Synode: "Le synode se penche sur Jérusalem" – " Défendre la présence chrétienne est un "devoir islamique"

Dans une ambiance conviviale, face à l’impossible paix en Terre Sainte, les pères synodaux ont écouté avec attention le rabbin David Rosen, conseiller au grand rabbinat d’Israël.

“Mercredi après-midi 13 octobre, ils ont été face à face. À Rome, dans l’espace libre du synode, comme en Terre Sainte, de part et d’autre du mur. Se sont-ils parlés ? Il est permis d’en rêver. Car, entre Mgr Rafiq Khoury, curé palestinien de Bir Zeit, à deux pas de Ramallah, et le rabbin David Rosen, conseiller du grand rabbinat d’Israël, il y a le gouffre du ressentiment et de l’amertume.
Invité à intervenir au nom du monde juif, David Rosen s’en est tenu à l’argumentaire « officiel » israélien, prenant acte de l’« extraordinaire transformation » du regard porté par les catholiques sur les juifs, alors que l’inverse n’est pas vrai (« La plupart des juifs israéliens ne rencontrent jamais de chrétiens ») et affirmant que « la situation des chrétiens israéliens est incomparablement meilleure en Israël que partout ailleurs au Moyen-Orient », même si ceux des Territoires palestiniens, sont « pris entre le marteau et l’enclume » et « portent le poids des mesures de sécurité que l’État d’Israël est obligé de prendre pour se protéger de la violence ». «Il faut aussi que le caractère chrétien de Jérusalem demeure visible»…”  Lire la suite de l’article Frédéric MOUNIER, à Rome sur le site du journal La Croix

Défendre la pésence chrétienne est un “devoir islamique”

Commentaires de Pascal Gollnisch, Directeur de l’Oeuvre d’Orient, sur les travaux du synode sur le site du journal La Vie

« Je ne peux pas vivre mon arabité sans le chrétien arabe du Moyen-Orient. ». Des mots fort qui récoltent les applaudissements de l’assemblée synodale. Mais celui qui les prononce jeudi soir à Rome n’est pas un énième évêque du Moyen-Orient témoignant des difficultés de son peuple, c’est un haut-dignitaire musulman: Muhammad Al Sammak, conseiller du Mufti sunnite du Liban. Invité à s’exprimer devant le synode en présence du pape, il a partagé sa grande préoccupation de voir disparaître les chrétiens, partie intégrante de la culture orientale: « Conserver la présence chrétienne est un devoir islamique commun autant qu’un devoir chrétien commun », a-t-il conclu. (texte intégral, en français)

Dans un tout autre style, l’Ayatollah Mohaghegh Ahmadabadi lui a succédé à la tribune. Membre du clergé iranien, il a quant à lui nié les difficultés des chrétiens dans les pays d’islam. « Les chrétiens vivent côte à côte et en paix avec leurs frères musulmans, ils jouissent de tous les droits juridiques des autres citoyens et exercent librement leurs pratiques religieuses », a-t-il assuré devant une assemblée refroidie. (texte intégral, en français)

 

Deux interventions qui nous donnent l’occasion, pour le cinquième épisode de rendez-vous avec le père Pascal Gollnisch, de revenir sur ces relations islamo-chrétiennes.

Comment se côtoient chrétiens et musulmans au Moyen-Orient ?

Dans l’ensemble, il y a de bonnes relations au quotidien entre les croyants. En Syrie par exemple, de nombreuses églises existent, ont toujours existé, et on y sonne même les cloches. C’est parfois plus compliqué dans des pays européens. Les tensions ne sont pas religieuses, sauf lors de dérapages fondamentalistes. Elles sont plutôt d’ordres juridiques, liées à la citoyenneté. Il n’y a pas de situation de persécution et le droit du culte est reconnu quand les chrétiens ont une présence historique.

Par contre de véritables inégalités de droits perdurent entre citoyens chrétiens et musulmans, de manière très variable selon les pays. Dans l’un, c’est l’accès à la propriété qui est bloqué, dans l’autre les droits des associations limitées, etc. Quant aux relations institutionnelles entre dignitaires, elles sont parfois trop formelles, et plusieurs évêques souhaitent voir des progrès sur cet aspect.

Pour de nombreux membres du Synode, il ne faudrait pas pour autant dire qu’il n’y a pas de problème avec l’islam. L’assemblée des évêques ne se reconnaîtrait surtout pas dans une diabolisation de l’islam mais elle n’entend pas non plus avoir une attitude irénique qui nierait les difficultés. Les pères synodaux veulent voir des transcriptions juridiques de ces relations souvent amicales sur le terrain.

La liberté religieuse est d’ailleurs quasi inexistante dans certains pays de la péninsule arabe ?

C’est vrai dans les pays sans présence historique, mais l’immigration d’une forte main-d’oeuvre catholique latine (cf notre entretien précédent) a déjà changé des choses. En Arabie saoudite, des initiatives lancées n’ont pas encore abouties mais dans d’autres pays, comme le Koweït ou certains émirats, des églises ont été construites. Certes, elles sont en nombre insuffisant, mais elles existent quand même et il ne serait pas juste de caricaturer.

Les chrétiens d’Orient doivent-ils craindre la progression de l’islamisme ?

L’immense majorité de l’islam est modéré. Ce sont eux les premières victimes de la violence de quelques groupes fondamentalistes. L’islamisme n’est pas un problème avec les chrétiens, qui bien sûr en pâtissent sévèrement parfois, mais c’est d’abord un souci au sein de l’Islam.

Enfin, beaucoup de membres du synode sont lassés de voir la place que prend ce sujet. Ils ne veulent pas qu’il éclipse les questions auxquelles ils sont venus chercher des réponses concrètes: comment rester sur place ? Comment agir sur le plan économique, politique, social ? Ceux-là se soucient de l’attente immense de leurs fidèles et veulent agir pour ne pas les décevoir, plutôt que de se préoccuper de problèmes plus institutionnels (cf la question du statut des patriarches évoquée dans notre épisode précédent, ndlr).