La presse a fait écho aux restrictions dans la fréquentation des lieux saints lors des fêtes de la Pâque des Églises d’Orient (1). Elle ont été imposées par les autorités israéliennes, se référant à un souci de sécurité particulier, dans la tension actuelle provoquée par une certaine éruption de violence. Mais sont-elles justifiées ? Voici des extraits du témoignage d’un Franciscain de Jérusalem soulignant les menaces qu’elles font peser sur le libre accès des chrétiens aux lieux saints du christianisme à Jérusalem.
Il nous est transmis par le Groupe Kairos Hérault de Montpellier, qui a établi des liens avec le Patriarcat Latin de Jérusalem lors de son voyage en Palestine en décembre 2019 (dans le cadre du jumelage Montpellier-Bethléem). Et en particulier avec M. Gabriel Batato, qui a pris la peine de traduire le texte arabe paru dans le journal de Jérusalem Al Quds. Il insiste sur les restrictions policières qui ont entravé les célébrations du Feu sacré, le jour du samedi saint orthodoxe, dans la basilique du Saint-Sépulcre.
(1) Le Journal La Croix y faisait déjà allusion dans un article du 10 avril 2014, Le Samedi saint devant la Haute cour de justice israélienne, https://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Actualite/Monde/Le-Samedi-saint-devant-la-Haute-cour-de-justice-israelienne-2014-04-10-1134349
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Père Ibrahim Faltas, franciscain
Samedi Saint à Jérusalem
Des foules de gens marchant et se rassemblant autour du tombeau sacré, tenant des bougies, attendant d’être allumées par la lueur du Feu Sacré émanant du tombeau vide, certains d’entre eux applaudissant, certains laissant errer leurs yeux, certains fermant les yeux dans la prière et la supplication. Des foules par milliers y assistent, et derrière elles se trouvent des foules par millions, à la maison et dans le monde entier, qui regardent, attendent, prient et supplient Dieu. C’est le joyeux événement annuel que je suis depuis que j’ai eu le privilège de faire mes études de théologie à Jérusalem en 1989.
Pour ensuite rejoindre le service de la Custodie de Terre Sainte, à Jérusalem et dans le reste de la Terre Sainte. Depuis, j’ai suivi chaque année la joyeuse célébration du Feu Saint dans l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Des dizaines de milliers de Jérusalémites croyants, de chrétiens de différents pays du monde, affluaient chaque année à l’église de la Résurrection pour célébrer le flot de lumière venant du tombeau vide, sans barrières ni obstacles, et nous n’avons jamais entendu parler d’un accident survenu là à qui que ce soit. Un pèlerinage intérieur et extérieur représenté par les foules de Jérusalémites et de pèlerins étrangers rassemblés librement dans l’église du Saint-Sépulcre et ses cours extérieures, jusque sur le toit de l’église du Saint-Sépulcre et d’autres toits à proximité, pour suivre l’événement le plus important des rites liturgiques et des célébrations chrétiennes.
(…) Les chrétiens de différentes Églises les suivent, non seulement en Palestine, mais aussi dans divers pays. Des avions sont prêts à transporter le Feu Sacré émanant du [tombeau] vide (…) aux différentes Églises du monde (…) comme le font les villes et villages de Palestine, qui reçoivent le feu sacré du [tombeau] vide par des célébrations solennelles [avec la participation] des scouts, entrant à leur dans la célébration de la résurrection du Seigneur dans les différentes églises.
Mais… pourquoi les choses sont-elles si différentes cette année ? Que se passe-t-il à Jérusalem aujourd’hui ? Pourquoi un si grand nombre de points de contrôle militaires et l’ingérence accrue de la police dans les événements et les activités de ce jour saint ? Pourquoi restreindre la liberté de culte et empêcher les fidèles d’atteindre l’église du Saint-Sépulcre ?
L’annonce par les autorités israéliennes que seuls mille chrétiens sont autorisés à entrer dans l’église est un précédent dangereux (…). Sa Béatitude le patriarche Théophile III, le patriarche grec orthodoxe de Jérusalem, s’est opposé à cette décision, a saisi le tribunal [la Cour suprême d’Israël]. Sa décision de permettre l’entrée de quatre mille chrétiens (…) est également [inacceptable]. Toute tentative d’ingérence et de limitation du nombre de participants aux prières et rites dans l’église du Saint-Sépulcre est catégoriquement rejetée par les trois Églises qui en sont responsables.
En tant que chrétiens, enfants de la Résurrection, enfants de Jérusalem, nous devons rejeter toute mesure limitant la liberté de mouvement et d’entrée dans nos lieux saints. La distribution de bracelets aux personnes autorisées à entrer [doit aussi être rejetée]. Nous exigeons le droit à la liberté de culte et d’entrée dans nos lieux saints et églises sans ingérence d’aucune sorte, et pour tous ceux qui souhaitent y entrer.
(…)
Environ deux mille coptes égyptiens ont obtenu un visa pour le pèlerinage à Jérusalem. Et quand on demande à n’importe quel pèlerin copte ou à n’importe quel pèlerin chrétien étranger, quel est votre programme et ce que vous ferez à Jérusalem, tous, sans exception, répondront : visitez l’église du Saint-Sépulcre et célébrer le rite du Feu Saint. Si le nombre de pèlerins égyptiens est de 2000 et que le nombre de chrétiens locaux se compte par milliers, en plus des chrétiens orthodoxes de Grèce et des pays d’Europe de l’Est, [comment limiter] (….) le nombre d’entrées à mille, ou quatre mille ? C’est contraire à la liberté de culte.
(…)
Nous ne pouvons pas et ne devons pas rester silencieux face à l’ingérence croissante de la police israélienne dans les célébrations du samedi saint, au harcèlement des chrétiens locaux, des moines et des prêtres et des pèlerins étrangers au mépris de la dignité humaine et de leur droit naturel à exercer leur rituels et prières sans entrave ni barrière. Les attaques contre les pèlerins, les chrétiens de Jérusalem et le clergé ne peuvent être tolérées.
Nous considérons ces comportements comme un indicateur dangereux et inquiétant, car ce sont des comportements qui vont au-delà [du fait] d’exécuter des ordres (…) Nous rejetons catégoriquement l’idée de faire une distinction entre les pèlerins étrangers, les citoyens de Jérusalem en particulier et les Palestiniens en général. [Car ils sont] les propriétaires originels du lieu, les gardiens de la Résurrection, ses descendants, qui ont porté et portent Jérusalem en l’embrassant dans leur conscience et dans leurs cœurs – Jérusalem (…) d’où la nouvelle alliance pour le monde a été lancée.
(…)
Nous appelons les pays qui ont envoyé des avions privés pendant la pandémie de Corona pour transmettre le Feu Saint aux Églises de leurs pays en solidarité avec Jérusalem pendant la pandémie, à se tourner aujourd’hui vers Jérusalem et la souffrance de son peuple, chrétiens et musulmans. Aujourd’hui était le samedi du feu sacré. [Juste] avant, c’était le troisième vendredi du Ramadan, et les attaques flagrantes contre les lieux saints [musulmans] s’intensifient (…). Nous appelons également les pays et gouvernements amis à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin une fois pour toutes à ces souffrances.
Traduction de Gabriel Batato, extraits sélectionnés par CDM
Image Wikipedia