Egypte: la question du divorce oppose l’Église copte-orthodoxe à l’État

Un jugement de la Haute Cour administrative

vient d’ordonner à l’Église copte d’autoriser le remariage des fidèles divorcés.

Le conflit qui oppose le patriarche copte-orthodoxe à la justice égyptienne est loin d’être terminé. Les titres de la presse égyptienne, au contenu assez provocateur, l’attestent : « Le patriarche Chenouda III a été débouté. » « La justice a ordonné à l’Église copte d’autoriser le remariage de ses fidèles qui ont divorcé. » « La justice ne peut donner aucun ordre à notre Église et au patriarche Chenouda », rectifie, pour La Croix, le magistrat Édouard Ghaleb, conseiller d’État et membre du conseil communautaire copte-orthodoxe.

L’affaire a commencé cet été quand un fidèle divorcé, Hani Wasfi, a intenté un procès à Chenouda III qui refusait de lui permettre de se remarier. Le juge de première instance a pris le parti de Wasfi. Le patriarche s’est alors pourvu en appel devant la Haute Cour administrative, dont les jugements sont irrévocables. Le 30 mai, la Haute Cour déclare : « Conformément à la loi, un chrétien peut se remarier, et la Constitution lui garantit le droit de fonder une famille. L’appel du patriarche Chenouda pour empêcher les coptes de se remarier est rejeté. »

« La charia (loi coranique) est la source principale de la Constitution égyptienne, d’où ce jugement », explique Édouard Ghaleb. De son côté, le patriarche Chenouda, le « pape » pour sa communauté, riposte : « Personne ne peut nous contraindre à quoi que ce soit à part les instructions de l’Évangile. La décision de la justice est un jugement civil. Or le mariage est un acte religieux qui doit respecter la loi religieuse. »

Cette fin de non-recevoir incite les chaînes privées de télévision à donner la parole aux personnalités coptes-orthodoxes. Édouard Ghaleb souligne ainsi que le divorce est autorisé dans deux cas: un adultère prouvé, ou la conversion de l’un des conjoints à une autre religion, ou à une autre branche du christianisme. Le conjoint « non responsable» peut se remarier, mais le «responsable» est interdit de remariage. Le jugement du 30 mai, qui fait couler beaucoup d’encre, va-t-il ranimer le projet de loi relatif au statut personnel des non-musulmans, enfoui depuis quinze ans dans les tiroirs du Parlement? C’est l’espoir des communautés chrétiennes d’Égypte. Article écrit par Denise Ammoun publié dans le journal La Croix du 3 juin 2010.