L’historien Charles Al Hayek déconstruit certains “mythes fondateurs” de l’identité libanaise. Un article du site Orient XXI publié le 1er avril 2021 présente son analyse, résumé par Xavier Godard (cité en référence).
Articles précédents :
Crise bancaire et économique
Corruption et clientélisme
Crise de l’électricité
Crise des ordures
Selon Al-Hayek, “la documentation historique indique que le Liban n’avait pas d’existence avant 1920, c’est-à-dire avant la fondation de cette entité par le général français Henri Gouraud. L’identité libanaise a été fabriquée après 1920, voire après 1943 et l’indépendance, pour aboutir à une formule susceptible de rassembler les diverses composantes confessionnelles“. Les questions identitaires au Liban ont opposé deux visions : une identité orientalo-arabo-musulmane et une identité occidentalo-phénico-chrétienne…
Beyrouth, 22 novembre 1920. Réception des délégations libanaises par le général Gouraud à la résidence des Pins, trois mois après la proclamation du “Grand Liban“. Archives Albert-Khan
Trois représentations de l’identité libanaise comportent les germes des antagonismes :
- Liban, refuge des minorités.
Face au mythe d’un exode des chrétiens au Mont Liban après l’invasion arabe du VIIe siècle, Al Hayek oppose une vision historique d’une transition plus progressive et pacifique du pouvoir. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que se forge l’idée que les chrétiens, les chiites et les druzes ont trouvé refuge au Mont Liban, dans un climat de conflit avec les musulmans (sunnites). C’est ce schéma qui a resurgi avec la création du Liban, pays protecteur des minorités religieuses.
Les maronites, ordre monastique créé près de Hama (nord de la Syrie), ont rejoint le Mont Liban plutôt pour fuir les chrétiens byzantins que les musulmans. Les druzes seraient des autochtones convertis, de même les chiites. Le récit historique d’un exode au Mont Liban vient du jésuite Henri Lammens de l’Université Saint Joseph de Beyrouth, au début du XXe siècle. Il développe l’idée du Liban terre d’asile, dans le cadre d’une vision orientaliste de l’époque convaincue de la supériorité européenne, alors que les dynasties islamiques sont diabolisées. Il cite Al Maqdisi pour considérer que la fracture entre chrétiens et musulmans viendrait des missions qui prônaient l’instauration d’un espace culturel propre aux chrétiens. On trouve des séquelles de cette opposition en observant que Tripoli, ville à majorité musulmane, tend à être considérée comme exotique par les chrétiens.
- Liban, pays méditerranéen et non pas arabe.
Quelle est l’ancienneté de l’entité libanaise ? En se référant à des racines très anciennes, on rejoint l’idée que le Liban ne serait pas un pays arabe mais méditerranéen. Le débat sur l’identité nationale n’est pas figé et le cadre reste celui d’un Liban arabe. Celui-ci a contribué au caractère laïc et moderne du nationalisme arabe. Mais cette idéologie s’est écroulée face à Israël.
- Liban, acteur historique.
Le danger des mythes fondateurs est la nostalgie, qui est un frein au développement et fait tomber dans la conviction d’être victime. Il faut créer un pays qui assure les droits de tous les citoyens, quelle que soit leur appartenance religieuse. Les manuels scolaires contiennent la vision officielle qui consacre le pouvoir confessionnel. Al Hayek se déclare fatigué du cliché des musulmans terroristes et des chrétiens victimes.
Voici la vidéo dans laquelle l’historien déconstruit “les mythes fondateurs de l’identité libanaise“. Raillant un discours devenu sacro-saint aux yeux d’une frange de la population, il s’attaque scientifiquement aux clichés, d’une manière simple et accessible à tous, en avançant des preuves aussi bien historiques qu’archéologiques. Ses thèmes sont repris dans l’article d’Orient XXI. La vidéo a été vue des dizaines de milliers de fois.
Source :
https://orientxxi.info/magazine/deconstruire-les-mythes-fondateurs-du-grand-liban,4647
On sait que Saad Hariri, Premier ministre pressenti, a déclaré le jeudi 15 juillet 2021 qu’il renonçait à former un gouvernement au Liban en raison de désaccords insurmontables, à ses yeux, avec le président Michel Aoun, prolongeant ainsi une impasse politique qui aggrave la crise financière et sociale dans laquelle est plongé le pays depuis des mois. Voir par exemple l’article de Challenges du 16 juillet 2021, https://www.challenges.fr/monde/liban-hariri-renonce-a-former-un-gouvernement-la-crise-s-aggrave_773706.
Voir également l’article de Jenny Lafond dans La Croix du 16 juillet 2021, https://www.la-croix.com/Monde/Liban-demission-premier-ministre-libanais-enfonce-peu-pays-crise-2021-07-16-1201166553