À Rome, le P. Christophe Roucou a posé les trois défis du dialogue islamo-chrétien en Europe

Christophe-Roucou-copie-1Le P. Christophe Roucou, directeur du Service national pour les relations avec l’islam, a fait le point, à Rome, sur les relations islamo-chrétiennes en Europe, « entre peur et dialogue »

S’exprimant le 24 janvier au siège de l’Institut pontifical d’études arabes et d’islamologie (Pisai) à Rome, devant le cardinal français Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, et plusieurs ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège, le P. Roucou a d’abord démenti plusieurs données circulant sur le Net à propos d’une prétendue « invasion démographique musulmane », notamment reprises lors du récent Synode romain sur la nouvelle évangélisation.

 

« En 2010, les musulmans représentaient 6 % de la population européenne. En 2030, ils seront 8 %. À cette date, les musulmans européens seront 3 % des musulmans du monde, soit le même chiffre qu’en 2010, a-t-il affirmé. De même, en France, ils constituent aujourd’hui 7.5 % de la population, et seront 10 % en 2030. »

S’inquiétant du sondage publié le 25 janvier par Le Monde faisant état d’une montée des peurs, en France, à l’encontre des musulmans, le P. Roucou a fait état d’une étude portant sur onze grandes villes européennes, d’où il ressort que, pour leur part, « la moitié de ces musulmans s’identifient à leurs pays de résidence, mais qu’ils n’ont pas le sentiment d’être perçus comme tels »

« Le dialogue ne signifie pas l’accord »

À ses yeux, « les initiatives sociales communes restent encore trop timides ». Parce que nous vivons « plus un choc des ignorances qu’un choc des civilisations », il faut « accepter de se parler sans masquer nos différences, parfois irréductibles ». L’essentiel est de ne pas succomber à ces « identités meurtrières » dénoncées par l’écrivain Amin Maalouf, de l’Académie Française.

Outre ce premier défi citoyen, le responsable français du dialogue islamo-chrétien a également envisagé les « défis intellectuels » au sein de ce dialogue, notamment en ce qui concerne, côté musulman, « l’interprétation des sources religieuses, du Coran. ». Sans oublier les défis spirituels : « En l’absence de distinctions vestimentaires ou alimentaires, comment les chrétiens se situent-ils, concrètement, en tant que croyants dans la société moderne ? »

Parmi les difficultés, le P. Roucou a évoqué le vocabulaire (« le dialogue ne signifie pas l’accord »), la liberté de conscience et de conversion (notamment lors des mariages), l’assimilation des islams pluriels à l’islamisme, les réelles dissensions entre musulmans en Europe, et la faible formation des responsables musulmans.

En conclusion, le P. Roucou a appelé les catholiques à conjuguer « dialogue et annonce », sachant que les musulmans en France « doivent prendre conscience de la « catholaïcité » ». Et il a rappelé ce constat de Mgr Claude Rault, évêque du Sud algérien : « Il nous faut une patience géologique. »

F. M., à Rome

Source : www.la-croix.com le 25 janvier 2013