L’indispensable concorde autour des valeurs de la République

Vendredi 16 octobre, à Conflans-Sainte-Honorine dans les Yvelines, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, a été assassiné dans des conditions abominables pour avoir enseigné dans un cours d’éducation civique « la liberté d’expression et la liberté de croire et de ne pas croire » (1) à ses élèves. En ce moment tragique, nos pensées vont directement à la famille et aux proches de cet enseignant ; nous adressons aussi notre soutien aux professeurs et à la communauté éducative.

Nous, porteurs de la paix et du dialogue entre les cultures et les religions sur le pourtour de la Méditerranée, sommes sous le choc et la colère devant ce geste d’un jeune homme fanatique, au nom d’un islam aux idées intégristes et violentes. Une fois de plus, cet attentat montre que la violence peut surgir à tout moment lorsque l’on parle de religion dans la société. Le réseau Chrétiens de la Méditerranée condamne cet acte odieux et déplore que l’école ait été visée pour son ouverture à l’universalité et à la pluralité des cultures. Le personnel enseignant est un acteur primordial dans la transmission des valeurs de la République telles que la liberté d’expression, la liberté de conscience et la laïcité. Nous considérons que l’école est un des piliers fondamentaux de la construction d’une société dans laquelle les religions doivent être respectées ainsi que la diversité des opinions.

Depuis des années, le réseau est inquiet de voir la montée de la violence et de la haine, ennemies de la paix, à l’égard de l’autre, celui qui est différent et appartient à une autre culture et une autre religion. En effet, la question religieuse fait problème dans la société comme à l’école.

Si l’on ne veut pas que se reproduisent ces attentats, « il faut prendre au sérieux la dimension religieuse du fanatisme » dit Adrien Candiard (2) qui propose de « refaire de la religion une question d’opinion universalisable, c’est-à-dire sur laquelle il est possible d’échanger des arguments contradictoires», donc « pour lutter contre le fanatisme, il faut remettre la religion dans le débat public ». Alors, n’est-il pas nécessaire dans le cadre de la laïcité d’enseigner à l’école le « fait religieux », qui fait partie du patrimoine culturel mondial, pour permettre aux jeunes, futurs citoyens, de mieux comprendre la complexité des religions. Pour Adrien Candiard, c’est aussi à l’école «  qu’il faut remettre la religion dans le cercle de la raison commune. Il faut que la religion y retourne et fasse partie, comme beaucoup d’autres sujets même difficiles, de ceux dont on peut débattre ».

Cette démarche pourrait être étendue à nos concitoyens pour que le plus grand nombre puisse comprendre notre monde d’aujourd’hui dans sa complexité culturelle et religieuse grâce à des émissions spécifiques diffusées sur les chaînes publiques.

Notre réseau a participé à de nombreuses rencontres interreligieuses sous l’égide du GAIC (3) qui ont permis de mieux connaître la religion de l’autre, de vivre des moments de convivialité et de partage fraternel. Ces exemples existent dans de nombreuses villes de France mais ne sont pas connus du grand public et montre qu’« il est possible de travailler ensemble dans un climat d’amitié pour promouvoir la liberté, l’égalité et la fraternité dans le cadre de la laïcité » (3).

Les médias ont un rôle important de relais dans la diffusion de ces démarches et rencontres. Ils doivent aussi donner la parole aux responsables des différentes religions pour qu’ils exposent leur approche du lien social et comment ils voient les questions de violences dans la société afin d’éviter des amalgames dans l’esprit de nos concitoyens et favoriser la paix sociale. Les médias sont des acteurs incontournable pour un meilleur vivre ensemble dans nos cités et nos villes.

Dans un contexte multiculturel et pluri-religieux au sein de notre pays, cet événement tragique nous rappelle combien l’éducation joue un rôle fondamental pour mieux faire comprendre notre monde, son histoire et son patrimoine culturel et religieux. C’est sûrement la meilleure façon de lutter contre le fanatisme, l’intégrisme et l’obscurantisme et de sauvegarder la paix sociale dans notre pays.

Patrick Gérault

Président de Chrétiens de la Méditerranée

  1. Déclaration du Président de la République Monsieur Macron le 17 octobre 2020
  2. Interview à la Croix le 18 Octobre 2020 du frère Adrien Candiard, religieux dominicain et islamologue
  3. GAIC : Groupe d’amitié islamo-chrétienne. Communiqué du 19 octobre 2020

Retour à l’accueil

Image Dine