Nous voilà déjà en fin janvier, que cette année vous soit agréable, sereine, pleine de bonheur pour chacune et chacun d’entre vous ! C’est à Meknès au Maroc que je commence cette lettre. Je suis avec deux amis pour 12 jours à la rencontre de la Communauté trappiste de Midelt dans le Haut Atlas marocain. L’accueil reçu est très chaleureux. Le dernier rescapé du drame de Tibhérine vit là, le Frère Jean-Pierre, et deux autres frères. Le froid est glacial et nous fait d’autant plus apprécier le thé à la menthe autour d’un braséro.
Quelques flashs sur Tibhérine dans le rétroviseur. L’année écoulée a été bonne, pour les récoltes bien sûr, mais le changement positif, c’est l’accueil des visiteurs de plus en plus nombreux à Tibhérine. Le film « Des hommes et des dieux » est passé par là… Certes, il n’est pas apparu dans les salles de cinéma, contrairement au Maroc où il a été projeté trois semaines durant. Les premières copies sont apparues sur le marché algérien au 1° janvier 2011.
J’avais accepté de témoigner personnellement de « Tibhérine aujourd’hui » au moment de la sortie du film, en France en septembre. Quinze jours consacrés à la promotion du film et du livre que j’ai écrit avec un autre ami Christophe Henning, “Le jardinier de Tibhirine”, pour souligner le dialogue de vie, le « vivre-avec », la convivialité au quotidien, tout cela vécu au village de Tibhérine, dans le sillage des Frères assassinés en 1996. Le film eut un succès extraordinaire, car il est beau, vrai et centré sur cette question qui a animé la communauté de 1993 à 1996 : rester ou partir. Décision personnelle qui deviendra une décision communautaire. Tout récemment, j’ai eu la chance de passer quelques heures sur le lieu du tournage au Maroc, à Tioumliline, ancienne abbaye bénédictine de 1952 à 1968. Avec les amis, nous avons même eu la chance de rencontrer la jeune fille soignée par le représentant du frère Luc, Mikaël Lonsdale. Grand moment d’émotion en parcourant les lieux du tournage de ce film dans ce cadre merveilleux et enchanteur qu’est Tioumliline, près d’Azrou.
Le film a provoqué de nombreuses visites à Tibhérine depuis septembre 2010 et il n’est pas de jours où nous n’accueillons telle personne ou tel groupe de passage. Parmi ces personnes, il faut souligner de nombreux Algériens qui passent par là pour se souvenir de Frère Luc. Beaucoup d’officiels aussi des différentes ambassades présentes en Algérie. Nous en sommes venus à solliciter un ami, Jean-Paul, jeune retraité de l’Education nationale et veuf, qui a accepté de me seconder sur place dans cette tâche d’accueil, pour plusieurs mois. Un autre ami est venu un mois pour m’aider aux tâches d’entretien du monastère. Nous avons donc formé une communauté provisoire à la suite du retrait des sœurs à Alger. La question reste donc entière pour la suite qui sera donnée à Tibhérine, mais les conditions sécuritaires, administratives sont réunies pour une implantation stable et pérrenne.
Pour moi, je suis là-haut toujours quatre jours par semaine, y restant dormir sans aucun problème. Le travail ordinaire continue au rythme des saisons et en ce moment c’est la fin de la taille des arbres, la conduite du fumier des voisins, quelques plantations pour améliorer les plantations existantes, et depuis des mois le souci de l’installation du gaz de ville dans les 72 foyers du village. Le coût est lourd pour les gens ; aussi l’association des « Amis de Tibhérine » prend en charge l’achat du compteur. C’est fort apprécié par la population, encore faut-il qu’elle fasse l’installation intérieure et s’équipe de fourneau à gaz. Petite révolution, après des promesses depuis 15 ans !
Puisse mon livre donner le goût de dépasser toutes les barrières d’incompréhensions entre les cultures et les religions, ce dont notre monde a bien besoin ces années-ci !
Je vous souhaite de nouveau une très belle année, malgré le retard de mes vœux les plus sincères en particulier à tous les anonymes qui m’ont écrit ces derniers mois, merci à toutes et tous.
Je vous embrasse avec beaucoup d’amitié.
Jean-Marie Lassausse.
Lettre de Jean-Marie Lassausse, prêtre de la Mission de France en Algérie
Le 26 janvier 2011.