Bilan de Sémiramis
Mosaïque Liban était marqué par diverses rencontres. Tout d’abord, la rencontre avec l’Histoire du Liban, des phényciens, des romains, des mamlouks, en passant par les ottomans, la création du Liban, la guerre civile à aujourd’hui. Ensuite, la rencontre avec les universitaires à l’université Saint Joseph. Et surtout, les rencontres : celle de ces personnes, membre du clergé, membre associatif, acteur de paix et jeunes professionnels ou étudiants.
A la vue des immeubles, le Liban donne l’impression d’un pays en train de se construire. Les grands portraits d’hommes politiques surplombant ces bâtiments, faisaient contraste aux discours de certains jeunes libanais in-intéressés voire pessimiste à l’égard de la politique libanaise. L’ingérence du pays était une critique récurrente. Chez les libanais chrétien tout comme musulman, on pouvait constater une pluralité de points de vue : un nationalisme libanais, un conservatisme chrétien, une vision « pro-arabe », « pro-occidentale », « pro-hezbollah » ou encore un a-politisme.
Le Liban ou la rencontre de l’Histoire: « Nous avons l’expérience de la guerre, nous connaissons trop bien le bruit des bombes et des coups de feu »
Les libanais connaissent bien l’histoire, elle est présente dans leurs esprits parce qu’ils l’ont vécu. « Nous avons l’expérience de la guerre, nous connaissons trop bien le bruit des bombes et des coups de feu » : une phrase récurrente des libanais de tout âge. Cette phrase fait étrangement écho aux propos bouleversants des deux évêques maronite et melkite de Tyr. « Vous êtes les enfants de la paix, vous n’avez jamais connu la guerre », disaient-il, chose que les français oublient au quotidien. Lors d’une rencontre difficile et bouleversante, ces deux évêques nous avaient fait part de la situation des chrétiens du sud Liban. Leur histoire est marquée par des conflits et des massacres, gravées dans les mémoires des habitants du Sud. Je me rappelle de cette femme musulmane de Beyrouth, en larme, elle témoignait de son vécu lors des différents conflits. Son village, situé au sud du Liban, avait été bombardé et son père avait faillit mourir. Partisane du Hezbollah, elle se justifiait : « ils ne sont pas terroristes comme peuvent dire les autres, mais ils sont là comme pour faire acte de résistance », face à l’agresseur, ou face à l’ingérence du pays ? Ses douleurs étaient encore présentes.
Shatila : le droit au retour
Situé à Beyrouth Ouest, le camp palestinien de Chatila, connu pour le massacre de 1982, est un « entre lieu », voire un « non-lieu ». Une transition où vivent des populations depuis 6 générations. Dans les pays voisins, l’espoir des personnes se traduit par l’émigration ou par l’espoir d’une amélioration de la vie. Au camps de Chatila, la situation était tout autre : leur seul espoir d’avenir est le retour. Un espoir inculqué aux enfants depuis 1948. Face à ça, je me suis posé la question de l’éducation des enfants : élève-t-on des enfants pour les conditionner, ou élève-t-on les enfants pour leur promettre un meilleure avenir ? On n’était pas là pour les juger, mais pour les comprendre. Ce rêve du retour, une réaction naturelle d’être humains arrachés de leur terre, une notion récente apparue justement lors du conflit israélo-palestinien. Etant une enfant de réfugiés assyro-chaldéen, je connaissais trop bien ce problème et de tous les traumatismes qui s’ensuivent.
Etudiante en Histoire, un écart était perceptible entre l’enseignement de l’Histoire du Liban et ce qui dit au Liban : illustre-t-elle deux points de vue différents ou deux réalités du pays ? Je ne le sais guère. J’en garde un goût amer : le passé et ses rancoeurs sont pesants et les conflits extérieurs se font sentir. Ils ont des répercussions sur le quotidien des libanais. Après 20 ans, les libanais ont la volonté de se relever. Mais le pays n’a effectué aucun travail de mémoire et garde des rancoeurs. Comment connaître la paix lorsque le travail de mémoire et de justice n’ont pas été faits ? Est-ce que paix signifie dialoguer avec autrui en acceptant sa spécificité ou volonté de trouver à travers les différences une quelconque chose qui les unifierait ? Tel était le dilemme auquel le Liban se trouvait. Cette situation m’a permise de mesurer l’ampleur des actions menées par les associations rencontrées sur place. Or est-ce le travail des associations ou de l’Etat ? On nous répétait souvent que le gouvernement libanais n’était pas présent au Liban…
J’ai connu le « vivre ensemble », désormais, je connais son sens grâce à Mosaïque Liban. Malgré nos différences, le courant passait par l’ouverture, l’amour et la compréhension de l’autre dans la joie et la bonne humeur. A travers son histoire et ses acteurs locaux, le Liban a témoigné de la possibilité du vivre ensemble par un choix personnel et un compromis. Il nous a aussi appris à comprendre l’autre dans ses douleurs et ses rêves. Il suffit d’un rien pour être heureux et être en paix, tout comme qu’il suffit d’un rien pour être en guerre : c’est dans la rencontre de l’autre que naissent les paix et les conflits. Tel était le message du Liban. Mosaïque Liban était aussi l’occasion de (re)-découvrir la France, par sa pluralité et ses acteurs de paix. La volonté de s’engager à la paix n’était plus le fait d’un seul homme mais de plusieurs. Guy Aurenche, président du CCFD a porté un message fort encourageant à tous les jeunes engagés. Pour lui répondre, je citerai une phrase de Gandhi : « Les petites choses n’ont l’air de rien, mais elles donnent la paix ; c’est comme les fleurs des champs ; on les croit sans parfum, et toutes ensemble, elles embaument ». Sémiramis