reste qui aura accepté le Christ et se sera converti sera épargné. Être ‘anxieux pour Armageddon’, comme le dit l’une de ses publications, est déjà assez horrible comme spéculation, mais quand il est question de la réelle possibilité d’une guerre nucléaire et d’un Moyen-Orient sur-militarisé dans lequel nombre de gens meurent quotidiennement, ce n’est plus une réalité que les chrétiens devraient applaudir. Rien que pour cela les disciples du Christ devraient rejeter et répudier CUFI et sa théologie funeste.
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Comme disciples du Christ, nous devrions formuler et transmettre l’amour de Dieu pour l’humanité entière et rejeter des théologies qui justifient des particularismes, le racisme, la domination et le culte du pouvoir. Ce n’est pas un hasard si ceux qui soutiennent le message
de CUFI ont tendance à aussi soutenir un nationalisme chrétien et toutes sortes d’attitudes xénophobes. Ils sont capables de soutenir la politique d’extrême droite d’Israël, mais cela ne veut pas dire qu’ils aiment le peuple juif.
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D’après ma propre expérience, la plupart des sionistes chrétiens sont terriblement ignorants tant des réalités politiques en Palestine-Israël que des véritables enseignements chrétiens. Ils sont nourris par des télévangélistes, des talk-shows radiophoniques et des orateurs
grandiloquents qui se basent sur un nombre restreint de textes bibliques soigneusement sélectionnés et cités hors contexte, avec une vision fantastique de la fin du monde. Puis ils sont utilisés comme agitateurs politiques en faveur de l’État moderne d’Israël. Il arrive qu’une conversation théologique et biblique sérieuse ou une exposition aux réalités de la vie palestinienne et une rencontre avec des chrétiens palestiniens provoquent des changements radicaux de leur manière de voir. Mais CUFI ne prospère vraiment que tant que ses fidèles restent ignorants à la fois des doctrines chrétiennes et des réalités du terrain.
Comme Amis de Sabeel en Amérique du Nord, nous ne nous efforçons pas seulement de remettre en question les théologies toxiques de CUFI, mais aussi de diminuer son emprise sur une grande partie du débat sur la Palestine et Israël dans les Églises chrétiennes (souvent mais pas exclusivement évangéliques).
Jonathan Kuttab”
Traduction Amis de Sabeel France