Titre
Voyage en Haute ÉgypteSous titre
Prêtres, coptes et catholiquesAuteur
Catherine Mayeur-Jaouen ; préface de Robert SoléType
livreEditeur
Paris : CNRS éditions, janvier 2019Nombre de pages
412 p.Prix
26 €Date de publication
27 avril 2019Voyage en Haute Égypte. Prêtres, coptes et catholiques
Minorité parmi la minorité, « entre une mer copte orthodoxe et un océan musulman », les coptes catholiques d’Égypte vivent pour la plupart d’entre eux dans la région la plus pauvre d’Égypte, la Haute-Égypte.
C’est là, dans la vallée du Nil entre le Caire et le Soudan, au cœur d’une Égypte encore profondément rurale, qu’est née cette Église « humble et pauvre », profondément égyptienne et en même temps profondément catholique. La plus petite des églises orientales rattachées à Rome, elle célèbre en rite copte mais est extrêmement attachée à Rome, et accède à travers ce lien à une dimension d’universel qui lui est précieuse[1].
Historienne et arabisante, professeure à La Sorbonne, Catherine Mayeur-Jaouen nous fait découvrir l’histoire et la vie de cette Église et de ces familles coptes catholiques, et leurs rapports avec les coptes orthodoxes et les musulmans. Elle nous décrit une région affligée par la misère et le chômage, le « Mezzogiorno de l’Égypte » (p. 17) frappé par le sous-développement, et rejeté par le Nord. Mais aussi une région délaissée par l’État, en proie à une insécurité grandissante propice aux « incidents confessionnels », souvent tragiques, dont les coptes sont les premières victimes.
C’est avec beaucoup d’empathie qu’elle nous fait partager le parcours et l’engagement de prêtres coptes catholiques, qui sont parmi les seuls Égyptiens ayant reçu une formation supérieure, maîtrisant des langues étrangères, et qui sont revenus vivre dans ces régions pauvres. Ils y font un travail remarquable de promotion sociale, avec l’aide de religieuses, dans le domaine de la santé, de l’éducation, de la promotion féminine, de l’insertion sociale des jeunes, et pour réguler ou prévenir les conflits. Comme le font aussi, pour leur part, des cheikhs musulmans et prêtres orthodoxes, affrontés aux mêmes défis de la pauvreté et de la violence.
Leurs relations avec les coptes orthodoxes, comme avec les musulmans, sont loin d’être toujours faciles, même si en plusieurs villes et villages une estime mutuelle s’est construite. Mais ici, nous avertit l’auteur, « la question confessionnelle est d’abord un problème politique[2] » (p. 339). C’est l’absence d’État de droit qui menace la liberté religieuse des minoritaires. Et l’ennemi, ce n’est pas la religion de l’autre, c’est la misère et le chômage qui conduit les jeunes à l’exil, quelle que soit leur confession.
Catherine Mayeur-Jaouen entretient depuis plus de 25 ans des liens étroits avec ces prêtres coptes catholiques d’Égypte, à qui elle enseigna quelques temps le français en 1989 quand ils étaient séminaristes à Maadi, tout près du Caire. Une vraie amitié s’est établie au fil des rencontres avec eux, au Caire, mais aussi à Rome où beaucoup étudièrent quelques années comme jeunes prêtres, puis lors des visites de l’auteure dans les villes et villages de Haute-Égypte où ils prirent la charge de paroisses.
Observatrice minutieuse et perspicace de leur parcours, de leurs paroisses, de leur environnement et mode de vie, Catherine Mayeur-Jaouen a également utilisé les archives du Vatican pour mieux connaître l’histoire de cette Église d’Orient.
Cette plongée au sein de l’Égypte profonde nous fait comprendre les rapports qui s’y nouent entre confessions différentes, les relations avec les autorités à la fois « omniprésentes et déficientes », les espoirs et les déceptions quant à la révolution de 2011 et la perspective d’une vraie citoyenneté partagée.
Seule source accessible en français sur ceux qui sont les plus invisibles des Égyptiens, ce livre est une vraie révélation sur cette région d’Égypte, sur ces chrétiens et sur leurs pasteurs. Prêtres et religieuses, avec ces laïcs hommes et femmes (et surtout des femmes !) engagés dans l’action sociale, ils sont les précieux acteurs d’un service aux plus faibles, d’une ouverture à autrui, et d’un pluralisme, modeste et courageux, dont le Moyen-Orient a tant besoin.
Catherine Mayeur-Jaouen nous les rend très proches, et nous les fait regarder avec infiniment de respect et d’estime. Un gros livre (plus de 400 pages avec les photos et les notes…), mais aussi un grand livre qui associe les exigences d’une démarche scientifique et une profonde humanité.
Bertrand Wallon[3]
[1] Pour mémoire, le pape François a rencontré coptes et musulmans lors de son voyage en Égypte, en avril 2017. « L’avenir du christianisme arabe est en Égypte » (Christian Cannuyer) : cliquer ICI
[2] Cf. Le livre de Laure Guirguis, cité dans la bibliographie, en cliquant sur : Les coptes d’Egypte : violences communautaires et transformations politiques (2005-2012).-Karthala, 2012.
[3] De Bertrand Wallon, secrétaire général des Amis de l’IDEO, on lira la recension du livre de Robert Solé – préfacier du livre Voyage en Haute-Egypte – en cliquant sur Ils ont fait l’Egypte moderne. Pour Robert Solé, « Une Egypte sans les coptes ne serait plus l’Egypte ».