Béatification des martyrs d’Algérie

Le 1er novembre 2018, à l’occasion de la béatification de dix-neuf religieux catholiques assassinés en Algérie, entre 1994 et 1996, dont les sept moines de Tibhirine, Mgr Paul Desfarges, archevêque d’Alger, a signé une lettre pastorale (extrait).

« L’Église offre à notre Église et à notre monde, dix-neuf de nos frères et sœurs comme modèles pour notre vie de disciple aujourd’hui et demain.

Bienheureux, ils sont en avant de nous sur le chemin du témoignage que notre Église est appelée à rendre sur cette terre d’Algérie qui depuis le premier siècle a été irriguée du sang des martyrs. Nous pouvons maintenant demander leur intercession. Car, bienheureux, ils continuent leur mission, associés plus que jamais à l’œuvre du Seigneur dont l’Esprit travaille sans cesse dans les cœurs. Nous pouvons recevoir leur béatification comme une confirmation de la vocation de notre Église à être, comme nous le demandait le Saint Père (Visite Ad Limina mars 2015), “sacrement de la charité du Christ” pour tout le peuple où elle est plantée.

Ils sont dix-neuf. Ils s’appellent : Henri et Paul-Hélène, Esther et Caridad, Jean, Alain, Charles et Christian, Angèle-Marie et Bibiane, Odette, Christian, Luc, Christophe, Michel, Bruno, Célestin et Paul, Pierre. Leur vie ne leur a pas été prise. Comme l’a dit sœur Paul-Hélène peu de temps avant sa mort : « Père, nos vies sont déjà données ». Leur vie était donnée à Dieu et au peuple auquel l’amour les avait liés. Nous pouvons les prier tous ensemble pour demander une grâce de fidélité pour notre Église dans sa mission.

Ils ont scellés dans notre peuple une fraternité dans le sang versé. Leur vie a été prise en même temps que celle de milliers de leurs frères et sœurs algériens qui, eux-aussi, ont perdu la vie en choisissant de rester fidèles à leur foi en Dieu, à leur conscience et par amour de leur pays. Parmi eux il y eut 114 imams qui sont morts parce qu’ils ont refusé de justifier la violence. Nous n’oublions pas non plus les 12 frères Croates qui ont été égorgés parce qu’ils étaient chrétiens. Le groupe venu pour les prendre, après avoir pris les douze premiers, s’arrêta ensuite dans une autre pièce. Le premier interrogé déclara : « Je suis bosniaque et musulman ». On lui demanda de le prouver en prononçant la shahâdâ (profession de foi musulmane). Ce qu’il fit et il ajouta en montrant ses collègues : « Ici tous musulmans ! » Or, parmi eux, trois étaient chrétiens. Ceux-ci furent ainsi épargnés. Les frères de Tibhirine, dans une tribune (Si nous nous taisons les pierres de l’oued hurleront) du 22 janvier 1994, écrivaient : « Or les trois autres étaient chrétiens. C’est donc à leur compagnon musulman qu’ils doivent d’avoir pu retourner vivants dans leur pays. Un verset coranique dit : « …et celui qui sauve un seul homme est considéré comme s’il avait sauvé tous les hommes » (Coran 5, 23). Cela nous ne pouvions le taire ».

A cette foule de témoins nous pouvons joindre la mémoire du Cardinal Duval. Durant ces années noires, comme Marie, il était le long de la Croix, priant, soutenant, encourageant, offrant. Marie, pleine d’Esprit Saint
a aidé son Fils à tenir jusqu’au bout dans l’Amour et le pardon. Le Cardinal Duval, comme aussi avec lui Mgr Henri Teissier, ont aidé nos frères etsœurs à demeurer fidèles car c’était et c’est la vocation de l’Église de témoigner d’un amour qui entraîne à donner sa vie pour ceux qu’on aime… »

Mgr Paul Desfarges,
Archevêque d’Alger depuis 2016

 

Pour lire la lettre pastorale de Mgr Desfarges dans son intégralité (24 pages), cliquer ici.

Image : Cimetière du monastère de Tibhirine en Algérie où sont enterrés les sept moines assassinés en 1996. (CC BY-SA 3.0)