La Turquie connaît actuellement une période troublée. A la suite de l’arrestation d’un membre important de l’opposition, de vastes manifestations ont eu lieu et une vague d’arrestations en a résulté. Pour éclairer la situation de cet acteur majeur de la scène du Proche-Orient, nous proposons des extraits d’un entretien mené par le média en ligne Vatican News avec l’administrateur du vicariat apostolique catholique d’Anatolie.
L’article est de Antonella Palermo et Marie Duhamel, depuis la Cité du Vatican.
Il présente d’abord Mgr Antuan Ilgit, premier évêque turc de l’Église catholique. Né en Allemagne dans une famille d’émigrés musulmans, il est arrivé très jeune en Turquie où il a fait des études d’économie. Là, il est entré dans la Compagnie de Jésus. Après plusieurs postes en Turquie, il a servi comme formateur au séminaire pontifical interrégional campanien de Posillipo en Italie. Nommé évêque auxiliaire du vicariat apostolique d’Anatolie en 2023, il devient porte-parole de la Conférence épiscopale turque, responsable de la pastorale des jeunes et des vocations et président de la Commission nationale pour la catéchèse. Puis en novembre 2024 il est nommé administrateur apostolique d’Anatolie, après la démission pour limite d’âge du vicaire apostolique Paolo Bizzeti.
–L’Église catholique en Turquie, son rapport avec les autres Églises et religions
Cette Église, qui se sait très minoritaire, est “de plus en plus capable d’accueillir, les réfugiés chrétiens, les étudiants universitaires africains déjà catholiques, les pèlerins occidentaux”, sans s’afficher. “L’œcuménisme et le dialogue interreligieux, nous les vivons au quotidien, nous, pasteurs catholiques, orthodoxes, arméniens apostoliques, etc., en participant mutuellement à des célébrations, à des événements, en partageant nos ressources sans compter.” De même les rapports avec les autres religions, dont l’Islam, s’imposent, en particulier dans les familles mixtes. “L’acceptation charitable et le respect, le sens de l’hospitalité, la piété et la charité qui caractérisent cette terre nous aident à vivre cela. Chrétiens, musulmans, juifs, yézidis, nous sommes tous des citoyens égaux et nous aimons tous cette terre turque qui nous semble être notre maison.”
-Un engagement auprès des jeunes
Mgr Ilgit décrit des jeunes qui, “avec leur intelligence, leur curiosité, leur débrouillardise, grandissent vite”, ont besoin de propositions sérieuses. Ils frappent par “leur désir de prier, de se recueillir devant l’adoration eucharistique, de réciter le chapelet”, et par le souci de s’organiser eux-mêmes. “Qu’ils se responsabilisent et fassent l’expérience de la beauté”, ajoute le Père Antuan.
L’église de la Visitation à Iskenderun
-Le tremblement de terre du 6 février 2023
“Même si l’on n’en parle plus, la situation sur place reste grave avec une précarité évidente, surtout dans la ville d’Antioche, et en partie à Iskenderun [en français Alexandrette], siège de notre vicariat. (…) Le tremblement de terre a touché une zone géographiquement très étendue. Nous avons encore notre cathédrale à reconstruire et nous sommes constamment en contact avec les autorités locales et centrales pour essayer de surmonter certaines difficultés bureaucratiques le plus rapidement possible.” Mais le souci premier de l’évêque est de garder unis ceux des fidèles qui ont dû quitter leur ville à la suite des risques persistants. “Pour les faire revenir, nous devons leur offrir des emplois, des écoles, des centres de santé, un soutien pour qu’ils puissent récupérer leurs maisons détruites.” Caritas Anatolie “se concentre sur des projets plus petits, locaux et ciblés sur les besoins réels de la population”.
-Le conflit au Proche Orient
Il n’y a pas d’indifférence possible face aux conflits en cours, car la Turquie est immédiatement voisine des pays qui en sont affectés. Comme le dit le pape, “la guerre est une défaite. Seul celui qui se bat pour une paix véritable sera un vrai vainqueur. (…) Le Proche-Orient est notre maison, le monde est notre jardin commun, et nous sommes en train de ruiner notre maison commune. La création que nous ruinons nous a été donnée pour y vivre en tant qu’enfants, en tant que frères. Le problème n’est pas (…) d’obtenir la fin des massacres. C’est d’exceller tous ensemble dans l’amour. C’est à cela que nous sommes appelés.”
-Les pèlerinages sur les pas de saint Paul et des premiers chrétiens
Ils reprennent, et les groupes peuvent de nouveau être accueillis au siège du Vicariat, à Iskenderun. Ce sont “des religieux et religieuses, des séminaristes et des laïcs désireux de redécouvrir les racines de leur foi.” Certains pensent même ne pas repartir, et Mgr Antuan lance un appel à “de jeunes prêtres diocésains désireux de passer leur vie comme fidei donum” pour qu’ils s’engagent auprès de lui.
-Les migrants en Turquie
“L’une des plus belles caractéristiques de ma patrie est l’hospitalité; nous sommes capables de donner une grande hospitalité même lorsque nous n’avons que très peu de moyens. (…) L’hospitalité est donc sacro-sainte et la nation entière a donné un grand témoignage en accueillant tant de Syriens, mais aussi d’Irakiens, d’Iraniens, d’Afghans, et même d’Ukrainiens et de Russes.” Il est déchirant de voir tant de personnes qui fuient leurs pays se noyer dans la Méditerranée. “Ils ont tous un nom, un visage, une histoire, ils sont tous aimés, désirés par le Seigneur Jésus. Nous nous engageons, oui, à accueillir ceux qui n’ont d’autre choix que d’abandonner leur terre, mais ce n’est pas suffisant. Il ne suffit pas de leur donner des vêtements, de la nourriture, des jouets. L’Église de Turquie, apparemment petite et avec peu de ressources, fait de grands efforts, non seulement pour les accueillir, mais surtout pour leur donner le sentiment de faire partie de la communauté chrétienne autochtone. Malheureusement, malgré toutes les tentatives pour atteindre l’autre rive, il semble qu’ils continueront à mourir (…)”.
L’entretien se termine ainsi :
“Une belle histoire à raconter ? La petite église du couvent des Capucins d’Antioche se prépare à célébrer la messe de Noël [NDLR, l’entretien date de novembre 2024]. Les Capucins ont travaillé dur pour panser les blessures de cette petite église détruite par le tremblement de terre, et nous l’avons appelée l’église du Jubilé du vicariat d’Anatolie. Ainsi, la petite église de la ville d’Antioche, qui a été presque entièrement détruite par le tremblement de terre, sera le signe jubilaire d’un nouveau départ.”
Voir l’article entier : https://www.vaticannews.va/fr/eglise/news/2024-11/turquie-nomination-vicaire-d-anatolie-mgr-ilgit-seisme-guerre.html
Iskenderun – Wikipedia
Le vicariat apostolique a juridiction sur les fidèles catholiques de rite latin résidant dans la partie centre-orientale de la région turque d’ Anatolie. Le siège du vicariat est la ville d’Iskenderun, où se trouve la cathédrale de l’Annonciation. Une co-cathédrale dédiée à saint Antoine de Padoue se dresse à Mersin. Le territoire est divisé en huit paroisses. Il compte environ 4500 fidèles. Il existe des communautés catholiques dans les villes suivantes : Adana, Iskenderun-Alexandretta, Antiochia, Güzelyayla, Mersin, Samsun, Tarsus, Trebizond.
Source : Vicariat apostolique d’Anatolie, https://fr.wikiital.com/wiki/Vicariato_apostolico_dell’Anatolia
Images vicariat apostolique d’Anatolie