La Turquie, un partenaire incontournable.

Directeur adjoint de l’IRIS, Didier Billion, docteur en science politique mais aussi historien et géographe a réalisé un ouvrage qui sera d’une grande utilité à ceux qui s’intéressent déjà à la Turquie et à ceux qui veulent comprendre ce pays de plus en plus présent sur la scène internationale et il faut le dire, plutôt mal connu et souvent dénigré.

Remarquablement pédagogique, l’ouvrage égrène, au fil des chapitres, les multiples aspects nécessaires pour “résister aux analyses binaires”, ce à quoi nous invite l’introduction. Comme c’est le cas lorsqu’ils sont bien choisis, les titres des chapitres et ceux des points traités dans chacun d’eux, permettent de suivre aisément les arguments de l’auteur, jusqu’à la conclusion qu’il estime “provisoire”.

Sont ainsi traitées, les différentes phases de la vie politique intérieure du pays, l’ampleur et la diversité des transitions en cours, la question de la laïcité et du poids de l’armée, l’importance du problème kurde, la politique étrangère et enfin les difficiles relations de la Turquie avec l’Union Européenne.

Dès les premières pages, une carte de géographie et deux pages de statistiques, démographiques, économiques et sociétales mettent le lecteur dans de bonnes conditions pour entrer dans la lecture de l’ouvrage. De même, à plusieurs reprises, au fil des pages, d’autres cartes et données statistiques précisent utilement les propos de l’auteur. Et, à la fin du livre, des annexes portant sur les résultats des diverses élections de 1995 à 2021 sont les bienvenues.

Si c’était nécessaire, mais ce n’est pas le cas, les nombreuses notes placées à la fin de chaque chapitre et une bibliographie dite indicative, révèlent combien Didier Billion connaît la Turquie. C’est à juste titre qu’il est considéré comme un excellent spécialiste de la Turquie et du Moyen Orient.

On peut être intrigué par le sous-titre de l’ouvrage. Que la Turquie soit incontournable est une évidence, tant elle est présente dans de nombreuses zones du bassin méditerranéen et même au-delà. Mais le terme “partenaire” peut surprendre. Peut-on être “partenaire” d’un Etat dont la politique intérieure et extérieure peut légitimement être jugée préoccupante, voire inacceptable ? Que le lecteur soit rassuré, Didier Billion ne passe sous silence aucun des éléments qui pourraient rendre difficile mais pas impossible ce partenariat. Il les analyse rigoureusement, montrant que souvent les écueils ne sont pas le fait d’un seul des partis concernés. C’est bien à un partenariat lucide, éclairé, qu’il invite, prônant “de privilégier dialogue et pragmatisme”. Les dernières lignes de sa conclusion “provisoire” résument parfaitement sa pensée :

“Il serait vain de nier les divergences avec les autorités turques sur de nombreux dossiers, mais il serait erroné d’en tirer prétexte pour laisser notre relation se détériorer. Une urgente réévaluation s’impose ainsi dans notre perception et notre compréhension de la Turquie”.

Il ne fait nul doute que le lecteur refermera le livre, enrichi de tout ce qu’il aura pu découvrir, au terme d’une lecture qui lui aura procuré beaucoup de plaisir¹

René Valette

Professeur émérite et vice‐recteur honoraire de l’Université catholique de Lyon, René Valette a enseigné la démographie, la géographie du développement, l’économie internationale et la géopolitique.

Il a été président du CCFD-Terre solidaire, de DIAL (Diffusion de l’information sur l’Amérique latine), de l’Antenne sociale de Lyon et de l’Association des Amis de l’hebdomadaire La Vie.

Notes de la rédaction