GAZA; un bateau français pour briser le blocus de Gaza

172 personnalités et 70 organisations, dont un grand nombre de structures chrétiennes, ont signé un appel de soutien à l’opération Un bateau français pour Gaza. Source site du journal La Vie ( Anne Guion)

Quel point commun y a-t-il entre l’humoriste Jamel Debbouze, Yves Patenôtre, archevêque de Sens-Auxerre, et l’ancien ambassadeur Stéphane Hessel ? Ils ont tous les trois signé un appel de soutien à la campagne Un bateau français pour Gaza. Tout comme François Chérèque, le secrétaire général de la CFDT, et… Bernard Thibault, son homologue de la CGT.
En tout, 172 personnalités très diverses ont apporté leur soutien à cette nouvelle tentative de briser le blocus israélien de la bande de Gaza, un an après l’arraisonnement meurtrier de la première flottille, le 31 mai 2010. Le 18 juin, une grande manifestation est organisée à Marseille. Puis, fin juin, (la date reste secrète pour des raisons de sécurité), une trentaine de personnes monteront à bord du bateau qui rejoindra une flottille internationale. Une dizaine d’embarcations feront alors route vers les côtes gazaouies.
À l’origine de cette campagne en France, la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine et le Collectif national pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens. Au total, 70 organisations et des collectifs locaux, dont de nombreuses struc­tures chrétiennes, comme le CCFD, l’Acat (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), Chrétiens de la Méditerranée ou encore Pax Christi.

“Un enfermement mental”

Objectif : briser le blocus mis en place en 2007, qui asphyxie cette langue de terre de 40 km de long et de 10 km de large. “Les conséquences du blocus, même si celui-ci s’est allégé depuis un an, se font de plus en plus sentir sur les habitants de Gaza qui souffrent désormais d’un enfermement mental, analyse Emmanuelle Bennani, chargée de mission pour la zone au CCFD. Nous avons la profonde conviction que celui-ci a également une influence sur la société israélienne. On y constate une fermeture de l’espace démocratique.”
En février, une tournée dans une vingtaine de villes françaises pour sensibiliser et collecter des fonds pour l’achat du bateau est un succès. “Les dons ont commencé à arriver mi-février et, en mars, nous étions déjà à 100 000 €”, témoigne Maxime Guimberteau, qui s’occupe de la communication de la campagne. La mobilisation fait boule de neige et dépasse rapidement les cercles de militants “propalestiniens” traditionnels, comme l’Association France Palestine solidarité (AFPS).

Chrétiens et politiques se mobilisent

Un appel envoyé dans tous les diocèses, signé par des évêques et des pasteurs encourage les fidèles “à faire une place particulière dans leur prière personnelle et en communauté pour que la deuxième flottille de la liberté puisse atteindre ses objectifs au service de la paix”. “Gaza est devenue un symbole de toutes les atteintes à la dignité et aux droits des personnes”, estime ainsi Marc Stenger, évêque de Troyes et signataire du texte.
Un peu à la traîne, le monde politique a fini par suivre le mouvement. Le 30 mai, 400 élus ont signé un texte de soutien. Les grands partis sont plus frileux. À l’UMP, Étienne Pinte, député des Yvelines, est le seul à s’engager. “Je soutiens un groupe de médecins qui, chaque année, vont aider leurs homologues gazaouis, témoigne-t-il. Il me semble normal d’aller au bout de mes engagements.” On a pu ainsi le voir, à la tribune d’un meeting politique de soutien, organisé à Paris le 30 mai dernier, aux côtés notamment de Pierre Laurent, le secrétaire général du PCF ou encore de membres du NPA.
Fait assez rare, le conseil régional de Rhône-Alpes a voté le 27 mai un “vœu” de soutien au Bateau. “Il y a une évolution du regard sur Gaza, estime Jean-Jack Queyranne, son président PS. Désormais, les gens ressentent une grande injustice.”

“Il est impossible de ne rien faire”

Un succès qui surprend même les organisateurs de la campagne. “Les 500 000 € nécessaires à l’achat du bateau ont été rassemblés en trois mois ! témoigne Emmanuelle Bennani. Des personnalités que l’on n’a jamais entendues sur la Palestine ont signé l’appel ! C’est enthousiasmant.” Impensable il y a deux ou trois ans, lorsque la bande de Gaza faisait uniquement figure de “base du terrorisme” palestinien.
Depuis, il y a eu des prises de position de personnalités respectées, comme Stéphane Hessel, qui dans son livre Indignez-vous ! dénonce vivement le blocus. Les révolutions dans le monde arabe ont aussi bouleversé la vision du conflit. Surtout, le moment semble propice, alors que de nombreux pays s’apprêtent à reconnaître l’État palestinien lors de l’Assemblée générale de l’Onu, en septembre.
“Dans la période actuelle, il est impossible de ne rien faire, affirme ainsi Guy Aurenche, président du CCFD et signataire de l’appel des personnalités. Nous vivons ce qu’on appelle le kairos, un mot grec qui veut dire ‘le moment opportun’. Il faut le faire maintenant, pour que nos petits-enfants ne nous le reprochent pas plus tard. Même s’il y a des risques.”
Fin mai, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a affirmé qu’il n’hésiterait pas “à utiliser la force contre toute personne qui n’obéirait pas aux injonctions de la marine israélienne”. En France, des associations pro-israéliennes ont publié un communiqué aux accents guerriers appelant même leurs militants à se rendre à Marseille pour empêcher le départ du bateau. Mais le combat de l’opinion semble, lui, déjà gagné.