Le jeudi 10 septembre, un gigantesque incendie s’est déclaré au port de Beyrouth après la double explosion meurtrière du 4 août. Ce feu a réveillé les blessures d’une population déjà affligée par l’émotion de la double explosion qui a détruit le port et dévasté les quartiers chrétiens de Beyrouth.
Depuis les explosions, après les larmes et la colère, la ville vit au rythme de la solidarité. Chrétiens de la Méditerranée a manifesté immédiatement sa solidarité en faveur des victimes, s’est associé à la peine de leurs proches (1) et a soutenu l’appel à aider nos frères d’Orient lancé par notre parrain l’Œuvre d’Orient (1).
La catastrophe du port a enflammé la crise monétaire et économique avec son lot habituel de conséquences : le chômage, la pauvreté, en plus de la pandémie du covid-19, dans un pays où plus de 80 % des Libanais âgés de plus de 65 ans sont sans protection sociale. Les chrétiens sont très touchés comme toute la population par cette situation catastrophique et comme le sont aussi les réfugiés (1,5 million de Syriens et 30 000 Palestiniens). Oui, « Un mauvais sort s’acharne décidément sur le Liban » comme le dit fort justement Luc Balbont, journaliste et administrateur de CDM, dans l’article publié sur notre site (2).
Par ailleurs, nous sommes soucieux de la situation des chrétiens et en particulier du devenir des écoles chrétiennes, où 20% des élèves libanais sont scolarisés (6). En effet, les églises jouent un rôle important dans le domaine de l’éducation mais aussi de la santé. Les écoles chrétiennes remplissent « une mission du vivre-ensemble » (3) pour la « paix sociale » (3) dans les villages et les villes. « Plus d’une centaine d’écoles ont déjà fait savoir qu’elles ne pourraient pas accueillir leurs élèves.» (2). « C’est l’avenir de ce vivre-ensemble qui est en jeu avec la disparition de ces établissements… car ces écoles, déjà en difficulté avant l’explosion, se retrouvent dans une situation encore plus compliquée aujourd’hui dans la mesure où certaines ont été détruites » (3). Nous sommes solidaires de l’action de l’Œuvre d’Orient pour sauver ces écoles et nous vous encourageons à aider l’Œuvre d’Orient dans ce domaine.
Malgré la complexité de la région, l’histoire agitée du pays et sa situation dramatique aujourd’hui, nous espérons qu’une lumière d’espoir puisse sortir de l’épreuve dans laquelle se trouve le pays. En effet, le Liban a une force, c’est sa jeunesse qui se mobilise en rejoignant les équipes de secours auprès des populations touchées par l’explosion ; il a aussi une richesse, sa diversité culturelle et religieuse.
Dans ce contexte général, nous pensons aussi comme une grande partie de la population libanaise que le temps du changement est venu avec le renouvellement de la classe politique au pouvoir. En effet, « les Libanais ont tous pris conscience de la corruption de leurs dirigeants, de leur inefficacité et du non renouvellement de la classe politique, certains étant au pouvoir depuis plus de quarante ans. » (3).
Ce changement nous semble une priorité pour l’avenir du pays lorsque l’on écoute nos partenaires. Mais avec quel gouvernement ?… Quand on sait que l’Etat du Cèdre est plongé dans un flottement politique, que le pays est fragmenté et que des Libanais sont tentés de prendre la route de l’exode.
Notre partenaire et ami Fadi Daou (prêtre maronite, Président de la fondation Adyan) (4) qui est intervenu à plusieurs Universités d’Hiver de CDM, précise que le système actuel « tient jusqu’à présent sur la peur de l’autre. Changer cet appareil en gardant les mêmes personnes ne servirait à rien… Nous voulons un nouveau système qui serait plus résilient face au danger de manipulations au nom des intérêts compétitifs et des peurs réciproques entre les communautés ». La fondation Adyan (5) promeut « un nouveau système qui serait plus résilient face au danger de manipulations au nom des intérêts compétitifs et des peurs réciproques entre les communautés… un système à la fois citoyen et pluraliste » (4).
N’est-ce pas la mise en œuvre d’une réelle citoyenneté avec la prise en compte de son pluralisme, « lié à son identité » (4) vers laquelle le Liban doit se diriger? A son peuple d’en décider. Mais une chose est certaine, « les paroles et les actes rendent les membres de la communauté chrétienne indispensables au Liban » (1) dans leur participation à son avenir en tant que citoyens.
Patrick Gérault
Président de Chrétiens de la Méditerranée
Références
(1) Urgence Beyrouth, article publié sur le site CDM du 13 août 2020,
(2) Luc Balbont. La solidarité, seule arme des Libanais pour reconstruire leur capitale
(3) Interview de Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient, à Aleteia le 2 septembre 2020
(4) Interview de Fadi Daou dans le journal La Vie le 20 août 2020 « Les Libanais veulent un changement total ».
(5) Adyan est une fondation libanaise pour les études interreligieuses et la solidarité spirituelle. Elle a été fondée le 6 août 2006 par les membres de confessions chrétiennes et musulmanes et promeut la diversité, la solidarité et la dignité humaine. http://www.adyanfoundation.org/
(6) Interview de Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient, dans le journal La Vie du 20 août 2020
Photo Adyan, Global Pluralism Award